Site icon La Revue Internationale

La Françafrique est un concept dépassé

[image:1,l]

JOL Press : Paris a accueilli le forum franco-africain, mercredi 4 novembre. Durant cette journée, l’accent a été donné sur les échanges et les investissements entre la France et l’Afrique. François Hollande s’est exprimé et a déclaré que durant ces cinq prochaines années, 200 000 emplois pourraient être créés en France. L’Afrique pourrait-elle sauver le vieux continent de la crise ?
 

Jean-Pierre Dozon : Nous pouvons en effet le dire ainsi car si l’Afrique est le continent le plus pauvre il est également celui qui a le potentiel le plus fort tant en termes de croissance démographique que de richesses dans et sur son sol. Ce potentiel est d’autant plus fort que désormais, l’Afrique est riche de personnes formées et qui ont de grandes capacités.

Ce continent est convoité par tous, la France mais aussi la Chine, le Brésil, l’Inde, le Pakistan ou encore les pays arabes.

L’Europe reste néanmoins, en raison de son histoire, la région la plus concernée par l’Afrique. Estimer que ces nouveaux partenariats pourraient amener 200 000 emplois en France est sans doute arbitraire et il ne faut d’ailleurs pas oublier que les partenariats économiques franco-africains existent déjà et que de nombreuses entreprises françaises, telles que Bolloré, Areva, Orange ou Bouygues sont installées sur le continent.

D’autre part, c’est dans les pays anglophones et lusophones que ces partenariats sont aujourd’hui les plus envisageables. Des pays comme le Ghana, la Tanzanie, le Botswana et l’Angola ont une croissance très importante. En revanche, dans les pays francophones, au Mali, en Centrafrique ou en Côte d’Ivoire, les capitaux auront encore des difficultés à être investis tant que les problèmes sécuritaires ne seront pas résolus.

JOL Press : Depuis l’entrée en fonction de François Hollande, l’Afrique semble avoir été une priorité de son mandat. Comment expliquez-vous cette volonté ?
 

Jean-Pierre Dozon : Cette ambition africaine est assez surprenante et je crois que ce sont d’abord les circonstances qui ont fait les choses. C’est d’ailleurs d’autant plus surprenant que parmi les candidats socialistes à l’élection présidentielle, Martine Aubry était sans doute celle qui avait le plus de connaissances du continent africain.<!–jolstore–>

Je pense que c’est à l’exercice du pouvoir que les choses ont changé pour François Hollande et c’est le Mali qui a représenté un véritable tournant. Après l’intervention, en janvier dernier, et lorsque François Hollande a été accueilli en chef de guerre à Tombouctou, il n’a pas hésité à déclarer que ce moment était le plus important de sa carrière politique.

Accueilli comme un libérateur, François Hollande s’est alors penché sur le continent africain. Puis il y a eu la crise en République centrafricaine, et aujourd’hui ce sommet. Le destin de François Hollande semble vraiment croiser celui de l’Afrique.

JOL Press : Certains observateurs affirment même que l’Afrique pourrait être la vraie réussite de François Hollande. Qu’en pensez-vous ?
 

Jean-Pierre Dozon : C’est très probable et ce ne serait pas la première fois que le continent africain réussirait à un président français.

Cela a été le cas pour François Mitterrand qui a commencé sa carrière en Afrique, en tant que ministre de la France d’Outre-mer. Plus tôt encore, le Général de Gaulle pensait lui aussi à l’Afrique lorsqu’il est parti à Londres pour lancer son appel du 18 juin 1940 et c’est la France Libre a reconquis l’Afrique contre le régime de Pétain.

C’est en Afrique que François Hollande pourrait redorer son blason et redéfinir les relations compliquées qui unissent la France et ce continent. Il pourrait alors voir plus grand, déployer une politique moins liée à son histoire coloniale et et s’intéresser à d’autres pays africains, anglophones ou lusophones.

En attendant, ce qui se passe au Mali ou en Côte d’Ivoire est le témoin d’une chose : la France est le seul pays qu’on appelle à la rescousse lorsque survient un danger. Elle est condamnée à jouer ce rôle. Peut-être que François Hollande ne voulait pas intervenir au Mali, mais il s’est vite rendu compte qu’il n’avait pas le choix, car les Français étaient les seuls à pouvoir le faire.

JOL Press : Justement, entre échanges commerciaux et interventions militaires, où s’arrêtent les partenariats et où commencent l’ingérence et le néo-colonialisme ?
 

Jean-Pierre Dozon : Cette frontière est assez floue. En général, on définit la Françafrique comme étant une affaire de réseaux, d’intérêts douteux, de passe-droits et de clientélisme.

Or aujourd’hui, au Mali comme en République centrafricaine, la France n’a aucun intérêt à défendre. Ce sont les Chinois qui, par exemple, sont très présents au Mali et ont largement  applaudi l’intervention française. Je ne pense donc pas qu’on puisse qualifier l’action des Français comme participant du concept de « Françafrique ».

La France a des intérêts économiques, comme tout le monde et depuis que ce monde s’intéresse à ce continent, elle a perdu des parts de marché importantes qu’elle tente aujourd’hui de retrouver.

Lorsqu’elle intervient militairement, il ne s’agit pas encore de Françafrique, mais simplement d’une histoire commune. Je crois vraiment que ce terme ne veut aujourd’hui plus rien dire.

D’autre part, il ne faut pas oublier que lors de toutes ses interventions, la France a agi sous mandat des Nations unies et toujours toute seule, sans que jamais ses voisins européens ne l’aident, sans doute estiment-ils que l’Afrique est le pré-carré de la France.

Si Françafrique il y a, c’est alors uniquement par le déficit des autres en la matière.

Quitter la version mobile