Site icon La Revue Internationale

La reconquête: quels modèles pour Nicolas Sarkozy?

[image:1,l]

Invité de l’Access conference à Lagos, au Nigeria, jeudi 12 décembre, Nicolas Sarkozy s’est vu poser la question qui est actuellement sur toutes les lèvres : « Pensez-vous revenir au Nigeria comme président de la République ? » « J’ai été passionné par ma tâche pendant 5 ans. J’ai une éternelle reconnaissance envers les Français » Et pour la suite ? « Ils décideront », aurait-répondu l’ancien chef d’Etat, selon des propos rapportés par l’Express. Mais ce retour est-il envisageable ?

Interrogé sur cet éventuel retour, Laurent Fabius avait lancé au Parisien en mars dernier : « Un ami chiraquien m’a fait sourire en me disant récemment avec gourmandise : ‘N’est pas De Gaulle qui veut’. Cela me paraît assez juste. » Dans quelles circonstances s’est déroulée le retour du général de Gaulle ? D’autres hommes politiques ont-ils réussi à revenir, après une traversée du désert ? Décryptage.

Traversée du désert du Général de Gaulle

Après avoir lancé depuis Londres, le 18 juin 1940, un appel à la résistance, le général de Gaulle s’est peu à peu imposé comme le chef de la France libre. Il préside à Alger en 1943 le Comité français de libération nationale, devenu en juin 1944 Gouvernement provisoire de la République française. Mais le 16 juin 1946, sa vision de l’organisation politique d’un État démocratique fort exposée dans un discours resté célèbre à Bayeux, en Normandie ne remporte pas l’adhésion espérée. Il entame alors sa fameuse « traversée du désert » jusqu’en 1958, date de son retour au pouvoir.

En 1947, il fonde un mouvement politique, le Rassemblement du peuple français (RPF). Après un grand succès en 1947 et 1948 (35 % des suffrages aux municipales de 1947, 42 % des sénateurs élus en 1948), le RPF décline de 1949 à 1951. Aux élections locales de 1953, le RPF perd la moitié de ses suffrages. De Gaulle décide alors de se mettre à l’écart, il se retire à Colombey-les-Deux-Églises et rédige ses Mémoires de guerre.

Mais en 1958, face l’impuissance de la IVe République sur la question algérienne, le président de la République, René Coty, fait appel au « plus illustre des Français ». Charles de Gaulle acceptera de former un gouvernement et fera approuver une nouvelle Constitution, qui fondera la Ve République. Ce retour en politique sera le plus réussi de l’histoire, mais d’autres après lui ont réussi à revenir.

François Mitterrand, la difficile ascension au pouvoir

De 1944 à 1957, François Mitterrand aura été successivement secrétaire général aux Prisonniers, ministre des Anciens combattants et des victimes de guerre, secrétaire d’État à l’Information, secrétaire d’État à la présidence du Conseil, ministre de la France d’outre-mer, ministre d’État délégué au Conseil de l’Europe, ministre de l’Intérieur et ministre d’État, chargé de la Justice. En 1958, il voit d’un très mauvais œil le retour du général de Gaulle, dès lors 23 années d’opposition l’attendent.

En mars 1959, il est élu maire de Château-Chinon (il le reste jusqu’à mai 1981) et, un mois plus tard, sénateur de la Nièvre. En 1962, il retrouve son siège de député de la Nièvre et abandonne celui de sénateur. En octobre 1959, l’attentat de l’Observatoire à son encontre le mène, après la levée de son immunité parlementaire, à être inculpé le 9 décembre pour outrage à magistrat au motif qu’il l’aurait lui-même commandité dans le but de regagner les faveurs de l’opinion publique. Commence alors une traversée du désert de cinq ans.

En 1965, bien que représentant d’une petite formation politique, il est le candidat unique de la gauche à l’élection présidentielle. A la surprise de tous, il arrive au 2nd tour mais sera cependant battu avec le score de 45,51 % des suffrages contre 54,49 % au général de Gaulle. En 1969, Mitterrand ne se présentera pas à la présidence de la République car il a perdu le soutien de Guy Mollet, qui refuse de lui accorder le soutien de la SFIO. Il faudra attendre 1971 pour que François Mitterrand revienne sur le devant de la scène en devenant Premier secrétaire du PS. Un poste clé qui le conduira à la présidence en 1981.

Le retour réussi d’Alain Juppé

Ces deux exemples illustrent bien la patience souvent nécessaire à un retour réussi sur la scène politique. Et de la patience il en a fallu à Alain Juppé avant de revenir. Après l’élection de Jacques Chirac à la magistrature suprême, il est nommé Premier ministre le 17 mai 1995 et conserve la présidence du RPR. Et comme un succès n’arrive jamais seul, il est aussi élu maire de Bordeaux cette année-là, succédant à Jacques Chaban-Delmas. Mais son mandat sera marqué par la grève générale de décembre 1995, en protestation à la réforme de la Sécurité sociale, abandonnée sous la pression sociale.

Une pression si forte, qu’en 1997, il est contraint de présenter la démission de son gouvernement, après la dissolution de l’Assemblée nationale et la défaite de la droite aux élections législatives. En 1998, il est mis en examen pour « abus de confiance, recel d’abus de biens sociaux, et prise illégale d’intérêt » dans l’affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris, et en janvier 2004, il est condamné à dix-huit mois de prison avec sursis et à dix ans d’inéligibilité – peines ramenées, après appel, à quatorze mois de prison avec sursis et un an d’inéligibilité. Il devra attendre 2007 et l’élection de Nicolas Sarkozy pour redevenir ministre d’État.

De qui Nicolas Sarkozy devrait-il s’inspirer ?

Laurent Fabius a lui aussi connu une traversée du désert mais de courte durée. En avril 1991, la journaliste Anne-Marie Casteret publie dans l’hebdomadaire L’Événement du Jeudi un article prouvant que le Centre national de transfusion sanguine (CNTS) a sciemment distribué à des hémophiles, de 1984 à la fin de l’année 1985, des produits sanguins dont certains étaient contaminés par le virus du sida. L’ancien Premier ministre socialiste Laurent Fabius et les anciens ministres socialistes Georgina Dufoix et Edmond Hervé ont comparu du 9 février au 2 mars 1999 devant la Cour de justice de la République pour « homicide involontaire ». Il sera innocenté et redeviendra ministre de l’Économie et des finances en 2000.

De tous ces exemple, Nicolas Sarkozy aimerait suivre celui du Général, être celui qu’on appelle pour gérer un pays en trop grand désordre. Mais aura-t-il sa patience et incarne-t-il le « plus illustre des Français » ? Si une grande majorité des sympathisants de droite attendent ce retour avec impatience, l’ancien président attire encore à lui un nombre non négligeable de mécontents prêts à tous pour lui barrer la route. Valérie Giscard d’Estaing n’a pas su revenir, Nicolas Sarkozy y arrivera-t-il ? 

Quitter la version mobile