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Ethnies, religions… quelles sont les vraies causes du conflit centrafricain?

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L’intervention française en République centrafricaine a désormais une semaine. Une première semaine de désarmement des anciens rebelles de la Séléka, qui sèment la terreur dans le pays depuis plusieurs mois, et des milices qui se sont constituées pour se défendre des rebelles.

Désarmer les milices

Depuis plusieurs mois, les regards de la communauté internationale se sont tournés vers ce pays d’Afrique centrale. Depuis le coup d’Etat du mois de mars, qui a défait le président Bozizé, les experts et observateurs ont immédiatement alerté des risques de conflit interconfessionnel.

En effet, les rebelles de la Séléka étant majoritairement musulmans, certains chrétiens se sont réunis en milices d’auto-défense pour défendre leurs villages. Face à ce constat, certains n’ont pas hésité à qualifier la situation dans le pays de proche d’un génocide, notamment le ministre français des Affaires étrangères, quelques jours avant le début de l’intervention.

Alors que les Français sont en mission de sécurisation, chargés de rétablir la paix en désarmant la population, de nombreux experts veulent désormais mettre en garde contre un enlisement du conflit, un cycle de violences et de représailles opposant deux religions.

80% de chrétiens pour 10% de musulmans

La Centrafrique – 4,5 millions d’habitants – est principalement composée de chrétiens qui constituent 80% de la population et qui cohabitent avec 10% de musulmans et 10% d’animistes. Au-delà de ces différences religieuses, la Centrafrique est également un conglomérat de tribus qui se partagent un territoire vaste de 623 000 km².

La population centrafricaine vit entre les régions sahéliennes, la Savane, dans le nord, les régions soudanaises, la forêt méridionale et les régions du fleuve.

Les principaux foyers de population se trouvent dans le nord, où vivent les Gbaya, les Banda et les Mandja, et dans les zones frontalières du fleuve, où se rencontrent les Ngbaka, les Yakoma et les Sandé.

Alors que l’histoire postcoloniale de la République centrafricaine n’est faite que d’une succession d’alternances ethno-politiques, certains experts ont tenté d’analyser le conflit centrafricain sous ce regard, expliquant ainsi pourquoi le chaos règne dans ce pays.

Le problème centrafricain est ethnique

« Comme quasiment partout en Afrique, le problème est d’abord ethnique », estime ainsi l’africaniste Bernard Lugan sur son blog.

« L’histoire de RCA depuis l’indépendance est rythmée par l’alternance de  cycles ethno-politiques conflictuels qui donnèrent tour à tour le pouvoir à des populations originaires des grandes régions du pays […] En RCA où, une fois encore, la longue histoire explique les évènements contemporains, l’intervention militaire trop tardive ne réglera pas le problème de fond », ajoute-t-il encore.

« La seule solution qui sera proposée par la France sera une nouvelle fois un processus électoral, donc une ethno-mathématique, qui redonnera le pouvoir aux plus nombreux, donc aux peuples de la savane. Les ‘gens du fleuve’ au sud et les nordistes seront automatiquement perdants car minoritaires, ce qui sera la cause de futurs conflits », indique-t-il encore.

Un affrontement religieux, voire social

Une thèse qui n’est pas partagée par tous les spécialistes de l’Afrique. « Ce n’est pas du tout un affrontement ethnique, contrairement à tout ce qui a été dit dans les médias », estime pour sa part Jean-Loup Amselle, anthropologue africaniste interrogé cette semaine sur le plateau de l’émission 28 Minutes, sur Arte.

« C’est un affrontement religieux […] et c’est presqu’un affrontement de classe entre les bases populaires chrétiennes et cette espèce de ‘bourgeoisie’ de commerçants (principalement des musulmans, ndlr) », explique-t-il encore, avant d’ajouter : « En général, on analyse tous les conflits qui se déroulent en Afrique comme des affrontements ethniques, or ce n’est pas du tout le cas ».

Les groupes rebelles instrumentalisés par l’étranger ?

La religion ne semble pas être à l’origine du problème centrafricain, explique quant à lui Lin Banoukepa, avocat au barreau de Paris et responsable du bureau politique du Front pour le retour à l’ordre constitutionnel en Centrafrique.

« La religion est utilisée à des fins purement politiciennes », explique-t-il sur le plateau de l’émission Le Débat, sur France 24.

« Ceux qui n’ont pas pu avoir, par les urnes, l’accès à la place publique ou politique ont usé de financements, par le biais de groupes opaques et religieux qui prolifèrent de par le monde », assure-t-il avant d’ajouter : « Je parle du Soudan, je parle du Tchad qui ont été les sources de financement de la Séléka et du recrutement abondant ».

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