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Les soldats tchadiens, nouvelle cible des Centrafricains?

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Lundi 23 décembre au matin, des soldats tchadiens appartenant à la force africaine en Centrafrique (Misca) ont tiré sur des manifestants qui s’étaient rassemblés près de l’aéroport de la capitale Bangui.

Exactions de l’armée tchadienne à Bangui

Réunis pour demander le départ du président de transition Michel Djotodia, plusieurs centaines de manifestants chrétiens ont été la cible de tirs de l’armée tchadienne, chargée de rétablir le calme dans la zone.

A bord de deux 4×4, des soldats ont foncé sur la foule en tirant en l’air et vers les manifestants. Le premier bilan fait état d’un mort et d’un blessé.

Cet incident, survenu à peine quelques semaines après le début de l’opération Sangaris en Centrafrique, jette de nouveau un trouble sur le jeu que jouent les soldats tchadiens dans le pays.

Déployés en grand nombre dans le cadre de la force africaine en Centrafrique, les Tchadiens ont en effet fait, à plusieurs reprises, l’objet d’attaques de la population qui les accuse de partialité dans ce conflit.

Le Tchad, une puissance régionale devenue incontournable

Dans un article paru sur son blog, le journaliste tchadien Makaila Nguebla revient sur le rôle ambigu du Tchad auprès de la France en Centrafrique. Le Tchad, « jadis considéré comme l’un des » Etats malades » de l’Afrique » et « tristement célèbre pour ses dictateurs, François Tombalbaye, Hissene Habré et aujourd’hui Idriss Deby », est en effet en passe de devenir « une puissance régionale », explique Makaila Nguebla. A l’exercice de la présidence tournante de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest mais également candidat à un siège de membre non-permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, le Tchad est également un pays à la manne pétrolière non-négligeable et doté d’une armée considérable dans la région.

C’est ainsi que les soldats tchadiens, largement aguerris, se sont illustrés lors de l’opération Serval au Mali, au côté des Français, pour faire fuir les islamistes. Durant cette guerre, les Tchadiens ont d’ailleurs subi de nombreuses pertes.

Derrière les rebelles de la Séléka, les autorités tchadiennes

Mais aujourd’hui, ce n’est sans doute pas pour aider les Français que les Tchadiens sont – en grand nombre, déployés en Centrafrique.

« Le Tchad s’est montré plus ambigu en Centrafrique, un pays qui relève de sa zone d’influence et dont les dirigeants ont toujours été tiraillés entre deux pôles de solidarité, la Libye du colonel Kaddhafi et la France », explique ainsi Makaila Nguebla.

Un comportement qui trouve son explication dans l’histoire. En effet, en 2003, lorsque l’ancien président François Bozizé prend le pouvoir après un coup d’Etat, c’est grâce au fort soutien des troupes tchadiennes.

Or « dix ans plus tard, ses alliés initiaux ont constaté que Bozize les avait déçus : pas plus que ses prédécesseurs, il n’avait réussi à endiguer la corruption, mais surtout, il s’était rapproché de la Chine, où il avait voyagé en 2009, autorisant ensuite la société chinoise CNPC à entamer des prospections pétrolières à Boromata, dans le Nord-est du pays, au grand déplaisir des Français et des Américains », poursuit Makaila Nguebla.

C’est alors que le Tchad entre en course. Il y a un an, c’est grâce à l’appui des autorités tchadiennes que la rébellion de la Séléka a parcouru le pays en à peine quelques semaines pour se diriger vers Bangui et défaire, quelques semaines plus tard, le président François Bozizé.

Les Tchadiens craignent des représailles

Il n’en fallait pas plus pour achever la réputation des Tchadiens sur le sol centrafricain.

« Ces soldats tchadiens, reflets de la politique de leur pays, ont joué un rôle ambigu, refusant parfois de désarmer la Séléka, fournissant des brassards à ses soldats afin qu’ils puissent continuer à circuler », explique Makaila Nguebla. « Cette attitude équivoque a poussé la population de Bangui à prendre à partie des commerçants d’origine tchadienne, très nombreux dans la capitale. Plus largement, des ressortissants centrafricains originaires des provinces du Nord et de confession musulmane ont été assimilés à des Tchadiens et massacrés par les milices « anti balaka » qui se sont créées pour défendre les chrétiens face à la Seleka ».

Désormais accusés d’exactions contre les chrétiens, les soldats tchadiens sont plus que jamais une cible dans ce conflit et le Tchad « redoute de voir ses 15 000 ressortissants vivant en Centrafrique être obligés de fuir pour cause de représailles ».

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