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Augmentation du prix du tabac: et si on arrêtait de fumer en 2014?

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Pas de nouvelle année sans bonnes résolutions… Pour ne pas, encore une fois, tenter d’arrêter de fumer, échouer et culpabiliser, JOL Press a fait appel au professeur Bertrand Dautzenberg, pneumologue à la Pitié-Salpêtrière et auteur de nombreux ouvrage dont Le Petit Livre pour arrêter de fumer (Editions First).

JOL Press : La nouvelle année est-elle une bonne occasion pour arrêter de fumer ?
 

Bertrand Dautzenberg : S’il est deux dates que les fumeurs aiment choisir pour arrêter de fumer, c’est bien le 1er janvier et le 1er septembre. On arrête très rarement de fumer en juillet ou en août, on reporte toujours à la rentrée. Une rentrée est une occasion de prendre de bonnes résolutions, même si pour certains il ne suffit pas seulement de le vouloir pour arrêter.

JOL Press : La volonté ne suffit pas ?
 

Bertrand Dautzenberg : Une personne qui fume un paquet de cigarettes par jour a 50% de chances de mourir à cause du tabac. Mais à ce stade, il est très difficile d’arrêter de fumer seul. Quelqu’un qui fume dès le réveil ne peut pas s’accrocher à sa seule volonté pour décider d’arrêter. Il a besoin d’un accompagnement médical. Beaucoup trop de médecins affirment encore que la volonté suffit, mais c’est faux. En revanche, pour un petit fumeur, la volonté est essentielle.

JOL Press : Quels sont les moyens les plus efficaces pour arrêter ?
 

Bertrand Dautzenberg : Le meilleur traitement reste le patch, accompagné de médicaments, comme la gomme ou le comprimé à sucer (substituts nicotiniques), le Zyban et le Champix (qui sont à l’origine des antidépresseurs). Les médicaments psychotropes, anxiolytiques ou antidépresseurs agissent sur le psychisme soit comme stimulants, soit comme calmants. Avec un suivi médical, un fumeur a trois fois plus de chances de réussir à arrêter et ce succès sera plus confortable : pas de saute d’humeur ni de prise de poids car ces traitements jouent sur le syndrome de manque. Je conseille pour ma part un patch qui permet de délivrer de la nicotine en continu et un médicament par voie orale pour les envies passagères.

Certains fumeurs ne veulent pas passer de l’addiction de cigarettes à celle de substituts, mais qu’ils se rassurent, les risques de ces substituts sont quasi nuls, alors qu’il n’est plus besoin de prouver les dangers de la cigarette. Les risques sont encore moins importants si le fumeur est suivi par un médecin.

JOL Press : Faut-il s’arrêter forcément d’un coup ou peut-on le faire de façon progressive ?
 

Bertrand Dautzenberg : On peut sans problème s’arrêter de façon progressive. C’est ce que je recommande à certains de mes patients. Je leur prescris un patch, et après je leur propose de fumer à leur guise. Si la consommation de cigarettes ne diminue pas, j’augmente la dose du patch. Les patients sont souvent surpris de ne plus avoir envie de fumer.

En revanche, un fumeur qui déciderait de réduire sa consommation sans médicament et de passer de 30 cigarettes à 15 n’arriverait pas à grand-chose. À tirer trop fort sur sa cigarette, on finit par ingurgiter autant de substances nocives que si on n’avait pas réduit le nombre de cigarettes. On peut comparer l’arrêt de la cigarette avec suivi médical à un accouchement avec péridurale. On peut décider de s’en passer, mais c’est plus confortable avec. On ne gagne pas grand-chose à se faire mal sans raison.

JOL Press : Constatez-vous une augmentation du nombre de personnes qui souhaitent arrêter de fumer ?
 

Bertrand Dautzenberg : Malheureusement non. Nous avions constaté entre 2003 et 2004 une véritable prise de conscience des fumeurs. Avec Jacques Chirac qui avait décidé de déclarer « la guerre au tabac », la France a connu l’un des meilleurs résultats du contrôle du tabac jamais observé dans le monde avec une baisse de 34% des ventes de cigarettes, de 76% du tabagisme des collégiens parisiens, entre 2002 et 2007.

Mais depuis, rien n’a changé, les pouvoirs publics ne mettent pas en place de politiques efficaces. En décembre, la Cour des comptes pointait même du doigt les failles et les échecs de la politique française de lutte contre le tabagisme et préconisait de fortes hausses des prix du tabac. Car s’il y en a qui s’enrichissent bien, ce sont les industriels du tabac et les buralistes. Il faut arrêter de gaspiller l’argent de la France.

Les pouvoirs publics portent une lourde responsabilité. Les hausses de 30 centimes sur les paquets n’ont jamais empêché personne de fumer.

JOL Press : Que diriez-vous à un fumeur qui aimerait profiter de cette nouvelle année pour arrêter de fumer ?
 

Bertrand Dautzenberg : C’est une très bonne décision ! Allez-voir un tabacologue et dites-lui : « Occupez-vous de moi »…

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Professeur de médecine dans le service de pneumologie du groupe hospitalier Pitié-Salpétrière, Bertrand Dautzenberg enseigne la pneumologie à l’université Pierre et Marie Curie-Paris VI. Il préside l’Office français de prévention du tabagisme, Paris sans tabac et l’Alliance contre le tabac en Ile-de-France. Il est l’auteur de cinq livres sur le tabac dont Le Petit Livre pour arrêter de fumer (Editions First) et d’un rapport sur le tabagisme passif pour le gouvernement.

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