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Crise: la France aurait-elle mieux résisté que les autres pays développés?

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Depuis l’an 2000, nous assistons à une explosion de la richesse mondiale. Désormais la planète compte 12 millions de millionnaires, dont 500 000 en France. Heureusement, malgré la crise, la pauvreté s’est en même temps réduite plus vite que prévu sur la planète.

Trois causes à cette progression spectaculaire des fortunes :

– Une forte croissance mondiale (sauf en Europe).

– La révolution numérique qui multiplie les jeunes millionnaires.

– La domination croissante des financiers, maîtres du jeu de l’argent.

Les riches ont gagné sur tous les tableaux : l’argent, l’influence politique et souvent le contrôle des médias. Et l’on ne voit pas venir ce qui pourrait s’opposer à leur pouvoir. Mais contrairement aux clichés, les Français ne détestent pas les riches et souvent les admirent. En même temps les inégalités s’accroissent et peuvent déstabiliser nos sociétés. Comment réduire cette fracture devient la question primordiale des vingt prochaines années.

Extraits de Pourquoi les riches ont gagné, de Jean-Louis Servan-Schreiber, (Editions Albin Michel –  janvier 2014)

Il y a au moins un point de consensus en France : ça ne va pas fort et ça n’est pas près de s’arranger. Les moins favorisés estiment que leur situation empire. Les classes moyennes craignent le déclassement et les plus riches sont persuadés qu’« on va dans le mur ». Nous avons la réputation d’être des râleurs pessimistes, et la phase économique difficile que traverse l’Union européenne depuis cinq ans peut donner à chacun des raisons de se plaindre. Mais est-ce justifié ?

Il y a toujours trois dimensions selon lesquelles on peut évaluer sa situation : par rapport au passé, aux autres ou à l’avenir. Cet exercice en 3D amène souvent à relativiser nos premiers jugements. Il en ressortirait qu’aujourd’hui la situation des Français n’est pas aussi mauvaise que ces derniers ont tendance à le dire.

Quand on compare avec le passé, tout dépend de l’époque à laquelle on le situe. Il est exact que les dernières années ont été grisâtres, puisque notre PIB, en 2013, a oscillé entre stagnation et infime progression. Mais même pendant la crise financière mondiale depuis 2007, notre économie a continué à croître modestement. De manière inhabituelle, les revenus des 1% les plus riches ont, suite au krach de 2008, baissé de 4,5% en 2009, mais ont rebondi d’autant dès l’année suivante (selon l’Insee).

Au printemps 2013, on a pu lire des titres alarmistes dans la presse : pour la première fois depuis des décennies, le pouvoir d’achat a enregistré une baisse de 0,9%; une manière, en creux, de souligner qu’il n’avait cessé de croître du vivant de la majorité des Français.

[image:2,s]Notons au passage qu’une baisse de 0,9% du pouvoir d’achat n’a entraîné qu’une diminution de 0,4% de la consommation, car les Français ont un des meilleurs taux d’épargne d’Europe. Ils ont seulement un peu puisé dans leurs réserves, pour compenser. On ne sait pas encore s’il s’agit d’un passage à vide provisoire ou d’une tendance durable à la baisse.

À cet égard, nous avons la mémoire un peu courte, car si les toutes dernières années ont été plus négatives, le pouvoir d’achat au cours des quatre décennies précédentes a quasi doublé. Même une fois les Trente Glorieuses révolues, la richesse nationale a continué à progresser de près de 2% par an. Mais depuis le cap de l’an 2000, cette croissance ne dépasse guère 1% et pourrait se traîner ainsi longtemps.

Pendant les trois premières années de crise, le revenu disponible brut a toujours continué à progresser, même s’il a ralenti : + 5,2% en 2007, + 3,2 en 2008, + 1 en 2010. L’« airbag » national a bien fonctionné.

Au plus fort de la secousse, la France a mieux résisté que les autres pays développés. À l’automne 2008, après que le système bancaire mondial soit passé à deux doigts de l’effondrement général, le PIB plonge de 2,7% au Japon, 2,2% en Allemagne, 1,7% aux États- Unis, un peu moins en France, 1,5 %. Puis, contrairement aux prévisions optimistes des conjoncturistes, la situation se détériore encore l’année suivante, en 2009. Mais, là aussi, nettement moins chez nous (– 2,5%) qu’en Allemagne (– 4,7 %). Il faut ensuite attendre le deuxième semestre 2010 pour que s’esquisse un rebond. Toutefois, alors que l’Allemagne enregistre une croissance de 2,3 %, la France ne gagne que 0,7 point de PIB. Notre système encaisse mieux les chocs, mais a plus de mal à repartir.

En comparaison avec nos voisins, la situation n’est pas si mauvaise. Économiquement, la France se maintient dans une situation intermédiaire entre les vertueux du Nord et les laxistes du Sud. Le taux de chômage se situe dans la moyenne européenne, de même que l’endettement, à peine plus élevé en pourcentage que celui de l’Allemagne. Idem pour le taux de croissance, anémique chez nos voisins comme chez nous. Rien de glorieux, donc, mais nous faisons preuve d’une certaine résilience dans une conjoncture de crise. Preuve supplémentaire : alors que, depuis vingt ans, les inégalités ont continué à croître dans tous les pays, elles restent presque stables en France.

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Journaliste, fondateur du groupe de presse économique L’Expansion, président de Human Right Watch France, directeur du magazine CLÉS, Jean-Louis Servan-Schreiber est l’auteur de plusieurs livres chez Albin Michel (repris au Livre de Poche): Le Nouvel Art du temps, Vivre Content, Trop vite, Aimer, quand même le XXIe siècle.

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