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La France s’apprêterait-elle à espionner les internautes?

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La France a vivement et unanimement condamné les Etats-Unis, lorsque le scandale des écoutes de citoyens américains, et étrangers, par la NSA (National Security Agency) a éclaté. Mais serait-elle en train de reproduire la même chose ?

L’Assemblée aurait-elle voté une loi pour légaliser l’espionnage des citoyens ?

Ces inquiétudes ont été soulevées à la suite de l’adoption, mardi 3 décembre, de la loi de programmation militaire par l’Assemblée nationale. Le texte, adopté par 292 voix contre 251, devra désormais être conduit au Sénat pour y être étudié.

Outre les diverses réformes et mesures que comprend cette loi de programmation militaire (LPM) qu’il s’agisse du budget de 190 milliards débloqué pour les cinq prochaines années, ou de la suppression de 34 000 postes, c’est le volet internet qui inquiète certains observateurs. En effet, ce chapitre de la loi autoriserait le gouvernement à collecter un grand nombre d’informations auprès de ses concitoyens.

C’est grâce à un dispositif qui n’existe pas encore mais qui est abordé dans l’article 13 de la loi, que l’Etat pourrait ainsi « espionner » en accédant, sans autorisation d’un juge, aux différentes données des internautes.

Les associations s’insurgent

Immédiatement, des associations de défense se sont mobilisées pour demander des explications concernant cette mesure polémique. Il en est ainsi de l’Association des Services Internet Communautaires, qui se définit comme étant la « première organisation française qui regroupe des intermédiaires du web 2.0 – moteurs de recherche, plateformes de transactions, sites de partage de contenus, réseaux sociaux etc. ».

Dans un communiqué paru le jour du vote, cette association condamne ainsi un texte qui « pourrait mettre en péril l’écosystème de l’économie numérique en France » en créant « un déficit de confiance vis-à-vis des solutions nationales d’hébergement ».

En réponse à ce qu’elle estime être un danger, l’Asic « demande un moratoire et une évaluation complète des dispositifs de surveillance mis en œuvre par l’Etat ».

L’Etat pourra bientôt géolocaliser les internautes

Cette inquiétude est la même pour la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) qui, dans un communiqué, « déplore de ne pas avoir été saisie des dispositions relatives aux données de connexion ».

« Le gouvernement doit saisir la Cnil de tout projet relatif à la protection des personnes à l’égard des traitements automatisés », rappelle le communiqué. Or « la Cnil n’a pas été saisie de l’article 13 du projet, qui permet aux services de renseignement des ministères de la Défense, de l’Intérieur, de l’Economie et du ministère en charge du Budget d’accéder aux données conservées par les opérateurs de communications électroniques, les fournisseurs d’accès à Internet et les hébergeurs », indique encore le communiqué.

C’est notamment en raison d’une des finalités du texte que la Commission s’inquiète. En effet, « le projet de loi permet également, dans ces conditions, l’accès aux données de connexion en temps réel, et, par voie de conséquence, notamment, la géolocalisation des terminaux mobiles ».

De nombreux ministères habilités

Il faut dire que ce texte pourrait, s’il était adopté, changer radicalement les méthodes actuelles de surveillance. Si, jusqu’à présent, l’espionnage sur Internet entrait dans le cadre d’une politique de lutte contre le terrorisme uniquement, il en serait tout autrement aujourd’hui.

Le texte est assez flou mais l’on comprend que la recherche d’informations pourra être lancée en invoquant la sécurité nationale, la lutte contre la criminalité ou la délinquance, la reconstitution ou le maintien de groupes dissous etc.

« Néanmoins, explique Gérôme Billois, administrateur du Club français de la sécurité de l’information interrogé par France 24, le point qui fait le plus débat actuellement est qu’il étend à des nouvelles entités la possibilité de demander des collectes de données ». En effet, comme le note la Cnil, plusieurs ministères pourraient désormais être habilités à effectuer des recherches sur des internautes.

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