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Ségolène Royal peut-elle revenir sur la scène politique nationale?

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En 2007, elle était sûre de mener son camp vers des victoires futures. En 2012, la gauche l’a emporté… mais c’est François Hollande, son ancien compagnon, qui s’est installé à l’Élysée. Ségolène Royal ne siège pas à la table des vainqueurs. La déroute des législatives de La Rochelle a compromis son avenir politique. Le « tweet » assassin de sa rivale Valérie Trierweiler l’a renvoyée à ses malheurs sentimentaux. Et son rêve de présider l’Assemblée nationale a viré au cauchemar. Comment peut-elle désormais espérer rebondir ? Eléments de réponse avec Sylvain Courage, auteur de L’Ex (Editions du Moment – août 2012). Entretien.

JOL Press : Après toutes ses mésaventures, comment se porte aujourd’hui Ségolène Royal ?

Sylvain Courage : Ségolène Royal semble avoir trouvé un mode de fonctionnement assez serein puisqu’elle cultive son territoire, en Poitou-Charentes,  où elle souhaite être candidate à sa propre succession pour un troisième mandat en 2015. Elle a aussi la possibilité de s’exprimer sur la politique nationale dans les médias et on a vu qu’elle n’hésitait pas à dire ce qu’elle pensait des réformes du gouvernement, tout en respectant une forme de loyauté à laquelle elle tient beaucoup. Ségolène Royal arrive à défendre l’exécutif tout en gardant un œil critique. Sa voix est originale dans le concert de la gauche mais elle n’est pas gênante pour François Hollande ou Jean-Marc Ayrault car elle est solidaire de l’action gouvernementale.

[image:2,s]JOL Press : Le ministre délégué à l’agroalimentaire, Guillaume Garot expliquait, en décembre, que Ségolène Royal était un « atout majeur pour la gauche et pour la réussite du quinquennat de François Hollande ». Le gouvernement se prive-t-il d’un talent ?

Sylvain Courage : Guillaume Garot est un proche de Ségolène Royal, l’un de ses fidèles soutiens. Il a été nommé au gouvernement parce qu’il représentait cette sensibilité au Parti socialiste. Il est donc naturel qu’il défende l’idée selon laquelle elle pourrait venir renforcer l’équipe gouvernementale. A chaque rumeur de remaniement, l’hypothèse Ségolène Royal se manifeste alors même que cette nomination poserait un certain nombre de problèmes.

Il ne faut pas oublier que Ségolène Royal a perdu la législative de La Rochelle en juin 2012, elle n’est donc pas en position pour entrer au gouvernement. Par ailleurs, elle est entravée, malgré tout, par les 25 ans de vie qu’elle a partagés avec le chef de l’Etat. En cas de nomination au gouvernement, les commentateurs seront nombreux à crier au népotisme et au favoritisme. Ce serait en partie injuste puisque Ségolène Royal a une carrière politique qui lui est propre, elle ne doit rien à François Hollande mais elle souffre de cette proximité avec celui qui est le père de ses quatre enfants.

C’est une situation qui est délicate car elle souhaiterait sans doute se voir confier un rôle important, y compris dans le gouvernement, François Hollande n’y est pas forcément hostile mais la gêne persiste.

JOL Press : Selon le baromètre BVA-Orange-presse régionale de ce mois de janvier, Ségolène Royal est la seule personnalité de gauche à gagner des points. Comment l’expliquer ?

Sylvain Courage : Cela s’explique certainement par ce bon positionnement qu’elle a su trouver à la fois critique, en étant de temps en temps sévère avec les désordres du gouvernement ou en réclamant plus de rapidité dans la mise en place des réformes, et à la fois loyale. Ce positionnement est apprécié par l’opinion parce ce n’est pas de l’alignement, ce n’est pas non plus une revanche ou un dépit qui s’exprime chez elle.

Ségolène Royal a su, malgré ses échecs – elle n’a pas été désignée à la primaire socialiste, elle a perdu les législatives et par là l’occasion de devenir présidente de l’Assemblée nationale – poursuivre sa carrière sans aigreur. Mais elle va jouer gros en 2015, lors des élections régionales : si elle est réélue, elle bénéficiera d’un nouveau crédit politique, dans le cas contraire elle se retrouvera dans une impasse.

JOL Press : Il se murmure que Ségolène Royal pourrait devenir commissaire européen, à la place de Michel Barnier, après les élections européennes. Qu’en est-il ?

Sylvain Courage : C’est une possibilité mais il me semble que Ségolène Royal n’est pas très intéressée par une carrière à Bruxelles, c’est ce qu’elle laissait entendre il y a quelques mois. A chaque fois qu’un poste se libère on pense à elle pour l’occuper. Elle a toujours dit qu’elle n’est candidate à rien et qu’elle est heureuse d’être présidente de région. En tout cas, cette mutation poserait les mêmes problèmes qu’une nomination au gouvernement. Si elle est soutenue par l’Elysée, il y aura toujours des voix pour s’inquiéter du favoritisme dont elle bénéficierait.

Ségolène Royal a à cœur de gagner sa place par sa légitimité politique et non grâce à son réseau, elle doit donc se soumettre aux élections pour rendre crédible son discours et ses propositions. C’est ainsi qu’elle a l’intention de se reconstruire.

JOL Press : Si elle n’est pas réélue au Conseil régional, comment envisager son avenir politique, pendant la durée du mandat de François Hollande ?

Sylvain Courage : Son avenir se trouvera en difficulté si elle n’est pas réélue au Conseil régional.  Tant que François Hollande est chef de l’Etat, elle sera un peu embarrassée, mais tout cela dépendra de la situation politique du Président. Si les difficultés du gouvernement perdurent, si les élections intermédiaires sont des échecs, François Hollande aura peut-être besoin  de renfort, de faire entrer des « poids-lourds » au gouvernement et, dans ce cas, Ségolène Royal pourrait avoir ses chances.

C’est en cela que sa cote de popularité est une donnée importante. Si elle progresse en popularité, si les Français la réclament, cela pourra rendre sa nomination beaucoup plus acceptable. D’où l’importance de ses interventions médiatiques qui sont pour elle un moyen de faire entendre sa différence, de faire valoir ses arguments et construire son image pour les années qui viennent.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Après avoir collaboré au mensuel économique Capital, Sylvain Courage a coordonné la rubrique Dossier du Nouvel Observateur. Aujourd’hui rédacteur en chef, il a suivi pour l’hebdomadaire la campagne électorale de 2012 côté PS.

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