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Avortement en Europe: vers un retour en arrière ?

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Le projet de loi sur l’avortement divise la société espagnole. Invoquant « la protection des droits de la femme à être mère et du non-né » pour défendre son projet de réforme, le ministre de la justice espagnol, Alberto Ruiz Gallardón, entend bien réduire fortement le droit à l’IVG, bien que 78% des Espagnols désapprouvent ce retour en arrière, selon un sondage publié par le quotidien El Pais.  

Etat des lieux de la législation en Europe

En Europe, la législation concernant le recours à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) diverge en fonction des Etats membres. Bien que la majorité des pays autorisent l’avortement, jusqu’à douze semaines de grossesse en moyenne, certains Etats appliquent des lois restrictives comme la Pologne qui ne le tolère qu’en cas de viol, d’inceste ou de danger pour la santé de la mère. En Irlande, l’IVG est autorisé uniquement en cas de mise en danger de la vie de la mère. Autres exceptions: Chypre, où la loi ne tolère l’avortement seulement en cas de viol mais aussi Malte, où il est totalement interdit, considéré comme un délit passible d’une peine de 18 mois à trois ans prison.

Cette régression en Espagne inquiète les défenseurs des droits humains qui redoutent une vague réactionnaire dans d’autres pays européens. 

Une régression à l’échelle européenne ? 

En France, Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales a déclaré mardi 21 janvier que le projet de loi du gouvernement espagnol « constituerait une régression sans précédent » et « renverrait les femmes à l’âge de pierre » s’il était adopté. Le même jour, l’Assemblée nationale a voté l’amendement du Parti socialiste pour la suppression de la notion de « situation détresse » dans la loi Veil du 17 janvier 1975 sur l’IVG. 

Malgré cet assouplissement, Danielle Gaudry, gynécologue et co-responsable du Planning Familial, craint que l’initiative espagnole soit un argument supplémentaire pour les opposants à l’IVG : «  Devant cette victoire des pro-life, on peut imaginer que les opposants d’autres pays européens prendront cet exemple pour essayer de contrecarrer ce droit fondamental » explique la gynécologue à JOL Press.

A Paris, 16 000 des militants pro-avortement se réunis, dimanche 19 janvier, dans le cadre de ce qu’ils ont baptisé une « Marche pour la vie », à la veille de l’examen du projet de loi pour l’égalité hommes-femmes, où figurent plusieurs dispositions sur l’IVG.

Un amendement de quelques députés UMP à ce projet de loi a été proposé pour demander la suppression du remboursement de l’IVG en France : « cela montre bien que, même en France, le droit à l’IVG, et donc le droit des femmes, peut être remis en cause.  Certes, l’amendement n’est pas passé, mais force est de constater que l’idée germe dans la tête d’un certain nombre de femmes et d’hommes politique » poursuit Danielle Gaudry.

« En Espagne c’est un retour de 30 arrière »

« Il faut bien comprendre qu’en Espagne, c’est un retour de 30 ans en arrière qui risque de se produire » déplore quant à elle Marie-Pierre Martinet, secrétaire générale du Planning Familial, rappellant que le recours à l’IVG est « un accès démocratique, un enjeu citoyen, un enjeu de santé publique ».  «Ce n’est pas la loi de 2010 qui a augmenté le nombre d’IVG : l’argumentation du gouvernement de Mariano Rajoy est purement idéologique et morale » estime-t-elle. 

Si le projet de loi espagnol devait être adopté, cela impliquerait augmentation des avortements clandestins, « impliquant donc un danger les femmes » souligne Danielle Gaudry, et un départ des Espagnoles pour les pays européens qui légalisent. 

L’avortement, au coeur du débat aux élections européennes 

« Il faudrait vraiment que nos députés européens s’activent pour qu’aux prochaines élections européennes, ils prennent clairement position pour un droit à l’avortement, inscrit dans la chartre européenne des droits fondamentaux » constate la gynécologue. « C’est en tout cas notre revendication : pas uniquement au Planning familial mais aussi pour un ensemble d’associations qui luttent pour le droit des femmes et demandent haut et fort que le droit à l’avortement soit du ressort de l’Union européenne » ajoute-t-elle.

« Même si l’Europe n’a pas de compétence directe en matière de santé mais elle peut émettre des recommandations envers les Etats membres »  explique pour sa part Marie-Pierre Martinet, qui évoque la « force symbolique » de l’Union européenne,  «une figure novatrice et progressiste pour les autres continents, où des femmes et des hommes luttent pour des droits en matière de santé sexuelle et reproductive » explique pour sa part Marie-Pierre Martinet. 

« Aujourd’hui une femme meurt toutes les 8 minutes d’une IVG clandestine dans le monde…Si on assiste à la montée des mouvements conservateurs, qui ont une vision traditionnaliste et rétrograde, lors des élections européennes, en mai 2014, cela aura un impact important ».  Et de conclure: « C’est là où la  question de la vigilance citoyenne s’impose… ». 

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