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A 30 ans, les Verts ont-ils trouvé leur place dans le paysage politique?

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Le parti Les Verts est né officiellement le 29 janvier 1984 à Clichy, lors du Congrès qui unifie les deux formations intéressées par l’écologie politique (Confédération et Parti écologistes). 30 ans après sa création, quel bilan tirer de sa politique et de son influence sur le plan national ? Eléments de réponse avec Daniel Boy, politologue et co-auteur du livre « L’écologie au pouvoir » (Les Presses de Sciences Po – 1995). 

JOL Press : Comment la ligne politique des Verts a-t-elle évolué en 30 ans ?

Daniel Boy : La ligne politique des Verts n’a pas vraiment évolué en 30 ans. L’évolution principale s’est faite assez tôt, au début des années 90, quand le parti est passé d’une stratégie « ni gauche ni droite », à une stratégie d’alliance. De 1986 à 1993, par pureté idéologique, le parti refusait toute alliance, c’était la ligne défendue par Antoine Waechter. Mais en 1993, des opposants à cette stratégie, dont Dominique Voynet, ont réussi à convaincre l’ensemble des Verts de l’utilité des alliances pour arriver au pouvoir.

Sur le fond, je ne crois pas que le parti ait évolué de manière importante. Les Verts défendent des valeurs environnementales, certes,  mais aussi des valeurs sociales et sociétales libertaires, et se situent à la gauche du Parti socialiste. La fusion ou l’apport d’Europe-Ecologie, la mouvance lancé par les Verts pour les élections européennes de 2009, n’a pas davantage changé l’orientation du parti.

JOL Press : Quels ont-été les acquis et les échecs politiques du parti ?

Daniel Boy : Les Verts ont relativement bien réussi leur implantation au niveau local. Cette implantation a commencé avec les régionales de 1992 et cette stratégie s’est étendue jusqu’aux derrières régionales avec des accords Verts-PS dans pratiquement toutes les régions. Les Verts ont aussi des acquis dans les villes – ce ne sont pas de grandes villes à l’exception de Montreuil, mais leur présence est réelle. Depuis 1989, ils ont, par ailleurs, réussi à entrer au parlement européen, grâce à la représentation proportionnelle.

L’échec, en revanche, se situe au niveau national, lors des présidentielles, puisque le meilleur score a été remporté par Noël Mamère qui a fait un peu plus de 5% en 2002. Ce n’est pas surprenant dans la mesure où ce n’est pas une élection véritablement taillée pour eux mais ce n’est pas l’unique difficulté du parti.

Le principal problème des Verts se situe au niveau des législatives. Compte tenu du mode de scrutin majoritaire à deux tours, il est difficile pour les Verts de percer parce qu’ils n’ont pas de zones de force établies depuis longtemps, comme les grands partis traditionnels. Pour réussir, ils sont tenus de faire alliance avec le PS, cette alliance supposant de leur réserver un certain nombre de circonscriptions. Cette stratégie est efficace – en 2012, les Verts ont obtenu 17 élus – mais dans les autres circonscriptions, là où ils sont en concurrence avec le PS, ils continuent à faire des scores calamiteux. Aussi longtemps que cet obstacle ne sera pas levé, le parti n’ira pas bien loin sur la voie du pouvoir national.

JOL Press : Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale d’EELV, a déclaré : « L’idée que l’écologie peut réunir des gens au-delà d’un clivage droite-gauche, je n’y crois pas. Prenez l’immigration, on n’a pas la même vision ». Cette phrase ne résume-t-elle pas l’impasse de l’écologie à la française ?

Daniel Boy : Reste à prouver qu’en étant ni de droite, ni de gauche, le parti attirerait plus de gens… On n’en sait rien. Certes les Verts en France sont ancrés très à gauche, mais tous les partis écologistes en Europe sont de gauche. La France n’est pas une exception. Il est certain que le parti aurait des voix à gagner du côté de l’électorat centriste, sensible aux questions de développement durable, mais combien gagnerait-il d’électeurs et combien en perdrait-il sur sa gauche ? On n’en sait rien.

Les Verts sont en décalage avec leur électorat parce que leur électorat est principalement de gauche mais pas d’extrême gauche. Les adhérents sont d’extrême gauche, on le voit dans les enquêtes, mais l’électorat est plus proche du PS. Un positionnement plus centriste serait donc plus cohérent, mais le parti cherche à se distinguer du PS. Elle est là l’impasse, car personne ne peut dire si une nouvelle orientation politique plus centriste leur serait favorable.

JOL Press : En Allemagne, le ministre de l’Économie est aussi ministre de l’Energie. La France serait-elle prête à donner une telle importance à l’écologie politique ?

Daniel Boy : Quand Jean-Louis Borloo a été nommé par Nicolas Sarkozy, il a été ministre d’État, ministre de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer, chargé des Technologies vertes et des Négociations sur le climat. C’était un ministère très large et bien mis en valeur. Aujourd’hui le ministère est plus étroit mais une chose est sûre, dans la configuration actuelle, les écologistes n’auront jamais Bercy, car en France, on considère, à tort ou à raison, que l’écologie est contraire au développement de la croissance telle qu’on la voit traditionnellement.

JOL Press : Quel est aujourd’hui l’avenir de ce parti ?

Daniel Boy : Sans faire de politique fiction, je pense qu’un parti c’est avant tout une machine politique. Les Verts sont un parti à part entière, ils ont des salariés, un local, un financement public… C’est un parti qui va durer pour la simple raison qu’il est une machine politique. Lors des dernières élections législatives, ils ont obtenu un financement qui leur permet tout à fait de fonctionner honorablement. D’autre part, le parti est sur un créneau – l’écologie politique –qui existe dans les 27 pays de l’Union européenne et qui ne risque pas de disparaître. De ce point de vue, les élections européennes vont être intéressantes.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Daniel Boy est titulaire d’une licence en droit et diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris. Il est directeur de recherche (FNSP) au CEVIPOF, Centre de recherches politiques de Sciences Po, et enseignant au master de Sciences Po notamment en analyse quantitative des données. Ses recherches se sont développées dans trois domaines : la sociologie électorale, l’écologie politique en France et en Europe, les relations entre science, technique et société.

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