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Sommet de l’Élysée : Hollande l’Africain ?

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Une quarantaine de dirigeants africains séjournent à Paris pour un sommet sur la paix et la sécurité en Afrique. Comme lors de la seizième conférence des Chefs d’Etat de France et d’Afrique, laquelle s’est tenue à La Baule le 20 juin 1990, François Hollande se retrouve dans la même position que son prédécesseur socialiste François Mitterrand. Par rapport à ce moment qui a oralement posé les jalons du nouveau rapport entre la France et le continent africain, d’aucuns pensent que le sommet de l’Elysée doit être l’occasion pour François Hollande de réhabiliter son mentor.

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L’ombre de Mandela

Nelson Mandela s’est invité, à titre posthume, au sommet de l’Elysée. En effet, drapeaux en berne et hommages ont manifesté le respect et l’admiration des Grands de ce monde  pour l’illustre disparu. Mieux, le thème abordé par les Chefs d’Etat de France et d’Afrique, en l’occurrence la paix et la sécurité, concordent avec les idées qu’a toujours défendues l’ancien président sud-africain en matière de diplomatie et de concertation. « Ce serait une forme d’hommage à Mandela qui a passé toute sa vie à lutter pour la libération des peuples africains et la paix », a estimé à juste titre le président congolais Denis Sassou Nguesso.

Engagements militaires de la France

Le sommet de l’Élysée s’ouvre quelques heures seulement après le début de l’opération militaire française en Centrafrique, où la France vient de déployer 1 200 soldats. Bien évidemment, le président Hollande a pris la précaution de rappeler que, moins d’un an après avoir engagé plus de 4 000 militaires au Mali en janvier 2013, « la France n’a pas d’autre objectif que de sauver des vies humaines ». Ainsi, chaussant les bottes de François Mitterrand, le septième président de la Ve République française a veillé à neutraliser toute éventuelle accusation pouvant faire penser au « gendarme » dans sa zone d’influence. L’objectif pour la France consiste à justifier, à travers ces deux interventions, qu’une capacité de défense commune typiquement africaine ne nécessitera plus une intervention militaire française sur le sol africain.

Sur les traces du dispositif Recamp

Conçu comme une voie de rédemption par François Mitterrand après la triste épopée française dans la région des Grands Lacs, le programme RECAMP[1] a été initié, développé et piloté par la France depuis 1994 afin de former, équiper et entraîner progressivement les pays africains – la finalité étant qu’ils soient en mesure d’assurer la sécurité de leur continent, sous l’égide des Nations Unies et en accord avec l’Union africaine (UA)[2].

Annoncée en mai dernier lors d’un sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba, la création d’une force de réaction rapide africaine devrait figurer à l’ordre du jour. Effectivement, l’Afrique a intérêt à tendre davantage vers l’autonomie en matière de sécurité et de défense – toute intervention extérieure aux affaires continentales devant résulter des accords d’assistance ponctuelle et non d’hégémonie perpétuelle. De plus, la France s’apprêterait à « contribuer pour permettre à une telle force d’être rapidement opérationnelle », soit dans le cadre d’un partenariat bilatéral, soit dans un contexte purement européen. N’est-on pas en train de claironner, à Paris, que « la sécurité de l’Afrique est aussi la sécurité de l’Europe » ? La crise économique aidant, la frontière maritime entre l’Europe et l’Afrique devrait ne plus constituer une contraignante barrière douanière à sens unique, c’est-à-dire au détriment des partenaires africains. Elle ne devrait plus rester infranchissable aux personnes avec qui la France a en partage la langue.

Les intérêts communs

Les intérêts communs devraient effectivement prendre le dessus sur les préjugés. De plus, la lutte contre le terrorisme[3] devrait surtout être débattu dans l’optique de ne pas laisser aux seuls Américains le monopôle sur l’espace qualifié d’« axe du mal ». Dans la même optique, dans la mesure où il est question de menace transversale, le combat contre la piraterie, ainsi que les trafics de drogue et d’armes obligent les dirigeants africains et européens à s’épauler mutuellement. En tout cas, nul n’ignore que la France a perdu, en une dizaine d’années, la moitié des parts de marché africain au profit de la Chine. Ainsi espère-t-elle revenir commercialement au premier plan dans un continent où la croissance ne cesse de progresser.

Un nouveau partenariat

Dans l’absolu, derrières les vocables du genre « intérêts communs » et « proximité géographique », on tente habilement de masquer la réalité : à savoir la crise économique qui frappe les pays occidentaux. Les Chefs d’Etats d’Afrique et de France devraient profiter, en toute logique, de cette conjoncture – un véritable don du ciel ! – pour orienter autrement les futures relations avec la France, en particulier, et l’Europe en général. Ainsi le sommet de l’Elysée devra-t-il accoucher d’un nouveau partenariat qui mettra l’humanité au cœur du développement, en contribuant à l’amélioration matérielle et intellectuelle des peuples. « Il n’y a pas de développement sans démocratie et il n’y a pas de démocratie sans développement », avait cyniquement rappelé le Florentin, le 20 juin 1990, à La Baule. Il revient de facto à François Hollande de concrétiser, de matérialiser, les intentions mitterrandiennes et de tourner définitivement la page de la Françafrique. Sacré défi ! Hollande l’Africain ? That’s the question !


[1] Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix.

[2] Pour plus d’informations, lire Mitterrand l’Africain ? – Gaspard-Hubert Lonsi Koko, collection Arbre à palabre, Editions de l’Egrégore, Paris, 2007.

[3] Qui plus est un enjeu majeur pour plusieurs pays du Sahel, comme le Mali et le Niger, ainsi que pour la Corne de l’Afrique.

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