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Système monétaire international: les limites des changes flottants

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JOL Press : Au regard des déséquilibres mondiaux importants que l’on constate actuellement, peut-on estimer que le système de changes flottants, en place depuis quarante ans, a échoué à remplir son rôle ?
 

Michel Lelart : A l’origine, on a mis en place ce système de changes flottants parce qu’il était moins contraignant que le système de changes fixes. On pensait qu’il rendrait les choses plus simples, du fait de ses nombreux avantages théoriques, notamment sa souplesse.

Et puis effectivement, maintenant, on se rend clairement compte que cela ne fonctionne pas mieux. Cela n’assure pas le retour à l’équilibre des balances des paiements et ne stabilise pas les monnaies. Donc de ce point de vue, il est difficile de considérer que le système de changes flottants ait pu remplir son rôle correctement.

JOL Press : Puisque les monnaies n’ont pas de parité officielle comme cela pouvait être le cas dans le système de Bretton Woods, quels mécanismes étaient supposés permettre le retour à l’équilibre ?
 

Michel Lelart : Le système de Bretton Woods, avec la fixité des changes permettait une relative stabilité du système. Avec les changes flottants, on pensait que le marché déterminerait le meilleur taux entre les devises, qu’il ne fallait ni interférer ni influencer. C’était l’idée de départ.

JOL Press : Actuellement, l’euro atteint un niveau tel face au dollar qu’il pénalise très clairement les entreprises exportatrices européennes, pourtant, rien ne vient limiter sa hausse mécaniquement. Que faudrait-il faire pour qu’il en soit autrement ?

Michel Lelart : Pour que ça change, il faudrait que la banque centrale européenne et la Fed s’entendent pour stabiliser le cours. Les autorités monétaires doivent coopérer mais ne le font pas. Par conséquent, pour l’instant, c’est le marché qui décide du niveau des cours. Cela monte, baisse, selon plusieurs éléments, les notations notamment.

En réalité ce ne sont d’ailleurs pas tout à fait la Fed et la BCE qui devraient s’entendre, mais plutôt les autorités politiques. Les gouvernements pourraient par exemple fixer un cours de 1,30, 1 euro pour 1,30 dollar, et puis demander aux banques centrales de faire en sorte que le cours se stabilise entre 1,25 et 1,35.

Ce serait finalement assez proche du système qui était en place avant. Il y a d’abord eu des marges de 1%, ce qui était très serré, très contraignant. Il fallait intervenir souvent. Ensuite, pour plus de souplesse, on a porté les marges à 2,25%, + ou – 2,25%. Après les marges ont été tout bonnement supprimées.

Mais il faut se rappeler qu’en 1987, lors des accords du Louvre, les pays du G7, sauf l’Italie, qui n’a pas voulu signer, se sont entendus sur le niveau du dollar. Ils ont convenu d’un cours que la monnaie américaine ne pourrait franchir, à la hausse et à la baisse. 

JOL Press : La BCE semble être la seule grande banque centrale ne menant pas de politique de change, comment peut-on l’expliquer ?
 

Michel Lelart : La Banque centrale européenne a pour mission de stabiliser les prix. Par conséquent, elle intervient pour limiter l’inflation dans la zone euro. Autrement dit, sa vocation est de veiller au maintien de la valeur interne de l’euro, de faire en sorte que les prix ne montent pas trop.

Elle intervient pour maîtriser l’inflation, pas pour maîtriser la valeur de l’euro par rapport au dollar ou aux autres devises.

JOL Press : Pour que les choses changent, il faudrait donc modifier les traités européens ?
 

Michel Lelart : Il faudrait revoir le traité de Maastricht, et les statuts de la BCE. Car la Banque centrale européenne a été conçue comme cela, sous l’influence des allemands, qui ont une hantise de l’inflation, pour des raisons historiques. Pour eux, la BCE, qui allait remplacer la Bundesbank, devait être elle aussi indépendante et avoir la même fonction, c’est-à-dire stabiliser les prix. Cela a été aprement discuté et la France a accepté.

De ce fait, la BCE a les mains liées, ce qui n’est pas le cas des autres banques centrales, notamment la Fed.

JOL Press : Peut-on imaginer, d’après vous, la mise en place d’un nouveau système monétaire international, par exemple sur le modèle de celui présenté par Keynes en 1944 ?
 

Michel Lelart : Pour moi, le plan Keynes était quelque chose de très bien, de très astucieux. Il s’agissait vraiment d’un nouveau système monétaire international, qui reposait sur une monnaie internationale, le fameux bancor. Les Américains n’en ont pas voulu, et on n’a pas remis en place un vrai système, avec une vraie monnaie internationale. C’est pour cette raison que le dollar a pris la place, puisqu’il fallait bien une monnaie pour régler les transactions entre pays.

Mais même si le plan Keynes était une très bonne idée, et que des économistes l’évoquent encore aujourd’hui, le remettre en place aujourd’hui me paraît difficile à imaginer.

 

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