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Vietnam: Trung Tien Nguyen, en prison pour ses idées démocratiques

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JOL Press : Où se trouve actuellement votre frère ?

Nam Nguyen : Il est en prison au Vietnam, à Hô Chi Minh-Ville [au sud du pays], depuis quatre ans.

JOL Press : Comment se passe sa détention ?
 

Nam Nguyen : J’ai pu le visiter il y a deux semaines. Il est en bonne santé, il reste positif. Il peut lire les livres que mes parents lui apportent deux fois par mois. Par contre, il ne peut pas lire de livres en langue étrangère (anglais ou français) : il n’a le droit de lire qu’en vietnamien, les livres sont vérifiés par les policiers. Ma famille lui apporte aussi de la nourriture deux fois par mois. Il fait de la gymnastique deux heures par jour pour garder la forme, et il peut se promener dans la cour une heure pour voir le soleil.

JOL Press : Pouvez-vous nous rappeler pourquoi votre frère a été emprisonné ?
 

Nam Nguyen : En 2006, alors qu’il se trouvait en France où il faisait ses études [à Rennes], Trung Tien a écrit une lettre au ministre de l’Éducation au Vietnam, pour lui poser des questions sur la démocratie, sur les droits de l’homme et sur la corruption dans le pays, mais il n’a pas reçu de réponse du ministre.

À la place, notre famille au Vietnam a été menacée par les policiers et même lui, en France, a reçu des messages de l’ambassade du Vietnam. Il a quand même créé l’Assemblée des jeunes Vietnamiens pour la démocratie, pour sensibiliser les jeunes aux principes de la démocratie, et il s’est aussi inscrit au Parti démocratique du Vietnam à l’étranger. Après avoir obtenu son diplôme en France, il est retourné au Vietnam en 2007, il a continué ses activités, créé un blog pour défendre ses idées et il a rencontré d’autres militants.

Il a ensuite été appelé pour faire son service militaire en 2008, pendant un an et demi. Il a finalement été déchargé de son service militaire, parce qu’il a refusé de prêter serment. Il devait en effet jurer fidélité au Parti communiste. Il a rétorqué que les soldats devaient protéger le pays ou le peuple, et non pas un parti quelconque. Le lendemain, le 7 juillet 2009, il a été arrêté à son domicile. Au début, la charge retenue contre lui était d’avoir fait de la propagande contre l’État – ses blogs ont été retenus comme preuves – puis la charge a été requalifiée en « tentative de renversement du régime du peuple ». Il a été condamné en janvier 2010 à sept ans de prison et trois ans de résidence surveillée.<!–jolstore–>

JOL Press : Faire son service militaire est obligatoire au Vietnam ?
 

Nam Nguyen : C’est obligatoire pour tous les jeunes avant 25 ans, sauf si ces jeunes-là sont en train de travailler ou étudier. Pourtant, mon frère était en train de travailler, mais il a quand même été appelé pour faire son service militaire. Selon moi, c’était pour mieux l’isoler pendant un an et demi dans l’armée. L’armée vietnamienne fait aussi partie de l’Etat. Pendant son service militaire, il a donc subi une pression constante, que ce soit de la part des policiers ou des militaires.

JOL Press : Quelle place occupe aujourd’hui le Parti communiste dans la société vietnamienne ?
 

Nam Nguyen : Dans la Constitution, qui vient d’être votée par l’Assemblée générale il y a une semaine, il y a toujours l’idée que le Parti communiste est le seul parti qui dirige le pays. C’est la raison pour laquelle toutes les voix qui s’opposent au Parti communiste doivent être supprimées. C’est le cas de mon frère, mais aussi d’autres personnes qui ont essayé de parler, de s’opposer. C’est le Parti communiste qui conserve le pouvoir, non seulement politique mais aussi économique. La plupart des grandes entreprises au Vietnam sont publiques, possédées par l’État et donc par le Parti.

JOL Press : Il n’y a donc aucune place pour l’opposition ?
 

Nam Nguyen : Il n’y a pas de parti opposant. Quand mon frère a dit ouvertement qu’il faisait partie d’un parti politique d’opposition, il a été condamné et emprisonné pour propagande contre l’État… Fin 2006-début 2007, il y avait déjà d’autres partis qui essayaient d’avoir une activité au Vietnam et beaucoup de membres sont maintenant en prison. Ce que je vois désormais au Vietnam, c’est qu’il y a des blogueurs actifs qui s’opposent au régime, mais il n’y a plus d’activités visibles d’opposition au niveau des partis politiques. Ils travaillent peut-être, mais en cachette.

JOL Press : Vous parlez de l’importance de l’activité des blogueurs opposés au régime. L’accès à Internet est-il contrôlé ou restreint au Vietnam ?
 

Nam Nguyen : Cela dépend des périodes. La période avant le procès de mon frère, la plupart des sites internet étaient bloqués, notamment pour empêcher la presse internationale de diffuser les nouvelles. En ce moment, c’est une période assez calme au Vietnam. Lorsque j’y suis allé il y a deux semaines, j’ai pu me connecter et aller sur des sites étrangers, sur des sites d’associations des droits de l’homme ou sur Facebook.

Il y a beaucoup de blogueurs au Vietnam, certains sont connus, mais beaucoup se cachent derrière des pseudonymes. Certains sont emprisonnés, d’autres sont régulièrement embêtés par les policiers – qui d’ailleurs sont souvent en civil.

JOL Press : Que demandez-vous pour votre frère ?
 

Nam Nguyen : Je demande la libération immédiate de Trung Tien et son droit à la liberté d’expression et à celle de créer des associations. Il n’a pas tenté de renverser le gouvernement comme ce qui a été dit, il veut seulement un Vietnam démocratique, avec la participation de plusieurs partis et de vraies élections libres. J’aimerais aussi que chaque personne qui vit dans un pays libre puisse nous aider à faire connaître sa cause.

JOL Press : Craignez-vous d’être arrêté ou menacé pour vos actions de soutien à votre frère ?
 

Nam Nguyen : Depuis le moment où mon frère a été arrêté, en 2009, je ne suis plus rentré au Vietnam. Il y a deux semaines, quand j’y suis retourné, cela faisait déjà plus de quatre ans. L’affaire s’est donc un peu calmée depuis, mais il y a quand même toujours des policiers en civil devant notre maison. J’ai aussi été convoqué par les policiers pendant deux heures pour parler de mes activités : celles-ci consistent surtout à demander la libération de mon frère, c’est donc moins grave à leurs yeux que de demander la démocratie ou la liberté politique. Je risque moins que mon frère.

Propos recueillis par Anaïs Lefébure pour JOL Press

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Nam Hoai est le frère de Trung Tien. Il est ingénieur informatique en France.

>> Pétition de soutien à Trung Tien Nguyen dans le cadre de la mobilisation « 10 jours pour signer » d’Amnesty International

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