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La Charte sur les langues régionales, compatible avec la Constitution?

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En 1992, sur les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, 33 ont signé la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, destinée à protéger et à promouvoir l’emploi des langues régionales, comme le basque, le breton, le catalan, le corse, l’alsacien ou le créole d’outremer, dans l’enseignement, dans les médias ou dans les services administratifs.

En France, la Charte n’a cependant jamais été ratifiée à cause d’une décision du Conseil constitutionnel de juin 1999 qui estimait qu’elle était contraire à l’égalité devant la loi de tous les citoyens d’une part et parce que « la langue de la République est le français », selon l’article 2 de la Constitution. Les juges constitutionnels avaient estimé que cette charte portait « atteinte aux principes constitutionnels d’indivisibilité de la République ».

A quoi s’engagent les signataires ?

Mais ce 22 janvier, une proposition de loi constitutionnelle socialiste permettant à la France la ratification de la charte sera soumise aux députés, le gouvernement voulant s’assurer que cette ratification puisse obtenir la majorité requise. Parce qu’elle est constitutionnelle, cette loi ne peut, conformément être adoptée que par une majorité qualifiée des 3/5èmes au Congrès, c’est-à-dire l’Assemblée et le Sénat réunis à Versailles.  

Considérant que la protection des langues régionales ou minoritaires historiques de l’Europe, dont certaines risquent, au fil du temps, de disparaître, contribue à maintenir et à développer les traditions et la richesse culturelles de l’Europe et que le droit de pratiquer une langue régionale ou minoritaire dans la vie privée et publique constitue un droit imprescriptible, les pays signataires de la Charte s’engagent à protéger et à promouvoir l’emploi des langues régionales ou minoritaires dans l’enseignement, les médias ou encore les services administratifs.

Que dit la proposition de loi ?

La proposition de loi, si elle est adoptée viendra s’insérer dans la Constitution de la manière suivante : « La République peut ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires adoptée à Strasbourg le 5 novembre 1992 ». Selon les députés socialistes à l’origine de cette article, « l’emploi du terme de ‘groupes’ de locuteurs dans la partie II de la Charte ne conférant pas de droits collectifs pour les locuteurs des langues régionales ou minoritaires, le Gouvernement de la République interprète la Charte dans un sens compatible avec le Préambule de la Constitution, qui assure l’égalité de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. »

Dans la partie II, la Charte stipule qu’ « en définissant leur politique à l’égard des langues régionales ou minoritaires, les Parties s’engagent à prendre en considération les besoins et les vœux exprimés par les groupes pratiquant ces langues ».

Par ailleurs, toujours selon l’énoncé de la proposition de loi, « les articles 9 et 10 de la Charte posent un principe général n’allant pas à l’encontre de l’article 2 de la Constitution selon lequel l’usage du français s’impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l’exercice d’une mission de service public, ainsi qu’aux usagers dans leurs relations avec les administrations et services publics. » Les articles 9 et 10 de la Charte concernent la justice, les autorités administratives et les services publics

Une proposition de loi qui fait consensus ?

Le rapporteur du texte, Jean-Jacques Urvoas, député PS du Finistère, se félicite aujourd’hui de n’avoir « jamais été aussi près de ratifier la charte ». « Nous avons sédimenté les contraintes pour aboutir à une loi peu lisible », a-t-il expliqué. « Certains vont crier à la sécession ou à l’atteinte à l’unité de la République. Je pense au contraire que c’est un renforcement de la République parce qu’elle reconnaît pleinement la diversité qui a toujours existé en son sein », a estimé de son côté le co-président du groupe écologiste, François de Rugy.

Chez les députés UMP, « la ligne très majoritaire du groupe est de ne pas y être favorable », même si certains approuvent la Charte, a déclaré Christian Jacob, le patron des députés UMP. Reprenant l’avis du Conseil constitutionnel, Henri Guaino, député UMP des Yvelines considère ce texte comme « incompatible » avec la République car, « pour la première fois, la France reconnaîtrait des droits juridiques à des minorités », ce qui serait « la porte ouverte au communautarisme ». A suivre…

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