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Hausse du chômage : le SMIC est-il un frein à la reprise économique?

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François Hollande a reçu récemment Peter Hartz à l’Élysée. Cet ancien conseiller de Gerhard Schröder avait permis la mise en place, en Allemagne, d’une mesure obligeant les chômeurs allemands à accepter un emploi, même si le salaire était inférieur aux indemnités chômage. Il est aussi à l’origine d’une loi qui a donné naissance aux « mini-jobs », des contrats de travail précaires et temporaires. Une telle politique pourrait-elle être envisagée en France ? Eléments de réponse avec Jean-Marc Daniel, professeur d’économie à l’ESCP Europe.

JOL Press : Peut-on envisager que François Hollande s’inspire de la politique de Peter Hartz ?

Jean-Marc Daniel : Avant de savoir si cette politique est envisageable il faut savoir si elle est souhaitable. Or je pense que cette politique n’est pas souhaitable. Je ne pense pas qu’en France les salaires soient trop élevés. Avant de vouloir baisser les salaires, il faut flexibiliser le marché du travail. C’est le code du travail qui est trop lourd. Si on dit que le coût global en distribution de revenus est trop important, il faut avant tout penser aux rémunérations de l’oisiveté, je pense à certains fonctionnaires ou aux retraités. C’est d’abord sur eux qu’il faut faire porter l’effort.

En France, on pense qu’un pays qui dégage des excédents extérieurs est un pays qui est bien géré, mais un pays qui dégage des excédents extérieurs est un pays qui dégage de l’épargne. Après il existe un problème d’arbitrage en France entre l’épargne et la consommation, mais il n’y a pas de problème de niveau des salaires.

JOL Press : Le SMIC n’est donc pas un frein à la croissance, selon vous ?

Jean-Marc Daniel : La question est ouverte. Si on supprimait le SMIC, un grand nombre de personnes se retrouveraient dans une situation de « working poors » et se poserait alors la question de savoir comment compenser cette baisse de salaires. On créerait alors des primes pour l’emploi, des impôts négatifs, comme au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis. Mais qu’est ce qui est le plus judicieux : transférer un revenu par le salaire ou par la prime pour l’emploi ? Je pense qu’il faut combiner les deux.

Il faut aussi noter que les salaires bas, notamment chez les travailleurs peu qualifiés, incitent les entreprises à garder ces employés pour faire des gains de productivité. Or la multiplication de ces contrats peu payés ne doit pas être une fin, les entreprises doivent au contraire permettre aux personnes peu qualifiées d’obtenir des qualifications et préparer les emplois du futur.

Le SMIC ne pose pas de problème en soit, ce qui est un problème, c’est l’efficacité des gens qui gagnent le SMIC par rapport à ce qu’on leur verse. Il faut donc améliorer la formation des bas salaires.

JOL Press : Le fort taux de chômage est-il dû au manque de flexibilité des salaires ?

Jean-Marc Daniel : Je pense que le fort taux de chômage est dû au manque de flexibilité du contrat de travail. Quand on regarde où se concentre le chômage, on voit que les populations les plus touchées sont les séniors et les jeunes parce qu’on n’a pas de réelle information sur leurs compétences. Les entreprises sont réticentes à embaucher en premier emploi parce que les diplômes qui sont délivrés à la sortie du système scolaire ne fournissent pas assez d’informations sur la capacité d’un jeune à remplir un emploi.

Le fort taux de chômage traduit l’inadéquation qui existe entre les informations qu’on a sur la population active, son employabilité et les besoins en emploi. Il faut donc davantage de flexibilité mais il faut surtout remettre en cause le système scolaire tel qu’il fonctionne. Cette idée était déjà présente dans le rapport Gallois qui demandait d’augmenter de 400 000 à 500 000 le nombre d’apprentis.

JOL Press : Une diminution du SMIC, ciblée sur les jeunes, a-t-elle déjà été envisagée ?

Jean-Marc Daniel : Oui bien sûr. Nous avons eu le SMIC jeune et le CPE. Mais à chaque fois que l’idée est avancée, cela se termine en psychodrame. Le SMIC jeune ne peut marcher que si les jeunes en question ont vraiment l’impression que, dans le deal, ils sont gagnants. Mais il ne faut pas se faire d’illusions, le SMIC jeune existe d’une certaine manière puisque les jeunes employés en première embauche le sont à 80% en CDD. La baisse de leur salaire ne se traduit pas sur le plan monétaire mais sur le plan du statut qui leur est accordé. Ils paient l’incertitude sur leur avenir.

La question se pose de la manière suivante : un jeune préfère-t-il être embauché au SMIC pendant un an ou à 80% du SMIC pendant deux ans ?

JOL Press : Une baisse du SMIC aurait-elle de réelles conséquences sur l’emploi ?

Jean-Marc Daniel : Si le SMIC jeune existait, je pense, en effet, que les entreprises embaucheraient davantage. Les entreprises ont tellement peu d’informations sur les candidats qui sortent d’école qu’elles préfèrent ne pas les embaucher trop cher. D’où l’importance de développer les contrats d’apprentissage.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Jean-Marc Daniel a alterné des fonctions dans l’administration active (direction régionale de l’INSEE à Lyon, direction du Budget, régime de Sécurité sociale des mineurs, Ministère des Affaires Etrangères), dans les cabinets ministériels (au Ministère de la Culture et au Ministère des Affaires Etrangères) et dans des fonctions d’économiste et d’enseignant (chargé d’étude à l’OFCE, cours donnés à ESCP Europe, à l’Ecole des Mines, à Paris X et à l’ENSAE).

A l’heure actuelle, outre ses cours à ESCP Europe, il est responsable de l’enseignement d’économie aux élèves – ingénieurs du Corps des mines. Il est également membre du conseil d’administration de la Société d’Economie Politique. Il travaille essentiellement sur la politique économique, dans ses dimensions théoriques et dans ses dimensions historiques.

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