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Affaire Hollande / Gayet : le Président n’est pas un citoyen comme les autres

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Selon un sondage Ifop publié dans le Journal du Dimanche du 12 janvier, plus des trois quarts (77%) des Français estiment que la liaison supposée entre François Hollande et la comédienne Julie Gayet est une « affaire privée qui ne concerne que le chef de l’Etat ». Seuls 23% des Français jugent qu’il s’agit d’une « affaire publique, la vie privée du président concernant tous les Français ».

Mais juridiquement, le magazine Closer a-t-il porté atteinte à la vie privée de François Hollande et Julie Gayet ? Eléments de réponse avec Me Léa Forestier, qui défendait en décembre Octave Nitkowski, jeune blogueur héninois de 17 ans, qui avait évoqué, dans son livre Le Front National des villes et le Front National des champs (Jacob-Duvernet), l’homosexualité de Steeve Briois, secrétaire général du Front National et candidat à la maire d’Hénin-Beaumont, et de Bruno Bilde, conseiller régional du Nord-Pas-de-Calais. Entretien.

JOL Press : Tout homme public ou sollicitant un mandat a-t-il encore une vie privée ?

Me Léa Forestier : La réponse est résolument oui, simplement le droit à sa vie privée se réduit proportionnellement à son caractère public. Un homme politique s’expose consciemment et inévitablement à un contrôle attentif de ses faits et gestes par les journalistes et citoyens, c’est le jeu. Il est donc normal qu’il soit exposé à une plus grande liberté d’expression à son sujet. Plus un homme est connu, plus son droit à la vie privée se réduit, cela ne veut pas dire que ce droit disparaît complètement mais qu’il est moins garanti par notre droit.

JOL Press : Révéler l’homosexualité de Steeve Briois, candidat FN à Hénin-Beaumont, n’était-ce pas porter atteinte à la vie privée ?

Me Léa Forestier : Il s’agit bien sûr objectivement d’une atteinte mais qui est en l’espèce justifiée. Steeve Briois n’est pas seulement candidat FN à Hénin-Beaumont, il est aussi secrétaire général du parti et, à ce titre, il a nécessairement eu une influence sur la prise de position publique de Marine Le Pen dans le cadre du débat sur le Mariage pour tous. Ce n’est pas l’homosexualité en tant que telle qui nous importe mais l’homosexualité des cadres du FN les plus proches de Marine Le Pen, en ce qu’elle a pu infléchir la ligne idéologique du Front national sur ce sujet. Je vous rappelle que Jean-Marie Le Pen qualifiait l’homosexualité de « comportement déviant » et il était légitime de se poser la question des raisons d’un tel infléchissement sur la question homosexuelle au sein d’un parti jusqu’alors plutôt connu pour ses saillies homophobes.

JOL Press : Le second jugement, prononcé par la cour d’appel de Paris, le 19 décembre, a estimé qu’en raison de son statut de « personnalité politique de premier plan », « le droit du public à être informé » sur Steeve Briois « prime sur le droit au respect de ce pan de sa vie privée ». Est-ce inédit ?

Me Léa Forestier : Cette décision est parfaitement en ligne avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et n’est en rien inédite. Mais attention, cette décision n’est pas une consécration du « coming-out » forcé. L’orientation sexuelle de Steeve Briois relève bien évidemment de sa vie privée mais il s’agit d’un élément qui a nécessairement éclairé sa prise de position dans le cadre du débat sur le Mariage pour tous.

JOL Press : Dans le cas de François Hollande, y a-t-il eu atteinte à la vie privée ?

Me Léa Forestier : Dans le cas de François Hollande, il a deux aspects à distinguer. L’article de Closer s’attarde sur la sécurité du président qui serait mise à mal par cette aventure amoureuse. C’est un peu fallacieux et il est clair que cet argument est un habillage, soufflé très certainement par les avocats du magazine. Cependant l’idée qu’un président de la République peut mettre en danger sa sécurité est un sujet d’intérêt général. En revanche, parler de sa relation avec Julie Gayet relève de la vie privée et ne servait en rien le propos. Il y a clairement une atteinte à la vie privée de François Hollande et de ses proches.

JOL Press : Si vous deviez défendre Closer, comment vous y prendriez-vous ?

Me Léa Forestier : Je tenterais d’axer ma défense sur le fait que l’article démontre que le président peut se mettre en danger, en réduisant son escorte et en se déplaçant en scooter. Encore une fois cette défense est un peu fallacieuse dans la mesure où l’article de Closer porte bien sur « L’amour secret du président ».

JOL Press : Closer a retiré de son site internet l’information sur la relation prêtée au président François Hollande avec Julie Gayet, à la demande de l’avocat de l’actrice. Sur quelles bases juridiques ce retrait a-t-il pu se faire ?

Me Léa Forestier : La Loi pour la confiance en l’économie numérique adoptée en 2004 permet de faire retirer un contenu sur Internet s’il est diffamatoire, injurieux ou s’il porte atteinte à la vie privée. Si c’est le cas, il suffit d’adresser au directeur de la publication du site incriminé, avec copie à l’hébergeur, une demande de retrait du contenu en question. Normalement ce retrait est quasiment automatique, si le risque judiciaire est caractérisé. Ce qui est le cas en l’espèce. J’interprète le retrait de l’information du site Closer, comme une forme d’aveu de violation de la vie privée.

JOL Press : Quand L’Express révèle l’identité du père biologique de Marion Maréchal-Le Pen, l’hebdomadaire respecte-t-il la vie privée ?

Me Léa Forestier : Cette information ne sert en rien le débat public, elle n’a pas vocation à être publiée. On ne voit pas en quoi cette information viendrait éclairer tel ou tel agissement de Marion Maréchal-Le Pen en tant que personne publique. En revanche révéler qu’un ministre de la Santé a pour maîtresse la dirigeante d’un laboratoire fabriquant des vaccins serait une atteinte à la vie privée parfaitement légitime.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

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