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François Hollande et Manuel Valls n’ont pas toujours été amis…

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De la Place Beauvau au palais présidentiel, il n’y a que quelques mètres, mais un océan politique. Les résultats policiers de Manuel Valls, immanquablement, le rejoindront au tournant. Sur sa droite, on est déjà résolu à lui faire la peau. Sur sa gauche, on l’attend de pied ferme, prêt à le torpiller. Ses concurrents pour la suite des opérations, dans et hors le gouvernement, sont à l’affût du moindre faux pas.

Et puis, surtout, il y a François Hollande, qui est là, en face, dans son bureau de l’Élysée. Et bien là. Le plan de navigation s’annonce long et tortueux. Mais Manuel Valls, aux commandes de son go fast, appuie encore et toujours sur l’accélérateur, persuadé que son allure effrénée le gardera des avanies du temps.

Extraits de Valls, à l’intérieur, de Laurent Borredon et David Revault d’Allonnes (Robert Laffont – janvier 2014)

Ils n’ont pas toujours été bons amis. Certes, de 1995 à 1997, tous deux avaient partagé le même bureau rue de Solférino, l’un comme secrétaire à la communication, l’autre en tant que porte-parole du PS. Certes, de 1997 à 2002, tous deux avaient œuvré pour la réussite du Premier ministre Lionel Jospin, le premier dans le rôle de porte-parole de Matignon, le second comme Premier secrétaire placé par le chef du gouvernement. Mais ces amarres ténues avec François Hollande, Manuel Valls les avait rompues après le référendum sur le traité constitutionnel européen de 2005 qui avait vu le parti se déchirer. « Il ne me faisait plus confiance », admet Valls, qui constate que Hollande était alors devenu « très distant ». Au point de n’être pas venu à son mariage, auquel le député et maire d’Evry avait pourtant convié tout ce que le PS compte de caciques. François Hollande n’avait pas apprécié que Manuel Valls, quelques jours plus tôt, le compare à Raymond Domenech, le calamiteux sélectionneur des Bleus lors du Mondial de foot en Afrique du Sud…

En juin 2009, un reportage, demeuré célèbre et diffusé sur Direct 8, avait contribué à tendre un peu plus le climat. Déambulant dans les allées d’une brocante de sa ville d’Evry, Valls glisse à l’oreille de son directeur de la communication d’alors, Christian Gravel : « Belle image de la ville… Tu me mets quelques Blancs, quelques white, quelques blancos… » La formule, instantanément, fait scandale. Faouzi Lamdaoui, fidèle de la première heure de François Hollande et secrétaire national du PS à l’égalité, fustige un « dérapage scandaleux » qui « conforte des thèses chères à l’extrême droite et prône une hiérarchie absurde entre les races ».

[image:2,s]Valls est d’autant plus persuadé d’être la cible d’un coup monté que l’émission a été présentée par une certaine Valérie Trierweiler. « Hollande veut ma peau », s’exclame-t-il alors devant ses proches. « J’ai trouvé que ce n’était pas très correct de la part de l’entourage de François Hollande », confirme aujourd’hui Valls, qui ne s’est pas privé de faire passer le message à l’intéressé. En réalité, il n’en est rien, François Hollande ayant même déconseillé à Valérie Trierweiler de diffuser ces images volées… Peu importe. Le maire d’Evry ne manquera pas de présenter l’addition à Lamdaoui à l’automne 2011, en faisant barrage de son corps pour le priver d’investiture aux législatives : il n’aura pas sa circonscription. Manuel Valls ne pardonne pas volontiers à celui qui lui a manqué…

Le président lui-même en atteste : « Avant la campagne présidentielle, Valls ne faisait pas partie de mes proches, d’un point de vue politique ou amical, ce n’est qu’à cette occasion que nous nous sommes mieux connus et appréciés. » François Hollande n’est jamais parti en vacances avec Manuel Valls, comme il a pu le faire avec d’autres responsables socialistes, comme Pierre Moscovici. Mais pour l’un comme pour l’autre, l’opportunité politique prime. C’est bien la campagne présidentielle de 2012 qui a changé la nature des rapports entre les deux hommes. « Il y a une vraie sympathie qui s’est installée. Un lien qui s’est créé, presque amical, au-delà de la confiance politique », décrypte Christian Gravel, proche de Valls. Bien sûr, la proximité est d’abord fonctionnelle. Avec Laurent Fabius, Jean-Yves Le Drian et Pierre Moscovici, ses collègues des Affaires étrangères, de la Défense et de l’Economie et des Finances, Manuel Valls fait partie des quatre ministres systématiquement reçus tous les quinze jours à l’Elysée pour un point sur leurs dossiers. Ils se parlent fréquemment au téléphone et échangent chaque jour nombre de textos.

Chaque matin, dès l’aube ou presque, le ministre de l’Intérieur informe par sms le chef de l’Etat, avec copie au Premier ministre, des événements survenus dans la nuit. En apparence, nulle friture sur la ligne entre le président et l’homme fort de son gouvernement. « Il y a un respect entre deux personnages de même race, entre deux animaux politiques. Hollande a pleinement conscience de la plus-value qu’a apportée Valls à sa victoire et qu’il apporte au gouvernement », vante Christian Gravel, l’ancien lieutenant de Valls à la mairie d’Evry, nommé responsable de la communication du président Hollande après avoir joué les gardes du corps médiatiques auprès de lui pendant la campagne.

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Journaliste au Monde, Laurent Borredon est chargé des questions de sécurité et de délinquance, ainsi que l’actualité de la police, de la gendarmerie et du ministère de l’Intérieur.

Journaliste politique, auteur de Petits meurtres entre camarades et du choc : New York-Solférino ; Le Feuilleton DSK (tous deux chez Robert Laffont), David Revault d’Allonnes a été en charge du PS à Libération pendant onze ans. Il poursuit sa carrière à Europe 1 et aujourd’hui au Monde, ou il couvre l’Élysée et le gouvernement.

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