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Pourquoi la France a-t-elle prédit une opération si facile en Centrafrique?

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Une opération « courte », « efficace ». Tellement facile qu’il ne faudra que 1 600 hommes sur place pour une durée très déterminée afin de remettre le calme en Centrafrique. Lorsque la France a lancé l’opération Sangaris en République centrafricaine, la mission des Français sur place apparaissait d’une simplicité presque enfantine.

Un bilan désastreux en quelques jours

Deux jours plus tard, la réalité des combats est revenue aux yeux de la France et deux soldats du 8ème régime de parachutistes d’infanterie de marine ont perdu la vie dans des combats survenus au cœur de la capitale, Bangui, où sont déployés la plupart des contingents français.

Sur place, les victimes s’accumulent. Si l’on n’en compte deux côté français, il y en aurait déjà plus de 465 côté centrafricain selon les chiffres de la Croix Rouge présente sur place. Un bilan désastreux.

Tout comme le gouvernement avait ressassé que « la France n’avait pas vocation à rester longtemps au Mali », il semble que la France entame une période d’enlisement en Centrafrique, un processus prévisible tant c’est dans un chaos total que la France est arrivée dans ce pays samedi 7 décembre.

La France trop ambitieuse ?

Ce jour-là, la France semblait lancer une simple opération policière. Comme pour minimiser les faits sur place, alors même que certains dignitaires de Nations Unies parlaient d’une situation de « génocide », le gouvernement paraissait s’être donné des airs de vainqueur avant même d’avoir posé le pied à Bangui.

C’est alors une lourde erreur de communication. Car sur place, c’est face à une population en pleine guerre civile que les Français se sont confrontés. En face d’hommes armés, d’ancien rebelles de la Séléka qui ont défait l’ancien président Bozizé en mars dernier, décidés à en découdre avec l’armée française, et en face d’autres hommes qui n’ont appris de ces derniers mois que l’auto-défense et la vengeance face aux diverses rébellions qui sèment la terreur depuis le coup d’Etat.

« Jeudi soir, il y avait 600 militaires français, hier soir il y en avait 1 000. Ce soir il y en aura 1 600 », déclarait François Hollande, samedi 7 décembre, lors d’une conférence de presse organisée à l’issue du sommet franco-africain de l’Elysée, pour « une opération qui sera rapide, une opération qui sera efficace, mais qui devra franchir toutes les étapes avec les Africains : mettre hors d’état d’utiliser des armes les groupes qui les détiennent, retrouver la stabilité et permettre, le moment venu, des élections libres et pluralistes ».

Erreur de communication

Les mots, comme le ton de François Hollande, laissaient en effet présager d’une opération courte mais surtout victorieuse. Aujourd’hui, force est de constater que la France a toutes les chances de s’enliser en Centrafrique, force est également de constater que la France a perdu deux hommes sur place. La politique a voulu minimiser les risques sur place, la manœuvre médiatique n’aura duré que quelques heures.

Sur le terrain, la situation semble également confuse. Si la France a été bien accueillie, comme le révèlent les scènes de liesse dans les rues de Bangui à l’arrivée des soldats, les Français ont de nombreux ennemis.

D’abord les combattants armés qui, revenus dans le civil, cachent désormais leurs armes, mais aussi dans les hautes sphères du pouvoir, les généraux de la nouvelle armée centrafricaine.

« On nous mène à un Rwanda »

Cyril Bensimon, envoyé spécial à Bangui pour Le Monde retranscrit dans un reportage les propos tenus par le président centrafricain de transition Michel Djotodia, de qui la France a récemment dit qu’il ne pourrait pas faire partie de la République centrafricaine pacifiée.

Lors d’une réunion d’urgence, tenue lundi 9 décembre, ce dernier s’est adressé à l’ambassadeur français Charles Malinas en ces termes : « L’heure est grave. On nous mène vers une catastrophe, à un Rwanda… On ne peut pas continuer comme ça. Moi-même j’ai perdu des proches parents. […] Il faut protéger la minorité. Si vous n’êtes pas capables, nous foutons le camp au nord avec nos femmes, nos enfants. Si nous ne sommes plus Centrafricains, dites-le nous… Maintenant, combattez ceux qui nous ont attaqués et on verra après », a-t-il déclaré avant de poursuivre : « Si on ne veut pas que je sois au pouvoir, dites-le et je vais démissionner. On fait nos bagages ».

Ce à quoi l’ambassadeur français a répondu : « Il faut interdire deux cycles : la vengeance et la division religieuse… La France soutient le processus de transition et vous êtes chargés de le conduire. Aucun doute à cela ».

Une chose est sûre, la France se fait des ennemis en Centrafrique, des ennemis légitimes peut-être, mais des ennemis qui la conduiront à rester longtemps sur place.

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