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François Hollande, président social-démocrate: rupture ou continuité?

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« Il n’y a pas de diabolisation à avoir de l’entreprise dans notre pays, de l’entrepreneur, de l’esprit d’entreprendre », justifiait Bruno Le Roux, président du groupe PS à l’Assemblée nationale, à la suite des vœux de François Hollande, le 31 décembre dernier. « On veut réhabiliter ce dernier et en même temps protéger notre modèle social ». François Hollande va-t-il confirmer ce tournant social-libéral, lors de sa conférence de presse ?

Selon Jean-François Copé, « François Hollande ne fera aucun tournant social-libéral parce qu’il n’en a pas les moyens budgétaires, il ne fait rien pour baisser les dépenses publiques. Il n’a pas non plus les moyens politiques de ce tournant ». Qu’en est-il vraiment ?

JOL Press : Après les déclarations de Hollande, lors de ses vœux, toute la presse a annoncé que le chef de l’Etat était devenu social-démocrate. D’autres ont affirmé qu’il suivait une politique sociale-libérale. Qu’en est-il ?

Alain Bergounioux : La caractéristique principale de la sociale-démocratie c’est de chercher des équilibres et des compromis entre capital, travail, marché, Etat, compétition et solidarité. Et François Hollande se situe dans cette perspective. Avec le « pacte de responsabilité », lancé lors de ses vœux, François Hollande souhaite mettre en place moins de charges sur le travail, moins de contraintes sur les activités des entreprises, et, en contrepartie, plus d’embauches et plus de dialogue social. Il ne fait en cela qu’approfondir ce qu’il avait déjà dit, peut-être de manière moins claire, les mois précédents et ce qu’il avait annoncé, pendant sa campagne, lorsqu’il parlait de « pacte productif pour rehausser le niveau de l’emploi et de la croissance ».

Je dirais donc qu’il est plus dans une logique sociale-démocrate que sociale-libérale. Car une politique sociale-libérale met en place des mesures en faveur des entreprises, sans privilégier le dialogue social. François Hollande est davantage dans une perspective de contreparties. Par ailleurs, aujourd’hui, il n’y a plus un parti socialiste européen, du nord au sud, qui ne pratique pas une politique de l’offre. Là encore, le débat est un peu artificiel car, bien évidemment, le gouvernement va mettre en place une politique qui favorise la création d’emplois, et par conséquent aider les entreprises.

JOL Press : En quoi consiste une politique sociale-libérale ?

Alain Bergounioux : Le débat avait été à peu près clair, à la fin des années 90, lors de controverse entre Lionel Jospin et Tony Blair. L’ancien Premier ministre britannique appliquait clairement une politique sociale-libérale : on partait de la réalité, de l’acceptation du marché et de la mondialisation pour en tirer le meilleur profit. Lionel Jospin recherchait plutôt l’équilibre et le compromis. En cela, François Hollande est son héritier. Le chef de l’Etat est dans une logique de négociation, on aide les entreprises que si elles prennent des engagements pour l’emploi.

JOL Press : Le Parti socialiste est-il sur la même ligne ?

Alain Bergounioux : Le Parti socialiste est sur la même ligne que François Hollande. Il existe, au sein du parti, une minorité qui est plus radicale qui conteste cette politique et qui privilégie essentiellement une politique de la demande mais c’est vraiment une minorité. La majorité des députés socialistes aujourd’hui sont plutôt sociaux-démocrates. Le manque de clarté du message présidentiel avait entraîné la prudence de certains députés mais plus le discours se clarifie et s’affirme plus le Président est soutenu par sa majorité.

François Hollande reste contesté par le Front de gauche, les écologistes et par une partie minoritaire des députés PS, mais actuellement on ne peut pas nier que le chef de l’Etat soit soutenu par sa famille politique.

JOL Press : Il existe cependant des différences entre la politique de Lionel Jospin et celle de Jean-Marc Ayrault. Quelles sont-elles ?

Alain Bergounioux : La différence principale tient à la période. Du temps de Lionel Jospin, la croissance atteignait les 2,5% du PIB. On ne gouverne pas de la même manière en temps de croissance et en temps de crise. Si Lionel Jospin avait beaucoup moins augmenté les impôts et avait pas mal privatisé, sur le fond, la ligne politique reste la même. Il faut rappeler que quand Laurent Fabius était ministre des Finances, les impôts ont même été baissés.

JOL Press : Qu’est-ce qui différencie fondamentalement aujourd’hui la politique d’un Nicolas Sarkozy et celle d’un François Hollande, en période de crise ?

Alain Bergounioux : On verra dans la pratique mais si on reste dans les intentions, dans le discours politique tel que le formule le président de la République, on n’aide pas sans contreparties. Quand Nicolas Sarkozy était au pouvoir, le dialogue social n’était pas autant mis en avant. On a bien vu que la pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi avait été signé par un grand nombre de partenaires sociaux. Plus de souplesse et d’adaptation des entreprises en période de crise mais aussi plus de droits pour les salariés. La réforme de la formation professionnelle avec le « compte personnel de formation », la réforme des retraites avec le compte pénibilité…

Cette logique de contreparties et d’équilibre le différencie de son prédécesseur et de ce que propose aujourd’hui l’opposition. Sur le fond, tout le monde est d’accord pour affirmer que sans aide à la compétitivité des entreprises, la croissance aura du mal à repartir, en revanche, les avis divergent sur la méthode.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Inspecteur général de l’Éducation nationale, historien, il est directeur de la Revue socialiste et professeur associé à Sciences Po Paris. Il a publié Les Socialistes (Le Cavalier bleu, coll. « Les Idées reçues », 2010) et Les Socialistes français et le Pouvoir. L’ambition et le remords, avec Gérard Grunberg (Hachette Littératures, 2005). Il est membre du conseil d’administration de la Fondation Jean-Jaurès et préside l’Office universitaire de recherche socialiste.

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