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Suthep Thaugsuban, chef de charisme pour les chemises jaunes

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Depuis un mois, il est de toutes les manifestations et de tous les cortèges. Suthep Thaugsuban, leader des « chemises jaunes » qui se mobilisent contre le gouvernement en place, est parvenu à s’imposer à la tête d’un mouvement déterminé à prendre le pouvoir en Thaïlande.

Le leader de l’opposition dans l’enceinte du gouvernement

« Je lui ai dit que cette rencontre serait la dernière et qu’il n’y aurait pas de négociation. Le peuple veut reprendre le pouvoir et le gérer par lui-même ». C’est en ces termes que le « tribun de Bangkok » s’est adressé à la foule des manifestants, dimanche 1er décembre, alors qu’il sortait d’un entretien avec la Premier ministre Yingluck Shinawatra.

« Cela sera fini dans deux jours », annonçait-il encore, comme en une menace, pour appeler cette dernière à présenter sa démission.

Deux jours plus tard, les faits semblent donner raison au leader de l’opposition, mardi 3 décembre, l’opposition des « chemises jaunes » est entrée sans encombres dans le bâtiment qui abrite le siège du gouvernement. Dans une ambiance festive, et alors même que les forces de l’ordre avaient déserté les lieux pour éviter la confrontation, les opposants au gouvernement de Yingluck Shinawatra semblent arriver à leurs fins.

Le « tribun de Bangkok »

A 64 ans, ce vieux routard de la politique semble avoir trouvé la dernière opportunité de sa carrière pour revenir sur le devant de la scène. En effet, avant d’être surnommé le « tribun de Bangkok », Suthep Thaugsuban a accompli une longue carrière politique.

D’abord maire, il est ensuite devenu député puis vice-Premier ministre, sous la gouvernance du Parti démocrate auquel il appartenait il y a encore quelques jours, et qui n’a dirigé le pays que trois ans avant d’être défait par un coup d’Etat qui a placé l’actuelle chef de gouvernement au pouvoir.

Originaire d’une riche famille qui a fait fortune grâce à l’huile de palme et la crevette, Suthep Thaugsuban a grandi dans le sud thaïlandais, une région traditionnellement monarchiste.

Une nouvelle réputation

Mais s’il tente de sauver sa réputation dans les rues de Bangkok, Suthep Thaugsuban ne peut cacher les lourds bagages qui le poursuivent. En effet, lors de son mandat de vice-Premier ministre, c’est notamment lui qui a ordonné la répression des « chemises rouges », mouvement composé de ruraux, principalement originaires du nord de la Thaïlande. C’est durant cette précédente révolte, qui a démarré en 2010, que le précédent gouvernement était tombé au profit de l’actuel gouvernement de Yingluck Shinawatra.

Selon les chiffres officiels, la répression de cette mobilisation aurait fait 90 morts et 1 900 blessés parmi les chemises rouges, autant de victimes dont le sort est imputé aux décisions prises par ce nouveau chef de l’opposition qui fait d’ailleurs face à des poursuites pour meurtre.

Défendre la monarchie

C’est néanmoins plein de détermination que Suthep Thaugsuban regarde aujourd’hui l’avenir de la Thaïlande. Dans ces discours largement acclamés par la foule, le chef des « chemises jaunes » condamne les méthodes du clan « Thaksin », du nom du propre frère de  Yingluck Shinawatra. Ce dernier, actuellement en exil pour échapper à des accusations de malversations financières, pourrait en effet avoir l’autorisation de revenir sur le territoire national si le projet de loi d’amnistie étudié en ce moment finissait par être adopté.

C’est ce projet de loi qui a mis le feu aux poudres parmi les « chemises jaunes », et bien que le Sénat ait voté contre, la pression n’est pas redescendue.

« Je ne le déteste pas. Cela n’a rien de personnel », a récemment dit de lui Suthep Thaugsuban. « Mais Thaksin a détruit le système démocratique thaïlandais, a détruit les vertus et l’éthique du peuple ».

C’est une reconstruction complète de la politique nationale que semble vouloir le chef des « chemises jaunes ». De ses discours et diverses interventions, on retient que Suthep Thaugsuban veut redonner « le pouvoir au peuple ». Le théorique prochain gouvernement qu’il mettrait en place, si l’actuel tombait, serait d’ailleurs placé sous le contrôle d’une assemblée du peuple. Viendraient ensuite des élections.

Mais derrière ces contours, celui qui affirme ne pas prétendre au poste de Premier ministre semble avoir d’autres ambitions cachées. « Son véritable objectif est de défendre et d’étendre le pouvoir de la monarchie », confie ainsi Thitinan Pongsudhirak, professeur à l’université Chulalongkorn, interrogé par Le Point.

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