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Thaïlande: l’armée finira par sortir gagnante de la crise

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La tension semble monter chaque jour en Thaïlande, où les manifestants contre le gouvernement en place s’en sont pris au siège du gouvernement de Bangkok, dimanche 1er décembre. Après un mois de mobilisation, les manifestants, en la personne de leur représentant Suthep Thaugsuban, ont été reçus par la chef du gouvernement, Yingluck Shinawatra.

Une rencontre qui n’a visiblement pas abouti dans la mesure où les manifestants promettent toujours la chute du gouvernement et la dissolution du Parlement. « Yingluck n’a répondu à rien […] Nous maintenons nos plans. Cela sera fini dans deux jours », a ainsi déclaré Suthep Thaugsuban, alors qu’il était interrogé par des chaînes de télévision.

Les forces de l’ordre montent le ton

Cette mobilisation, qui n’a cessé de faire parler d’elle depuis le début du mois de novembre, commence à faire réagir le pouvoir. En effet, alors que, plusieurs semaines durant, les forces de l’ordre sont restées très pacifiques devant les manifestants, un nouveau mot d’ordre semble avoir été donné.

Dimanche 1er décembre, la police a utilisé des gaz lacrymogènes et des canons à eau sur des manifestants qui tentaient de déplacer des blocs de béton et de couper des fils barbelés devant le siège du gouvernement. La même scène s’est déroulée devant le siège de la police, du ministère de l’Intérieur et des chaînes de télévision.

Ces manifestants, se font appeler les « chemises jaunes ». Ils sont principalement composés de Thaïlandais issus de la bourgeoisie conservatrice ou des mouvements royalistes. A l’origine de leur mobilisation, un projet de loi. Ce dernier pourrait en effet permettre le retour en Thaïlande de Thaksin Yingluck, qui n’est autre que l’actuel frère de l’actuelle Premier ministre, lui-même ancien Premier ministre.

Même si ce projet de loi d’amnistie a été rejeté par le Sénat, la personnalité du milliardaire et populiste Thaksin Yingluck, accusé de malversations financières et en exil à l’étranger pour échapper à sa peine, cristallise les ressentiments des « chemises jaunes » qui refusent de déposer les armes.

Face à eux, les « chemises rouges ». Ces derniers se sont largement fait connaître en 2010 lorsqu’ils ont occupé la capitale, Bangkok pour demander la chute du gouvernement. Cette crise avait fait 90 morts et 1 900 blessés. Ces « chemises rouges » sont composées de personnes issues de milieux ruraux et de zones urbaines défavorisées.

Quelle suite pour la crise ?

Mais alors que la situation semble s’enliser, les observateurs s’interrogent sur la suite possible des événements thaïlandais.

Premier constat, le nombre de manifestants ne cesse de diminuer. S’ils étaient 200 000 le 24 novembre, on n’en comptait que quelques dizaines de milliers le 1er décembre. Mais en Thaïlande, le nombre ne semble pas faire la force, comme l’explique Olivier Guillard, directeur de recherche à l’Institut des relations internationales et stratégiques, pour le site Affaires stratégiques.

« Si la volumétrie indique un certain affaiblissement de la mobilisation, la détermination du leader des « chemises jaunes » et de ses troupes semble demeurer intacte, jusqu’au-boutiste », explique cet expert.

Or en face, côté forces de l’ordre, les choses pourraient également changer. C’est ce qu’a indiqué le chef de l’armée de terre, intervenu dans la journée de dimanche 1er décembre. « Le général Prayuth Chan-ocha […] a laissé entendre son souci de voir les forces de l’ordre observer une certaine retenue », explique Olivier Guillard.

L’armée sortira gagnante

Yingluck Shinawatra pourrait-elle démissionner ? L’hypothèse est à envisager tant les manifestants semblent déterminés à faire tomber cette femme qu’ils sont nombreux à juger incompétente, ou en tout cas trop faible pour assumer autant de responsabilités.

Cependant, si l’actuelle chef du gouvernement devait quitter son poste, la situation ne s’en verrait pas forcément améliorée. Cette démission, « pour convoquer des élections […] organisées à court terme, redonneraient probablement une majorité arithmétique au Puea Thai de la famille Shinawatra », explique Olivier Guillard.

C’est l’armée qui sortirait alors gagnante de cette crise en devenant « médiatrice incontournable entre les parties aux positions aussi irrédentistes que leurs couleurs sont dissemblables ».

L’affaire pourrait être rapidement conclue. En effet, « l’humeur du moment de l’armée, soutien inconditionnel de la monarchie, est à présent connue et affichée », expliquant tant de complaisance à l’égard des manifestants.

En temps d’instabilité l’armée serait-elle tentée par ce pouvoir en crise ? Un coup d’Etat serait alors une autre option. Peu envisageable, note néanmoins Olivier Guillard bien «  que la Thaïlande en soit coutumière ».

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