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Pourquoi la France ne veut-elle plus de Michel Djotodia en Centrafrique?

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En arrivant à N’Djamena, le président centrafricain ne savait pas s’il reviendrait chez lui en président ou en citoyen. Réunis dans la capitale tchadienne à l’occasion d’un sommet exceptionnel consacré à la situation en Centrafrique, les chefs d’Etat concernés par le dossier avaient finalement donné un sursis au président de transition, en place depuis mars dernier. Pourtant ce dernier, visiblement conscient de ne plus être en position de force chez lui, a préféré céder sa place.

L’avenir de la Centrafrique est compromis

« Un seul constat doit être fait et il est amer : la RCA (République centrafricaine) subit au plus profond d’elle-même les agissements de ses propres fils plongeant leur pays dans une guerre qui compromet dangereusement son avenir », a déclaré le président tchadien Idriss Déby, en ouverture de ce sommet de la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale, jeudi 9 janvier.

« Nous avons le devoir […] de faire montre de plus de solidarité et de détermination pour sortir la Centrafrique de son abîme. Il nous faut de plus en plus des actes concrets et décisifs », a-t-il poursuivi.

C’est à n’en pas douter à l’adresse du président centrafricain par intérim que ce discours était adressé. Michel Djotodia, depuis que la crise centrafricaine a pris de l’ampleur se transformant en véritable conflit confessionnel, a été la cible de toutes les accusations. Jugé incapable de mettre fin à un cycle de violences meurtrières, il a été prié de démissionner à plusieurs reprises et depuis ces derniers jours, la rumeur se faisait pressante, laissant planer le doute sur sa survie au pouvoir.

Rumeurs persistantes de démission

Tout a commencé il y a un mois, lorsque dans une interview accordée à RFI, le président François Hollande estimait, « on ne peut pas laisser en place un président qui n’a rien pu faire, voire qui a laissé faire ».

Une fois cette brèche ouverte, les diplomates laissaient libre cours à leur propre interprétation de la situation. « C’est terminé pour lui maintenant », a-t-on entendu dans la bouche d’un membre de l’entourage de Michel Djotodia tandis qu’un diplomate français affirmait même que le président tchadien, ami de son homologue centrafricain, avait finalement décidé de ne plus le soutenir.

« Djotodia et nous, ce n’est pas une histoire d’amour. Plus vite il partira, mieux on se portera », aurait encore déclaré un membre du Quai d’Orsay.

Jusqu’à cette interview donnée mercredi 8 janvier au Parisien par le ministre français des Affaires étrangères. Ce dernier évoquait alors la possibilité de régler définitivement le sort du président par intérim lors du sommet de N’Djamena.

« Il est envisagé que les pays de la région se réunissent jeudi pour prendre des décisions », affirmait-il alors au quotidien.

Un encombrant président

Il y a quelques mois pourtant, avant que la France ne lance officiellement l’opération Sangaris, l’avenir centrafricain semblait correctement se préparer entre Laurent Fabius et Michel Djotodia. Le ministre français des Affaires étrangères, en visite à Bangui, annonçait alors l’envoi de troupes afin de renforcer la présence de la France sur le terrain pour faire face au chaos qui s’était installé depuis plusieurs mois.

En échange, la France obtenait des autorités l’assurance de voir des élections libres organisées au début de l’année 2015, élections auxquelles ne pouvaient pas se présenter les personnalités impliquées dans le gouvernement de transition, Michel Djotodia en première ligne.

« Nous avons décidé, la France, l’Union européenne et les Nations Unies, de relever le défi. Nous n’allons pas vous laisser tomber, nous allons nous occuper sérieusement de redresser la situation », affirmait alors Laurent Fabius.

Désapprouvé autant par les chrétiens que par les musulmans

Les choses ont bien changé depuis cette visite du 13 octobre dernier. Les exactions de la milice Séléka ont fini par attiser la haine de la population devenue vengeresse et les milices chrétiennes d’auto-défense, appelées anti-balaka, sont passées à l’attaque, transformant le conflit centrafricain et laissant même certains responsables internationaux craindre un « génocide ».

Si le terme n’a plus été utilisé depuis plusieurs semaines, force est de constater néanmoins que la situation n’a fait qu’empirer. Malgré la présence française, le calme n’est toujours pas revenu à Bangui et les morts se comptent désormais par milliers.

Dans ce conflit interconfessionnel qui s’annonce déjà long et difficile à résoudre, le président Michel Djotodia ne semble pas avoir les épaules pour affronter cette crise.

Ancien chef milicien de la Séléka, Michel Djotodia a été porté au pouvoir par les rebelles en mars dernier, à la suite de la chute de François Bozizé. Le président par intérim est donc musulman, dans un pays peuplé de 80% de chrétiens ou la religion est devenue sujet de haine.

Mais surtout, Michel Djotodia a prouvé à de nombreuses reprises qu’il avait perdu tout contrôle sur ses anciens amis de la Séléka. Désavoués par tous les camps, il n’incarne aujourd’hui aucune sortie de crise probable pour la Centrafrique.

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