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Brésil: les jeunes de banlieue investissent les centres commerciaux

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Ils sont jeunes et viennent de milieux défavorisés. En pleines vacances d’été, et par des températures caniculaires, des centaines de Brésiliens se regroupent dans les centres commerciaux climatisés, symbole de la société de consommation, pour réaliser des «Rolezinhos» qui signifient en argot une « petite balade ».  Au départ réalisés à Sao Paulo, ces mouvements prennent de l’ampleur et se répandent comme une traînée de poudre dans d’autres villes du Brésil.

Des agents « filtrent » les clients

Objectif premier de ces sit-in: « s’amuser, draguer, se balader » explique l’historienne du Brésil Silvia Capanema. « Ils consomment peu et font du bruit, mais ne commettent aucun acte de violence » poursuit-elle. Mais leur présence n’est pas du goût des clients habituels issus des classes moyennes et aisées qui alertent les agents de sécurité.  

« Il s’agit de deux « pôles » sociaux qui n’ont pas l’habitude de se fréquenter en dehors des rapports de servitude » constate Silvia Capanema.

Ces rassemblements sont dans certains cas violemment réprimés par la police locale. Devant l’ampleur que prend le phénomène, plusieurs centres commerciaux ont déployé des agents de sécurité à l’entrée des établissements pour « filtrer » les clients.

Du virtuel au réel

Ces mouvements prennent racine sur le web où les jeunes s’organisent et définissent l’endroit, l’heure et l’objectif de leur rencontre sur les groupes Facebook comme Partiu, rolezinho no shopping (9000 membres), ou encore le groupe Porque eu quis (15000 membres) ou sur Twitter avec les hashtags #noworldcup, #porqueEUquis, #somostodosrolezinho.

Sur la page Facebook de Porque eu quis, on peut par exemple constater que le prochain «Rolezinho» aura lieu dimanche 26 janvier au centre commercial Shopping Leblon à Rio de Janeiro. Dimanche dernier, un autre évènement de ce type devait avoir lieu, mais à leur arrivée, les jeunes avaient trouvé portes closes. Les responsables du centre Leblon avaient justifié la fermeture de l’établissement pour préserver la « sécurité et le bien-être » de ses clients, des propriétaires de magasins ainsi que des employés rapporte le quotidien argentin La Nacion.  Environ 300 jeunes se sont rassemblés près du centre commercial le même jour pour dénoncer cette fermeture qu’ils jugeaient «raciste» et «discriminatoire».

Racisme et inégalités sociales

Dans le climat de contestation sociale qui secoue le Brésil depuis plusieurs mois, ces manifestations sont l’expression d’une frange de la société contre l’exclusion et le racisme. « Ces événements traduisent les inégalités et les préjugés qui existent dans la société brésilienne, malgré les transformations récentes, comme le retour à la démocratie, la croissance économique, l’émergence d’une nouvelle classe moyenne plus populaire » explique la professeur.

« La particularité au Brésil c’est la combinaison de ce racisme avec un système d’inégalités sociales très ancien. Un racisme qui est parfois « silencieux » mais très présent dans les pratiques sociales » explique encore Silvia Capanema.

« C’est une triste réalité qui est dénoncée par les mouvements sociaux et par le mouvement noir, et dont la transformation était à l’ordre du jour des deux gouvernements du Parti des Travailleurs, notamment à partir de 2003. Cependant, tout indique que ces transformations sociales ne se sont pas déroulées à la vitesse souhaitée » ajoute-t-elle.

Vers un mouvement protestation national?

La Coupe du monde de football, dont le coup d’envoi sera donné dans quelques mois, exacerbe les tensions. Les récents évènements pourraient déboucher sur une mobilisation nationale. Au-delà des jeunes de banlieues qui veulent être intégrés dans la société, d’autres personnes pourraient se greffer au mouvement protestataire, comme le groupe de tendance anarchiste, regroupé sous le slogan  Não Vai ter Copa  –  « il n’y aura pas de Coupe du Monde » en français -, qui réclame « un changement complet du système et dénonce la précarité résidentielle et des moyens des populations les plus pauvres, victimes le plus souvent de la violence policière » explique l’historienne. Les étudiants et les professeurs qui défilaient dans la rue au mois d’octobre dernier pourraient également se joindre au mouvement afin de dénoncer le coût de la vie, la corruption et réclamer une amélioration des services publics.

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