Site icon La Revue Internationale

Pourquoi François Hollande a-t-il choisi de se rendre au Vatican?

[image:1,l]

L’Elysée a confirmé, jeudi 9 janvier, que François Hollande rencontrerait le pape François le 24 janvier au Vatican, dans un communiqué. Il s’agira de la toute première audience du président français au Saint-Siège depuis son élection en mai 2012. Si le chef de l’Etat et le pape partagent la même fibre sociale, quelques sujets les séparent radicalement, comme la récente légalisation du mariage gay, ou encore le projet de légaliser l’euthanasie ou le suicide assisté.

JOL Press : Pourquoi François Hollande a-t-il attendu si longtemps avant de se rendre au Vatican ? Est-ce dû au fait que cette rencontre se fasse avec le pape François et non plus le pape Benoît XVI ?

Samuel Pruvot : Si on considère qu’en politique la quête d’intérêts, sinon électoraux au moins politiques, a son importance, il n’y avait pas vraiment de gain politique pour François Hollande, fraîchement élu président de la République française, à rencontrer Benoît XVI. Ne serait-ce qu’à cause de l’image de Benoît XVI pas seulement en France mais chez les électeurs socialistes, ceux qui ont porté François Hollande au pouvoir. Ce n’était, par ailleurs, absolument pas une priorité, alors que les circonstances, à plusieurs reprises ont fait qu’il aurait pu le rencontrer : dès l’été qui a suivi son élection, François Hollande s’est rendu à Rome plusieurs fois en pleine crise de l’euro.

A présent que le pape a changé, que ce pape partage avec le chef de l’Etat, au-delà du prénom, une même bonhommie et cette fibre authentiquement sociale, rend la rencontre plus facile à gérer. Le pape n’est plus un théologien occidental, mais un homme en apparence plus accessible.

[image:2,s]JOL Press : Quel rapport entretient François Hollande avec la question religieuse ? Quelles comparaisons peut-on établir avec Nicolas Sarkozy ?

Samuel Pruvot : Je vais être un peu caricatural mais on dit souvent que François Hollande a voulu faire le contraire de Nicolas Sarkozy et je pense que c’est plus ou moins vrai, mais au point de vue des affaires religieuses, cette vision est assez juste. Nicolas Sarkozy a surjoué un intérêt pour les religions en général, et le catholicisme en particulier ; François Hollande a surjoué une laïcité pleine de pudeur, voire de froideur, vis-à-vis des religions en général et du catholicisme en particulier, quitte à faire preuve de maladresse – on se souvient de sa plaisanterie après l’annonce de la démission de Benoît XVI : « Nous ne présentons pas de candidat », avait-il alors lancé.

Au-delà de la politique, il existe une différence entre les deux hommes sur un plan personnel. Nicolas Sarkozy ayant très peu de culture religieuse, il a manifesté un intérêt certain et authentique à cette question alors que François Hollande semble s’éloigner et vouloir oublier une culture très catholique qu’il a reçue. N’oublions pas que Ségolène Royal, avec qui il a partagé sa vie pendant de longues années, venait d’un milieu très conservateur et manifestement le président a-t-il souhaité mettre cette culture « sous le boisseau ».

D’un point de vue politique, cette culture est un boulet pour François Hollande. Quel peut-être l’intérêt pour quelqu’un qui fait une belle carrière au sein du Parti socialiste de mettre en avant ses attaches catholiques ?

JOL Press : Et quelles comparaisons peut-on établir avec François Mitterrand ?

Samuel Pruvot : François Mitterrand est intéressant parce qu’il a reçu, lui aussi, une éducation chrétienne, il maîtrisait donc parfaitement tous les codes du catholicisme. Si on demande à François Hollande ce qu’est un encensoir  ou une burette, il saura exactement de quoi on parle. Il a été servant de messe et ce n’est pas le cas de tous les présidents de la République.

La différence avec François Mitterrand c’est que ce dernier avait un intérêt culturel mais aussi personnel pour la chose religieuse en soi. C’était pour lui une question existentielle. Il était fasciné par ce catholicisme qui avait traversé les siècles malgré tout. Chez François Hollande, on a l’impression que tout ce qui appartient au catholicisme appartient à l’enfance, comme une sorte de carte postale honteuse qu’il voudrait cacher au fond d’un tiroir. Sans juger, je constate une sorte de honte  à avoir reçu cette éducation catholique.

JOL Press : Quels sont les enjeux d’une telle rencontre ? A quoi faut-il s’attendre ?

Samuel Pruvot : Si on veut être cynique, cette rencontre ne changera absolument rien, ni aux positions du Saint-Siège et du pape, ni aux positions de François Hollande. On pourrait dire que c’est une visite de courtoisie mais je pense qu’il y a un point de jonction entre les deux François : on peut créditer François Hollande d’avoir un intérêt certain pour la chose sociale et il aura en face de lui un pape qui a intégré la doctrine sociale, à la mode latino-américaine, le souci des pauvres et des classes populaires. Cette direction de leur vie leur est commune. Certes, François Hollande ne va pas chercher dans l’Evangile une quelconque solution, mais ils partagent un souci de ceux qui dans la société sont plus faibles socialement. C’est pourquoi je pense que le courant peut passer entre eux.

Par ailleurs, ni l’un, ni l’autre ne se font trop de nœuds au cerveau. On dit de François Hollande qu’il est déconcertant car il est toujours très aimable, très lisse, et on imagine qu’il est très difficile de se disputer avec le pape François. Là où ils ne s’entendront pas c’est sur les questions de société.

JOL Press : Justement François Hollande cherche-t-il à calmer le jeu, après une année agitée sur ces questions ?

Samuel Pruvot : A la libération du père Georges, François Hollande a fait l’éloge de la force morale de cet otage. Ce président de la République a fait l’éloge d’un homme religieux et de ses convictions, il a même ajouté : « Nous retrouvons le père Georges, qui est plein de foi, et en même temps plein d’énergie. Je ne sais pas comment il a fait pour en garder autant ». Mais étant de culture catholique il sait exactement d’où lui venait cette énergie. Nicolas Sarkozy aurait été plus flou. Lui sait très bien que son engagement religieux, sacerdotal est le moteur de sa vie et que sans cet appel il ne se serait jamais retrouvé au fin fond du Cameroun.

On constate donc, actuellement, une volonté de François Hollande de se réconcilier avec la population catholique qui a été très chahutée par l’épisode du mariage pour tous. Le fait qu’il ait pu parler ainsi du père Georges et qu’au final il voie le pape, ce qui n’était pas du tout gagné, manifeste un léger dégèle entre le président et les catholiques en général. Il est cependant fort à parier que cette rencontre ne changera pas grand-chose car s’il est un sujet sur lequel le chef de l’Etat n’a pas reculé ni hésité, c’était bien sur le mariage pour tous.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Samuel Pruvot est diplômé de l’Institut d’Études Politiques de Paris et du CELSA. Il a débuté sa carrière comme Account manager dans l’agence de relations publique Marston Nicholson. Il est actuellement Rédacteur en chef du service actualités de l’hebdomadaire Famille chrétienne.

Quitter la version mobile