Site icon La Revue Internationale

Fallait-il faire autant de publicité à Dieudonné?

dieudonne.jpgdieudonne.jpg

[image:1,l]

Pour quelle raison le ministre de l’Intérieur a-t-il cru bon vouloir étudier « toutes les voies juridiques » pour interdire les « réunions publiques » de Dieudonné ? Dans une interview, samedi 28 décembre au Parisien/Aujourd’hui en France, Manuel Valls a déclaré vouloir donner instruction aux préfets, à l’occasion de chaque spectacle, d’ « apprécier si le risque de trouble est caractérisé et justifie d’interdire la représentation ».

Cette initiative a été saluée par le président de la République : « Il faut approuver et soutenir le gouvernement et le ministre de l’Intérieur par rapport à des propos ou à des actes dont le caractère antisémite ne peut pas être nié », a déclaré François Hollande, depuis Ryad.

L’UMP divisée

Et l’UMP n’a pas tardée à se faire entendre sur le sujet : « Soutien total à la décision de M. Valls. Assez de ce silence convenu devant l’antisémitisme de Dieudonné et de ceux qui le cautionnent », a posé Jean-François Copé sur son compte Twitter. Le maire UMP de Perpignan, Jean-Marc Pujol, qui avait tenté d’interdire un spectacle de Dieudonné, a lui aussi déclaré soutenir « totalement » l’action de Manuel Valls. « Quand j’avais pris la décision d’interdire le spectacle de Dieudonné, cela faisait des années qu’on le laissait proférer des propos racistes et antisémites », a-t-il ajouté.

Mais tous ne partagent pas cet avis. Pour Geoffroy Didier, leader de la Droit forte, le ministre de l’Intérieur a fait « de la publicité gratuite à un provocateur ». « Cela fait plusieurs années que Dieudonné ne me fait plus rire », a-t-il déclaré sur Europe 1. « Et c’est pour cela qu’il a créé ce business autour d’une dérive sectaire selon laquelle il existerait un complot juif. Les gestes qu’il commet, ce qu’il dit notamment sur les chambres à gaz, sont des provocations misérables et misérables. Tout ce qu’il dit est moralement insupportable, mais pas forcément pénalement condamnable ».

Cependant Geoffroy Didier a jugé que Manuel Manuel Valls était « tombé dans le panneau en faisant de la publicité gratuite à un provocateur qui ne demandait que ça ». « Le rôle d’un ministre de l’Intérieur n’est pas d’agiter les peurs », a-t-il ajouté.

Les avocats septiques sur la méthode

Il n’est, en effet, pas interdit de s’interroger sur la pertinence d’une telle interdiction. Ne va-t-elle pas une nouvelle fois « victimiser » Dieudonné ? Si le ministère de la Justice a rappelé « que la France disposait d’une législation adaptée pour sanctionner sévèrement les propos et les actes racistes qui sont inadmissibles parce qu’ils minent le lien social », pour le magistrat honoraire Philippe Bilger les procédures juridiques sont plus pertinentes que l’interdiction : « Pour défendre Cohen et Haziza il y’a des procédures. Valls met le doigt dans un engrenage très dangereux. Pour ‘se payer’ Dieudonné ! » a-t-il lancé sur Twitter.

Quant à Me Eolas, avocat blogueur, il n’a pas hésité à dénoncer la « censure » que voudrait mettre en place le ministère de l’intérieur : « Je critique l’annonce du ministre de l’intérieur de vouloir interdire ses spectacles. Oui à une sanction a posteriori, non à une censure », a-t-il posté sur Twitter. Et d’ajouter : « Visiblement, des antiDieudo se sont lancés avec les pro-Dieudo dans un concours de connerie. Pas sûr qu’ils gagnent », a-t-il ajouté.

« Il n’est pas certain que le coup de sang de Manuel Valls soit juridiquement efficace », analysait ces jours-ci le Figaro. « C’est en tout cas une première pour la Place Beauvau. Jacques Verdier, l’avocat de Dieudonné, s’est empressé de faire remarquer que sur la quinzaine de recours portés par les collectivités en annulation de spectacles, tous avaient été perdus. Le Conseil d’État lui-même a déjà donné tort à la mairie d’Orvault en Loire-Atlantique. Le Mrap, le Mouvement contre le racisme et l’antisémitisme, se dit même “dubitatif” sur la démarche de Manuel Valls. »

En tout cas, s’il en est un qui profite de la situation, c’est bien le principal intéressé. Le parquet de Paris ouvrait cependant, ce lundi 30 décembre, une enquête préliminaire pour « incitation à la haine raciale » sur les propos antisémites de Dieudonné visant le journaliste de France Inter Patrick Cohen, révélés par un reportage de « Complément d’enquête » sur France 2 (video ci-dessous).

Quitter la version mobile