Site icon La Revue Internationale

Matteo Renzi vs. Enrico Letta: le spectaculaire recentrage de la vie politique italienne

Dimanche 8 décembre 2013. Triomphalement, c’est triomphalement que Matteo Renzi a été élu à la tête du Partito Democratico, principal parti de centre-gauche en Italie. Une victoire sans surprise tant elle apparaît dans la suite logique de l’ascension fulgurante du jeune maire de Florence, âgé de seulement 38 ans. La gauche italienne se serait ainsi trouvé son « Tony Blair ».

Sa défaite, il y a un an à peine au second tour des primaires de la gauche, portait la promesse de victoires à venir. La piètre performance de son candidat Pierluigi Bersani et l’arrivée d’Enrico Letta à la tête du gouvernement aura servi d’accélérateur pour Matteo Renzi.

Un Florentin pure souche

Maire de Florence, Matteo Renzi a de qui tenir… 

La nomination d’Enrico Letta à la tête du gouvernement aurait pu contrarier pour longtemps ses ambitions. Si le Premier ministre a dix ans de plus que le jeune Florentin, il n’en incarne pas moins, lui non plus, une nouvelle génération politique.

Un certain nombre de facteurs ont contribué à rebattre les cartes et à les éloigner l’un de l’autre, au point que certains voudraient voir en ces deux hommes, les deux visages d’une Italie dont la politique serait redevenue bipolaire, comme à la grande époque de la rivalité entre les démocrates-chrétiens, rassembleurs à droite, et les communistes, dominateurs à gauche.

Enrico Letta revire à droite

L’exercice du gouvernement – un gouvernement de coalition rassemblant le centre-gauche, les très centristes partisans de Mario Monti et des berlusconistes – aura sans doute contribué à ce qu’Enrico Letta renoue avec ses premiers amours.

Enrico Letta est né et a grandi au centre-droit au sein des très catholiques démocrates-chrétiens et ce n’est que l’émergence du populiste et très libéral Silvio Berlusconi qui a pu justifier que lui et ses frères ne fricotent avec  leurs « camarades » ex-communistes – au sein, notamment du Partito Democratico.   

Silvio Berlusconi hors-jeu, une partie des démocrates-chrétiens « historiques », réfugiés au Partito democratico ou du côté de Mario Monti, ambitionnent assurément de reconstituer une force de centre-droit, pro-européenne, libérale, démocrate, antenne italienne du parti populaire européen. Et Enrico Letta apparaît comme leur leader naturel, et cela d’autant plus qu’il peut sans doute compter sur l’appui essentiel de son oncle, Gianni Letta, ex-bras droit de Silvio Berlusconi.

Matteo Renzi passe par la gauche

Matteo Renzi, désormais à la tête du Partito Democratico, opterait ainsi pour la stratégie inverse. Pour accéder au pouvoir, il s’appuierait sur les forces progressistes, sociales-démocrates, écologistes et radicales, le centre-gauche, la gauche à l’exclusion de la gauche de la gauche, anti-capitaliste.

Et l’Italie se serait donc ainsi trouvé vingt ans après le Royaume-Uni son « Tony Blair ». C’est en tout cas ce que l’on peut lire sous la plume de nombreux commentateurs. L’argument de la jeunesse ne saurait suffire à justifier une telle comparaison. Non, c’est bien la stratégie politique et, au-delà, la capacité à conduire, par la gauche, des réformes essentielles à l’Italie qui sont en jeu.

Balle au centre…

Une gauche moderne, une droite moderne, deux forces de gouvernement capables aussi de s’entendre, sur l’essentiel, dans l’intérêt du pays… On pouvait imaginer, il y a peu encore, l’Italie menacée par les populistes, entrainée dans le chaos. Voici subitement son jeu politique comme recentré. La manifestation, une fois de plus, que le pire n’est pas toujours le plus probable, et certains, ailleurs, pourraient sans doute s’en inspirer.

Redécouvrez le portrait de Matteo Renzi réalisé lors de l’élection primaire organisé par la gauche italienne à l’automne 2012.
Quitter la version mobile