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Tunisie, 1er pays arabo-musulman à proclamer l’égalité homme-femme

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C’est par 159 voix sur 169, que l’assemblée tunisienne a validé lundi 6 janvier, l’article 20 du projet de Constitution assurant l’égalité entre les femmes et les hommes. En approuvant ce texte, qui stipule que « tous les citoyens et les citoyennes ont les mêmes droits et les mêmes devoirs » et qu’ils sont « égaux devant la loi sans discrimination aucune », la Tunisie est devenue le premier pays du monde arabo-musulman à inscrire dans sa constitution l’égalité entre hommes et femmes. 

Des lois bientôt inconstitutionnelles

« Ce principe d’égalité homme-femme n’est en général pas exprimé de façon claire dans les constitutions du monde arabe, parce que cela pose derrière la question du statut de l’héritage » explique Jean-Philippe Bras, professeur de droit public à l’Université de Rouen, qui suit de près l’actualité constitutionnelle et politique tunisienne.

En effet, dans tous les pays du monde arabe, les lois sur l’héritage prévoient que les femmes reçoivent la moitié des hommes: par conséquent, « en affirmant dans la Constitution que les hommes et les femmes sont égaux, la loi sur l’héritage deviendra inconstitutionnelle  » constate Jean-Philippe Bras. Désormais le Conseil constitutionnel tunisien pourra être saisi sur les lois antérieures à l’adoption de la Constitution : « les gens pourront affirmer que la loi sur l’héritage est devenue inconstitutionnelle et pourront donc demander sa suppression » poursuit le professeur.

Compromis entre Ennahda et l’opposition

La validation de l’article 20 du projet de Constitution découle d’un compromis entre les islamistes d’Ennahda, majoritaires à l’Assemblée nationale constituante (ANC), et l’opposition laïque. Durant l’été 2012, le parti islamiste a suscité la polémique avec l’introduction du concept de « complémentarité » homme-femme dans la Constitution avant de finalement renoncer au projet.

Mais comment expliquer le fait qu’Ennahda accepte aujourd’hui cette concession ? « Il existe plusieurs explications au recul d’Ennahda » selon Jean-Philippe, évoquant en premier lieu, le tollé provoqué par le projet : « le principe de complémentarité entre les hommes et les femmes s’est heurté à l’opposition d’une grande partie de la société tunisienne. Il y a eu des manifestations très importantes cet été » explique-t-il.

Deuxième facteur: la division au sein du parti islamiste. « Il y a des réalistes modérés et des idéologues, ce qui induit donc une négociation inter- Ennahda. Mais au final, ce sont les pragmatiques qui l’emportent. Enfin, selon les laïcs radicaux, Ennahda renoncerait aujourd’hui en espérant pouvoir exercer pleinement le pouvoir demain et revenir ainsi sur les mesures qu’ils viennent d’accepter ».

Droits des femmes en Tunisie

Depuis 1956, la Tunisie est le pays arabe où les droits des femmes sont les plus avancés: « Sur le plan juridique, la Tunisie a toujours été en avance par rapport aux autres pays du monde musulman, grâce notamment à Habib Bourguiba, qui en 1956, juste après l’indépendance à fait voter le code du statut personnel (CSP). Cette législation était de très loin la plus avancée dans le monde arabe et musulman sur l’égalité hommes-femmes, puisque il supprimait par exemple la polygamie » explique Jean-Philippe Bras. 

Ambiguïtés

Bien que les Associations tunisiennes féministes se réjouissent de cette avancée, plusieurs organisations de défense des droits de l’homme comme les ONG Amnesty International et Human Rights Watch déplorent le flou et les ambiguïtés qui persistent au sein de ces principes d’égalité entre les hommes et les femmes. Elles réclament aussi que la non-discrimination devant la loi soit élargie « à la  race, couleur,  sexe, langue, religion, opinion politique ou autre ».

Pour Najet Yacoubi, avocate et secrétaire générale de l’Association des femmes tunisiennes, ce texte est loin d’être une victoire pour les femmes : «  l’ambiguïté ne réside pas seulement dans les textes mais aussi dans l’absence de volonté politique de considérer les droits des femmes comme partie intégrante des droits humains » a-t-elle expliqué à JOL Press.

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