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L’indépendance du nord, un remède pour régler le conflit en Centrafrique?

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La situation semble se compliquer dans la capitale centrafricaine. Dimanche 22 décembre, au cours d’une opération de désarmement dans un quartier nord de Bangui, trois anciens rebelles de la Séléka auraient été tués. Immédiatement, les musulmans s’en sont pris aux forces françaises intervenues dans le cadre de l’opération Sangaris et se sont réunis pour manifester leur colère contre ce qu’ils estiment être de la partialité de la part des Français en faveur des chrétiens.

Le nord musulman voudrait son indépendance

Rassemblés dans le centre-ville de la capitale, ils étaient plusieurs milliers à marcher, armés de pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Hollande criminel ! », ou encore « Non à la France ! » avant de se diriger vers le quartier musulman PK5.

Le même jour, en fin d’après-midi, un ancien ministre se présentant comme porte-parole de la communauté musulmane et des ex-rebelles a fait une déclaration surprenante qui devrait aggraver la tension de ces derniers jours.

« Dans un délai d’une semaine, nous allons prendre la décision, tous les nordistes musulmans, de demander la sécession de la République centrafricaine en deux : le Nord et le Sud », a ainsi déclaré Abakar Sabone, ancien ministre du Tourisme et chefs d’une des factions de la Séléka.

Une déclaration non-officielle et dont le président actuellement en fonction, Michel Djotodia, n’avait visiblement pas été informé.

Un enjeu ethnique autant que religieux

La Centrafrique – 4,5 millions d’habitants – est principalement composée de chrétiens qui constituent 80% de la population et qui cohabitent avec 10% de musulmans et 10% d’animistes. Au-delà de ces différences religieuses, la Centrafrique est également un conglomérat de tribus qui se partagent un territoire vaste de 623 000 km².

« Comme quasiment partout en Afrique, le problème est d’abord ethnique », estime ainsi l’africaniste Bernard Lugan sur son blog.

« L’histoire de la RCA depuis l’indépendance est rythmée par l’alternance de  cycles ethno-politiques conflictuels qui donnèrent tour à tour le pouvoir à des populations originaires des grandes régions du pays […] En RCA où, une fois encore, la longue histoire explique les événements contemporains, l’intervention militaire trop tardive ne réglera pas le problème de fond », ajoute-t-il encore.

« La seule solution qui sera proposée par la France sera une nouvelle fois un processus électoral, donc une ethno-mathématique, qui redonnera le pouvoir aux plus nombreux, donc aux peuples de la savane. Les ‘gens du fleuve’ au sud et les nordistes seront automatiquement perdants car minoritaires, ce qui sera la cause de futurs conflits », indique-t-il encore.

Un affrontement social

Une thèse qui n’est pas partagée par tous les spécialistes de l’Afrique. « Ce n’est pas du tout un affrontement ethnique, contrairement à tout ce qui a été dit dans les médias », estime pour sa part Jean-Loup Amselle, anthropologue africaniste interrogé cette semaine sur le plateau de l’émission 28 Minutes, sur Arte.

« C’est un affrontement religieux […] et c’est presque un affrontement de classe entre les bases populaires chrétiennes et cette espèce de ‘bourgeoisie’ de commerçants (principalement des musulmans, ndlr) », explique-t-il encore, avant d’ajouter : « En général, on analyse tous les conflits qui se déroulent en Afrique comme des affrontements ethniques, or ce n’est pas du tout le cas ».

Dans le cas actuel, il semble que le religieux se mêle à l’ethnique pour créer un foyer sécessionniste composé de musulmans lassés de ne pas être partie prenante de la politique centrafricaine. Une équation qui compliquera fortement l’action pacificatrice de la France et de la force africaine sur place.

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