Site icon La Revue Internationale

En France, l’assurance-vie «halal» fait ses premiers pas

banque-algerie.jpgbanque-algerie.jpg

[image:1,l]

Après le groupe Swiss Life, qui annonçait en juillet 2012 le lancement d’un contrat d’assurance-vie conforme aux principes de la finance islamique, un assureur luxembourgeois propriété d’investisseurs qataris, Vitis Life, a annoncé début novembre l’intégration des mêmes principes islamiques dans la commercialisation de son contrat « Amâne Exclusive Life », dédié aux résidents français.

Selon les préceptes de la finance islamique, qui se veut éthique, responsable et non-spéculative, ces contrats diffèrent quelque peu des contrats classiques d’assurance-vie, puisqu’ils s’appuient avant tout sur la charia, la loi islamique.

Pourquoi l’assurance-vie pose problème ?

La conception d’un contrat établi entre un assuré versant de l’argent à un assureur, qui pourra en tirer des bénéfices si l’assuré ne subit aucun dommage pendant la durée du contrat, peut poser problème à certaines personnes de confession musulmane.

Comme le note le site Assurance-vie-halal, c’est en effet « le caractère éventuel, voire aléatoire, de ce contrat qui pose problème », puisque l’islam comporte « une éthique économique particulière qui s’oppose aux contrats fondés sur le risque, le hasard [le sinistre peut ou non arriver], et l’ignorance ». Notions qui existent dans ce type de contrat « dont le but est de pouvoir retirer un maximum de profit pour l’assureur tout en vendant de la « sécurité » à l’assuré ».

Ainsi, certains musulmans considéreront comme haram (interdit) les contrats d’assurance-vie puisque selon la loi islamique, la « sécurité » ne peut être vendue sous la forme immatérielle du contrat. « Ce que l’assurance-vie offre, c’est de l’argent contre de l’argent, à sommes inégales. Cela est donc interprété comme étant de l’usure », note le site.

Autre point problématique : le fait que l’argent déposé puisse être exploité par des organismes financiers pour générer des taux d’intérêts ou servir à financer des activités ou entreprises illicites selon la religion musulmane, comme le jeu, le sexe, l’alcool ou les armes.

Spéculation et intérêts interdits

Interrogé par Le Monde, Bastien Perrine, responsable du marché français de Vitis Life, indique que les souscripteurs de ces contrats d’assurance-vie qui pourraient bien faire des émules en France, doivent alors placer leurs économies dans des « unités de comptes », par exemple des fonds communs de placement, gérés « selon les principes de la finance islamique ».

Ces fonds, qui n’offrent aucun rendement direct, ne peuvent pas investir en obligations – puisque l’intérêt défini à l’avance n’est pas conforme à la charia – ni dans des activités haram, ni pratiquer la spéculation. Ils doivent par ailleurs obtenir au préalable l’autorisation d’une autorité religieuse comme le CIFIE (Comité indépendant de finance islamique en Europe).

Le résultat de l’investissement est ensuite reversé à un ou plusieurs bénéficiaires. En cas de décès, les contraintes religieuses prévoient notamment l’égalité entre les héritiers conformément à la loi islamique, et différentes restrictions, note le quotidien.

À qui s’adressent ces assurances-vie ?

Si la finance islamique, qui fait partie de la finance éthique, s’adresse avant tout aux musulmans, elle peut également intéresser « tous ceux qui souhaitent investir, épargner, prêter ou emprunter autrement », indique le groupe Swiss Life concernant son contrat d’assurance-vie halal.

Mais les cibles principales de ce type de contrats d’assurance-vie sont avant tout les résidents de confession musulmane. En effet, « ces derniers se sentent souvent obligés de prendre part dans des contrats d’assurance-vie dont les clauses ne respectent pas l’éthique islamique des finances », note le site Assurance-vie-halal.

Si le contrat « Amâne » de Vitis Life est réservé à une clientèle fortunée, puisque le montant minimal de souscription est fixé à 250 000 euros, le contrat « Salam » de Swiss Life est moins élitiste, précise Le Monde : un minimum de 3 000 euros est requis.

Un marché de niche en devenir ?

Les souscripteurs musulmans ne semblent pas être les seuls à trouver leur compte dans ce nouveau type de contrats « charia compatibles ». Le marché de l’assurance-vie halal serait même doublement bénéfique, du moins en termes de participation à un marché qui pourrait croître dans les années qui viennent.

Eric Le Baron, directeur général de Swiss Life Assurance et Patrimoine, précise à ce propos que le contrat « Salam Epargne & Placement », conforme à la charia, « répond aux demandes de certains investisseurs particuliers désireux de suivre les principes de la finance islamique et éthique », ajoutant que « vis-à-vis de cette nouvelle, on peut dire que la banque helvétique est en train de se tailler une part de marché dans la finance islamique ».

Vincent Liégeon, directeur commercial de Swiss Life, explique quant à lui au Monde qu’il a déjà commercialisé « plus de 200 contrats en quelques semaines, surtout auprès de professionnels libéraux, de cadres, de chefs d’entreprise et de joueurs de foot, avec des versements libres de 50 000 euros en moyenne ».

S’il ne cache pas le risque d’image important pris par la société en créant un produit « communautaire », il indique que Swiss Life réfléchit déjà à la création d’un compte courant rémunéré, conforme lui aussi aux principes de la finance islamique.

Quitter la version mobile