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L’Union africaine est-elle une pâle copie de l’Union européenne?

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Les présidents de l’Union africaine réunis à Addis-Abeba, le 18 mars 2013. (Crédit : Shutterstock)

JOL Press : Depuis sa création en 2002, quels ont été les grands travaux de l’Union africaine ?
 

Henri-Bernard Solignac-LecomteLors de la création de l’Organisation de l’Union africaine l’Afrique s’est faite trois promesses. La première était d’établir un agenda des indépendances politiques. Un objectif qui, aujourd’hui, a été atteint.

Il s’agissait ensuite de travailler à l’amélioration du bien-être des Africains. Il reste aujourd’hui beaucoup à faire sur ce point mais l’optimisme est de rigueur depuis une dizaine d’années.

Enfin, la dernière promesse : l’intégration régionale. L’objectif était de créer l’unité du continent africain et c’est sans doute sur ce point que l’Union africaine a le plus échoué.

La création de l’Union africaine en remplacement de l’OUA a consacré la création de la Commission de l’Union africaine ce qui a permis de désigner une institution beaucoup plus forte comme pilote du projet. Cette commission a permis le renforcement du leadership, une bonne nouvelle pour le projet panafricain. L’Union africaine a ainsi commencé à ressembler davantage à l’Union européenne.

L’UE a d’ailleurs saisi l’occasion pour créer un partenariat avec cette institution nouvellement créée et qui lui ressemblait de plus en plus.

JOL Press: C’est donc vraiment sur le modèle de l’Union européenne que l’Union africaine a souhaité se constituer ?
 

Henri-Bernard Solignac-Lecomte : Les créateurs de l’Union africaine étaient certainement dirigés par l’idée qu’il fallait un véritable leadership et une institution qui fonctionne sur la durée. Une institution qui soit dirigée par quelqu’un de crédible sur le plan technique et politique et qui puisse mener l’agenda à terme, ce dont l’OUA n’avait pas les moyens.

Que les dirigeants africains aient tardé à se doter d’un tel pilote est sans doute lié à leurs hésitations – qui existent d’ailleurs toujours – quant au projet d’intégration panafricain.

La création de cette Commission a donc représenté un véritable saut qualitatif. Mais si elle s’est bien sûr inspirée de l’expérience européenne, je pense que ce serait exagéré de dire qu’il ne s’agit que d’une simple copie.

JOL Press: Cette ressemblance fait dire à certains observateurs que l’Union africaine pourrait à terme répéter les mêmes erreurs que l’Union européenne. Qu’en pensez-vous ?
 

Henri-Bernard Solignac-Lecomte : Il ne serait pas bienvenue de comparer l’Union africaine à l’Union européenne ne serait-ce parce que leurs tâches sont complètement différentes. Il y a deux fois plus de pays en Afrique que dans l’Union européenne, le territoire africain est beaucoup plus grand et riche d’une diversité de cultures, de niveaux de développements économiques qu’on mesure parfois mal en Europe. La comparaison ne peut donc pas aller très loin.

L’Union africaine est née du combat contre la décolonisation. Ce n’est pas du tout la même dynamique qui a inspiré l’Union européenne, née d’une volonté communauté de pays indépendants de longue date de ne jamais revivre les deux guerres mondiales qui venaient de meurtrir le continent.

Je pense également que les processus d’intégration économique ont avant tout une finalité politique. Or dans le cas de l’Union africaine –comme dans celui de l’UE–, le processus est délicat : une des grandes faiblesses de l’Union africaine vient du soutien très inégal des pays membres à l’approfondissement concret de l’intégration régionale. Il y a des avancées notables comme entre les pays de la Communauté d’Afrique de l’Est mais d’autres pays ont soit un discours en décalage avec leurs actions, soit de graves préoccupations en matière de stabilité sociale et politique nationale qui placent les questions d’intégration loin de leurs priorités.

JOL Press: Quels sont les pays les plus investis dans cette démarche ?
 

Henri-Bernard Solignac-Lecomte : L’Afrique du Sud, avec la nomination de madame Zuma à la tête de la Commission, a commencé d’assumer plus clairement un rôle de leadership. Mais d’autres pays comme l’Ethiopie, qui accueille le siège de l’UA, l’Algérie, l’Egypte ou le Nigeria sont aussi des poids lourds de l’Union.

Depuis son arrivée à la tête de la Commission, Zuma a fait montre d’une volonté d’améliorer la gestion de l’Union africaine en mettant un accent particulier sur la gestion par les résultats, ce qui représente un véritable changement culturel pour l’organisation.

JOL Press: Selon vous, quels sont aujourd’hui les grands défis de l’Union africaine dans une Afrique en plein développement ?
 

Henri-Bernard Solignac-Lecomte : Les défis de l’Union africaine sont d’abord les défis de l’Afrique : la paix, la transformation économique, la cohésion sociale …

Cependant, les défis de l’Union africaine en tant qu’institution sont de parvenir à affirmer son indépendance vis-à-vis des bailleurs de fond. La Commission reste notamment dépendante de financements extérieurs alors qu’elle aurait besoin de cette indépendance pour devenir un acteur autonome. Il faut souligner que les Etats africains montrent un peu plus leur volonté d’assumer eux-mêmes le coût financiers de l’agenda panafricain. Ainsi Lors de la reconstitution du fonds africain de développement (FAD) géré par la Banque africaine de développement il y a quelques mois, plusieurs pays africains ont, pour la première fois, contribué au Fonds destiné à venir en aide aux pays les moins avancés du continent, alors que dans le même temps la contribution des pays riches diminuait.

L’autre défi est de définir quelle forme d’intégration régionale veulent les Etats africains. Une vision supranationale ? Intergouvernementale ? A ce niveau, les débats sont les mêmes qu’en Europe et il y a encore de nombreuses incertitudes sur ces questions.

Propos recueillis par Sybille de Larocque pour JOL Press

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