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Cas Vincent Lambert: la loi Leonetti avait-elle tout envisagé?

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Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a suspendu, jeudi 16 janvier, la décision du CHU de Reims d’arrêter l’alimentation de Vincent Lambert, tétraplégique de 37 ans, en état de conscience minimale, dont les parents s’opposaient à l’euthanasie passive décidée par le corps médical en accord avec sa femme et une partie de sa famille.

Samedi 11 janvier, le docteur Eric Kariger, chef du pôle « autonomie et santé » du CHU de Reims, avait annoncé à sa famille l’arrêt imminent de son alimentation et de son hydratation artificielles. Mais lundi 13 janvier, ses parents, une sœur et un demi-frère ont saisi le tribunal dans le cadre d’une requête en référé-liberté pour réclamer l’annulation de la décision médicale et le transfert dans un autre hôpital.

C’est la deuxième fois en neuf mois que ce tribunal doit déterminer si le cadre prévu par la loi Leonetti a bien été respecté par l’équipe du docteur Eric Kariger. En mai 2013, après 31 jours d’interruption de la nutrition artificielle, les parents du jeune homme avaient déjà obtenu la reprise de l’alimentation de leur fils, au motif qu’ils n’avaient pas été suffisamment informés de cette décision.

Définition des termes

L’euthanasie passive traduit le renoncement aux traitements médicamenteux, l’interruption de l’alimentation ou de l’hydratation artificielle ou l’administration d’opiacées ou de sédatifs à haute dose, pouvant plonger le malade dans le coma et provoquer la mort au bout de quelques jours.

Selon l’Inserm, l’état de conscience minimale (ou « état pauci-relationel ») est un état de conscience altérée défini par une ouverture des yeux avec une conscience « partielle » possible, mais de manière insuffisante pour que puisse s’établir une communication fonctionnelle. On observe souvent certains gestes non réflexes, notamment une poursuite visuelle.

Ce que prévoit la loi Leonetti

Pour tous les malades, y compris ceux qui ne sont pas en fin de vie, la loi prévoit l’interdiction de l’obstination déraisonnable. L’objectif est d’autoriser la suspension d’un traitement ou de ne pas l’entreprendre, si ses résultats escomptés sont inopportuns, c’est-à-dire inutiles, disproportionnés ou se limitant à permettre la survie artificielle du malade. Si le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté, la loi introduit l’obligation d’une procédure collégiale. La décision est alors prise par le médecin en charge du patient après concertation avec l’équipe de soins et les proches du patient, et sur l’avis motivé d’au moins un médecin appelé en qualité de consultant.

Ce que disent les médecins

A l’issue de plusieurs réunions collégiales entre les médecins et les membres de la famille proche de Vincent Lambert, le docteur Eric Kariger a décidé que le patient devait « bénéficier » de l’arrêt de l’ « obstination déraisonnable » que constitue le maintien « artificiel » de sa vie par l’administration de nourritures et d’hydratation.

Ce que disent les parents de Vincent Lambert

« Les réunions collégiales ont été des mascarades, jamais on ne nous a entendus et les médecins ont une nouvelle fois programmé la mort de mon fils », a réagi Viviane Lambert, la mère de Vincent. « C’est la première fois depuis 1981 qu’un avocat doit plaider pour un condamné à mort », a plaidé Jérôme Triomphe, l’avocat des parents de Vincent Lambert, avant d’insister sur le fait que le patient « était handicapé mais non atteint d’un mal incurable » et que la loi Leonetti ne s’appliquait pas à son cas. « Personne ne souhaite s’il est bien portant être dans la situation de Vincent Lambert, mais qui peut savoir maintenant ce qu’il en pense, lui », a-t-il poursuivi.

Ce que dit la famille

« Vincent ne pourra jamais aller mieux, c’est de l’acharnement thérapeutique de le laisser vivre dans cet état, il n’aurait jamais souhaité cela », a déclaré avant l’audience François Lambert, le neveu de Vincent Lambert. « Il faut laisser l’hôpital faire son travail pour que Vincent trouve la paix. C’est respecter Vincent et un acte d’amour que de le laisser partir », a-t-il poursuivi. « Il y a maintenant deux camps dans ma famille, et mes parents, hormis leur chagrin, considèrent cette situation aussi avec leur idéologie très catholique », avait expliqué en mai dernier Marie, la sœur cadette de Vincent.

Les questions que pose cette affaire

« Est-ce que la loi Leonetti s’applique, dès lors que le patient n’est pas dans une situation de fin de vie ? » interroge Philippe Bataille, directeur d’études à l’École des hautes études en Sciences sociales et membre du centre d’éthique clinique de l’hôpital Cochin. « Vous imaginez bien que des enfants peuvent se retrouver dans des situations de coma suite à des noyades ou à des accidents, sans espoir de réveil, faut-il, pour autant, ne plus les alimenter et les hydrater ? » Et si Vincent Lambert se reveillait un jour ? Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne va devoir répondre à toutes ces questions…

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