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La fin de Facebook en 2017 ? «Un scénario peu envisageable»

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Quel avenir pour Facebook ? John Cannarella et Joshua A. Spechler, deux chercheurs de l’université de Princeton, prédisent la perte de 80 % des utilisateurs du réseau social entre 2015 et 2017, dans la conclusion de leur étude publiée le 17 janvier dernier.  

Dans le cadre de leurs travaux – toujours en cours d’évaluation – , les deux Américains ont utilisé le modèle de l’épidémiologie en l’appliquant au réseau social pour comprendre son ascension et son éventuelle chute : « les idées sont comme une épidémie : elles apparaissent, se répandent, infectent la population à son contact, et finissent par disparaître » écrivent les docteurs  en ingénierie mécanique dans leur texte.

En s’appuyant  sur le nombre de recherche Google qui comprenait le mot  « Facebook », ils ont comparé les données avec celles de MySpace – le prédécesseur de Facebook – qui a connu un déclin quelques années après son lancement. Ils en ont déduit que les jeunes se détournaient de plus en plus de Facebook, et qu’il allait « connaître un déclin rapide, diminuant de 20% de sa taille maximale d’ici à décembre 2014 ».

Éclaircissements d’Alexandre des Isnards, auteur de l’ouvrage Facebook m’a tuer (NiL Editions) :

JOL Press : Une étude prédit la disparition de Facebook en 2017 : est-ce envisageable selon vous ?
 

Alexandre des Isnards : Chaque année une étude prédit la fin de Facebook. Mais ce déclin supposé me semble difficilement envisageable… J’ai l’impression que les utilisateurs se sont « installés ». Ce n’est peut-être pas forcément le meilleur outil, mais il y a un effet de « masse » incontestable: quasiment un milliard de personnes sont désormais inscrites sur le réseau social. Un Français sur deux est présent : Facebook est devenu une sorte d’annuaire international. C’est une question d’usage : il y a quelques années MSN Messenger était l’outil que tout le monde adoptait, non pas parce que c’était le meilleur, mais parce qu’on était sûr d’y retrouver tout le monde.

Plutôt que de présir la disparition du réseau social, il est préférable de parler de la diminution de l’activité des utilisateurs sur Facebook : les gens sont plus passifs. Pour certains – en particulier les plus jeunes – Facebook est devenu un outil trop soigné. Nous sommes dans la phase « pavillon de banlieue » de Facebook, si l’on peut dire : cela ennuie les gens désireux de plus de liberté,  qui se détournent donc vers d’autres plateformes telles que Snapchat ou Ask.fm, sans pour autant qu’ils se désinscrivent de Facebook.

JOL Press : Quelles sont selon vous les principales critiques que l’on peut formuler concernant le réseau social américain ?
 

Alexandre des Isnards : Facebook est de plus en plus spammé. Pour certains, cela peut être un signe de réussite, mais à un certain niveau cela provoque un système de saturation. C’est d’ailleurs ce qui est arrivé avec Hotmail : les gens se sont désinscrits car ils recevaient trop de spams. Ce sont souvent des pages de phishing qui viennent récolter les informations des utilisateurs. Il y a de plus en plus de bandes organisées qui utilisent Facebook pour hacker les informations bancaires. Cela peut nuire au réseau social. Il y a également un sentiment de surveillance de plus en plus prégnant : il y a de plus en plus de marques qui affluent dans le fil d’actualité de Facebook, au risque d’étouffer les internautes.  

Petit à petit, ils sont en train de faire ce qu’ils avaient réussi à préserver jusqu’ici : exploiter trop leur réseau au risque d’effacer le côté « entre soi » qu’ils avaient réussi à créer. Autre faille : les paramètres de confidentialité qui ne sont pas clairs sur Facebook, mais aussi l’achat des « like » qui pourraient fausser le système et jette le doute sur l’authenticité des chiffres de popularité. Tous ces éléments sont des germes qui pourraient précipiter la chute de Facebook.

JOL Press : Lors de vos recherches sur Internet, vous avez remarqué que ce réseau social avait donné naissance à une « génération transparente ». Selon vous, pourquoi a-t-on besoin aujourd’hui d’exposer publiquement des informations intimes ?
 

Alexandre des Isnards : La force de Facebook est d’avoir su créer ce sentiment d’être entre soi. Au début, les utilisateurs avaient vraiment le sentiment d’être entre amis : cette plateforme est devenue leur lieu de rencontre, une extension de la cour de récréation pour les jeunes, une cafétéria à distance pour les salariés: bref un lieu pour s’amuser et se détendre. Puis est venu se greffer là-dessus un besoin de reconnaissance et de visibilité : raconter qui on est.

Quand « Facebook m’a tuer » est sorti, j’ai entendu des journalistes s’étonner de l’importance que prenait le réseau social, pensant que cela ne durerait pas, et préférant se tourner vers Twitter. Mais eux, en tant que journalistes, ils existent sur le web. Ce qui n’est pas le cas de tous les utilisateurs. On oppose souvent le virtuel au réel : mais le virtuel est souvent plus important que le réel : c’est pour cette raison que les gens se mettent en scène sur Facebook. Vacances, mariage, pendaison crémaillère, naissance, accomplissement professionnel… : les informations publiées sont une manière de montrer qu’ils existent. Et puis, il y a des transactions de reconnaissance :  » je me like, tu me like en échange « .

JOL Press : En quoi Facebook a-t-il modifié nos relations humaines ?
 

Alexandre des Isnards : Facebook révèle et modifie nos comportements. Il est révélateur de ce que l’on était, offre des outils adaptés à ce qu’on est devenu, et en contrepartie fournit des outils qui renforcent les tendances qu’on avait. On dit souvent que les technologies dépendent de l’usage qu’on en fait, mais c’est aussi une façon d’organiser l’information.

Plus les membres échangent, et partagent des informations plus ils enrichissent leur bases de données. Et Facebook, va monétiser ces échanges. Un exemple tout simple : lorsqu’on organise une pendaison crémaillère, il y a trois possibilités de réponses sur Facebook : j’y participe, je n’y participe pas, ou j’y participerais peut-être. Le fait de répondre « peut-être » est révélateur d’une génération qui a du mal à s’engager.

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Diplomé de Sciences-Po, Alexandre des Isnards est consultant et l’auteur des ouvrages L’open Space m’a tuer ainsi que Facebook m’a tuer qu’il a co-écrit avec Thomas Zuber.

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