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Procès: 4 mois de prison ferme pour le rappeur tunisien Weld El 15

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Dans un pays en pleine transition démocratique, c’est un procès très attendu et scruté par les défenseurs des droits de l’homme, qui s’est tenu  jeudi 5 décembre au Tribunal d’Hammamet, en Tunisie. En cavale depuis cinq mois, le rappeur tunisien Weld El 15 a finalement décidé, à la fin du mois de novembre, de se rendre à la justice.

L’artiste avait été condamné par contumace en septembre dernier à 21 mois de prison ferme pour outrage à des fonctionnaires. En cause : les textes de ses chansons jugés insultants par des policiers lors d’un concert donné dans la station balnéaire de Hammamet, située à 60 km de Tunis. Ce n’est pas la première fois que le musicien s’attire les foudres du gouvernement tunisien : au début de l’été, il avait déjà été condamné à deux ans de prison ferme, en première instance, pour les paroles de sa chanson « Les policiers sont des chiens », dans laquelle il dénonçait les exactions de la police. 

Atteintes aux libertés fondamentales

La condamnation d’Ala Yaacoubi – le vrai nom du rappeur – a suscité une levée de boucliers dans la société tunisienne. Les défenseurs des libertés individuelles accusent le pouvoir d’atteinte à la liberté d’expression. Une pétition a été mise en ligne, en guise de soutien au musicien.  

« Weld el 15 a décrit la réalité et il a touché des millions de jeunes. C’est pour cette raison que la police crie vengeance sur les réseaux sociaux, et ne ratera pas une occasion de le faire tomber. Elle veut faire de lui un exemple. Et elle a le pouvoir d’influer sur la décision des juges » expliquent les auteurs de la pétition, relayée dans The Huffington Post.

Dans le texte intitulé  « 24h pour sauver la vie d’un jeune rappeur tunisien », ils alertent les médias et l’opinion publique : « Le 5 décembre, c’est la vie d’un jeune artiste de 25 ans qui est en jeu. Il risque une fois de plus de subir la violence de ses geôliers, une violence qui peut aller jusqu’à entraîner la mort ».  

Intimidation

Le cas du rappeur Weld el 15 n’est pas isolé. En Tunisie, artistes, intellectuels et militants continuent d’être victimes d’intimidations et d’arrestations depuis la chute de Ben Ali, en janvier 2011. Outre l’affaire médiatisée de la militante tunisienne Amina Sboui, ce sont le rappeur tunisien Aymen Fekhi, surnommé Men-Ay, et la journaliste franco-tunisienne Hind Meddeb, qui ont récemment été condamnés à quatre mois de prison avec sursis, pour « outrage à un fonctionnaire public dans l’exercice de ses fonctions » et « atteinte aux bonnes mœurs », rapportait France 24

« Comme du temps de Ben Ali »

En pleine période de transition démocratique, les signataires n’hésitent pas à dénoncer des pratiques du pouvoir issu de la Révolution : « Aujourd’hui, la Tunisie met ses artistes en prison pour le simple fait de monter sur scène et de donner un concert. Et c’est toute une jeunesse qui sait que la justice tunisienne n’en est plus une ; qu’elle est capable de produire un simulacre au service du puissant corps de la police, héritier du système Ben Ali », déplorent-ils.

Alors que le président tunisien Moncef Marzouki s’exprimait sur la situation du pays et le processus de démocratisation devant le Parlement européen, le 6 février 2013, les auteurs fustigent dans leur texte le chef d’Etat, estimant que la répression policière est comparable à celle de l’ère Ben Ali :« En écoutant le président tunisien au Parlement européen, on a pu croire que la Tunisie avait fait sa révolution ! Ce sont là des promesses d’Etat de droit pour la Méditerranée « côté nord ». Côté sud, à Tunis, c’est la violence des commissariats et des policiers qui continuent de torturer des citoyens ordinaires comme du temps de Ben Ali ».

 

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