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«La France et la Chine doivent forcer leurs PME-PMI à coopérer»

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JOL Press : Cinquante ans après l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la Chine, comment caractériseriez-vous leurs relations aujourd’hui ?
 

Jacques Van Minden : Les relations franco-chinoises ne peuvent que s’améliorer. Outre les commémorations du cinquantenaire de l’établissement des relations bilatérales, cela devrait aller beaucoup mieux avec la visite officielle du président chinois le 26 mars prochain. Ce sera la première visite du chef d’État chinois en France.

Concernant la coopération entre les deux pays, malheureusement, la France n’a cependant pas suffisamment profité du « tapis rouge » déployé par le général de Gaulle en 1964. La France a fait plusieurs erreurs dans ses relations avec la Chine, qui ne sont pas uniquement d’ordre politique mais également commeriales : les entreprises françaises ont toujours été assez frileuses pour aller en Chine, elles connaissent peu le marché chinois, et le problème de la langue se pose toujours.

Aujourd’hui, ce nest pas la France mais bien les Allemands et les Italiens qui ont pris la tête de l’Europe sur le marché chinois.

JOL Press : Vers quels secteurs-clés la France et la Chine devraient-elles, selon vous, orienter leur coopération ?
 

Jacques Van Minden : Je préconise de forcer les PME et PMI françaises et chinoises à travailler ensemble. Aujourdhui, elles ne se connaissent absolument pas. Si l’on veut rattraper notre retard, il faut miser avant tout sur cette coopération en essayant de les faire se rencontrer. Car, qu’on le veuille ou non, 90% de la masse salariale des deux pays sont aux mains des PME. La France pourrait ainsi gagner des parts importantes de marché.

La Chine a encore besoin d’énormément de choses dans plusieurs secteurs. La France est présente dans l’aéronautique (notamment avec Airbus), elle a aussi coopéré dans le ferroviaire et le nucléaire, mais cela ne suffit pas. Les gros problèmes sur lesquels il faut absolument que la France profite de son avantage en hautes technologies concernent d’abord l’environnement : l’air en Chine du Nord devient irrespirable, l’eau est polluée, les nappes phréatiques sont également saturées par la pollution. 

Concernant l’énergie, il y a encore beaucoup à faire en Chine au niveau de l’énergie propre. Noublions pas que la Chine est, avec les États-Unis, l’un des plus gros pollueurs de l’atmosphère mondiale. Enfin, un des gros problèmes de la Chine sur lesquels il faudrait se pencher concerne l’agroalimentaire : sur les 1,4 milliard de Chinois, il y a presque 700 millions de paysans qui manquent de terres cultivables. La Chine dépend énormément des importations. La France pourrait notamment être utile en termes d’apprentissage de la culture hors-sol.

JOL Press : Les investissements chinois en France restent encore faibles et « timides » aujourd’hui. Quels secteurs seraient intéressants pour les investisseurs chinois ?
 

Jacques Van Minden : Il y a en France environ une cinquantaine de grosses entreprises chinoises. Les petites entreprises ne sont pas venues : il faut les faire venir ! Il y a beaucoup de travail pour les PME-PMI chinoises, tous domaines confondus. Dans les grosses industries, il n’y a malheureusement plus beaucoup de place pour les investissements chinois.

Alors que la France était la meilleure en machines-outils au siècle dernier, l’Allemagne produit maintenant à elle toute seule pratiquement 80% des machines-outils du monde. Les Chinois, très forts en acier, n’ont cependant pas la technologie pour fabriquer, à base de l’acier, du fer. Les Allemands ont pris ce marché, donc la France a été dépassée dans ce secteur-là. Il faut quelle oriente la coopération avec la Chine vers d’autres secteurs, comme lagroalimentaire et lenvironnement.

Propos recueillis par Anaïs Lefébure pour JOL Press

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Jacques Van Minden est président du Cercle Franco-Chinois. Acteur historique des relations franco-chinoises, il a passé cinquante ans à parcourir la Chine avec près de 250 voyages dans « l’Empire du Milieu ». Il est notamment l’auteur de Ma longue marche en Chine d’hier à aujourd’hui 1956-2014, publié en décembre 2013 aux éditions du Cercle Franco-Chinois.

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