Site icon La Revue Internationale

Un président impopulaire peut-il réformer en profondeur?

[image:1,l]

Selon le baromètre Clai-Metronews-LCI réalisé par OpinionWay diffusé dimanche 12 janvier, moins d’un quart des personnes interrogées (24 %) se déclarent satisfaites de l’action du chef de l’État, sans changement par rapport au mois de décembre, contre 76 % (+ 1 point) qui se disent mécontentes. François Hollande ne rassemble que 49 % de satisfaits parmi les sympathisants de gauche, dont la moitié (50 %) se déclarent en revanche mécontents.

Avec une cote de popularité si basse, le chef de l’Etat peut-il encore espérer réformer en profondeur ? Eléments de réponses avec Bruno Jeanbar, directeur général adjoint de l’institut de sondage Opinionway.

JOL Press : En quoi la popularité d’un président influence-t-elle sa politique ?

Bruno Jeanbar : De manière générale, la popularité du président n’est qu’un élément parmi d’autre dans sa prise de décision. Elle influence moins sa politique que sa capacité à la mettre en œuvre aisément et notamment dans sa relation avec sa majorité. Il est évident qu’une des difficultés de l’impopularité, c’est de laisser plus de place à la critique au sein de son camp.

Je pense que l’impopularité de François Hollande ne dicte pas sa politique. On peut arguer que le fait d’être très impopulaire vous conduit à prendre plus de risques et on peut aussi considérer que cette impopularité vous tétanise parce que vous êtes déstabilisé. La popularité amène forcément à une interrogation, mais cette remise en question n’a pas automatiquement d’influence sur le sens de la politique menée.

JOL Press : Etre impopulaire, est-ce un atout ou un handicap pour réformer en profondeur ?

Bruno Jeanbar : Il est évident que l’impopularité est plutôt un handicap quand on veut lancer des réformes profondes parce qu’elle encourage ceux qui s’opposent aux réformes à s’exprimer et à le faire savoir, que ce soit au sein de la majorité, dans des mouvements de rue ou des mouvements de grève. L’impopularité est un handicap quand la politique menée se heurte à des résistances qui peuvent conduire à des blocages.

Cependant, l’impopularité peut avoir aussi un aspect positif quand elle encourage le chef d’Etat à prendre plus de risques sans se soucier des sondages. Quelqu’un de populaire peu avoir tendance à être conservateur et frileux par peur de perdre sa popularité. Mais l’impopularité ne conduit pas, pour autant, toujours à la prise de risque. Elle peut cependant limiter la perception du risque dans la mise en place d’une réforme.

JOL Press : La popularité est-elle liée à la légitimité dans la perception qu’ont les Français du chef de l’Etat ?

Bruno Jeanbar J’ai tendance à dire qu’il n’y a pas de lien entre popularité et légitimité, surtout dans un système de démocratie représentative où l’on accepte l’idée de déléguer le pouvoir pendant un certain nombre d’années, mais il est vrai que, dans l’opinion aujourd’hui, une partie des électeurs estime que lorsqu’un pouvoir est impopulaire, il n’est plus légitime pour mettre en place un certain nombre de réformes. C’est de là que découle une certaine incompréhension de la parole politique qui tire sa légitimité des élections.

Et l’élu a raison de rappeler sa légitimité. La popularité, en aucun cas, n’est un facteur de légitimité dans la mesure où l’on mesure la popularité grâce à des sondages qui n’ont pas du tout la même valeur que des élections.

JOL Press : La popularité du chef de l’Etat a-t-elle des incidences concrètes lors des élections intermédiaires ?

Bruno Jeanbar Quand des élections intermédiaires sont mauvaises pour la majorité, il faut davantage considérer que ce sont ces résultats qui vont entraîner l’impopularité du Président plutôt que l’inverse. Ce n’est pas l’impopularité d’un président qui va faire perdre une élection. La popularité n’est qu’un indicateur qui peut éventuellement annoncer la cause de la défaite. Ce sont les même raisons qui vont conduire les électeurs à sanctionner le Président en votant contre les candidats qui sont proches du gouvernement et les Français à faire part de leur mécontentement dans les sondages. Les sondages ne sont que des indicateurs.

Dans les élections, il ne faut pas oublier une dimension importante : le vote n’est pas uniquement un jugement sur la politique du gouvernement, c’est aussi un choix entre différents candidats. La popularité est une donnée absolue, une élection donne un résultat relatif. On peut ne pas aimer ce que fait le président mais, au final, préférer le président à ce que feraient ses adversaires.

JOL Press : Sur quels critères les Français jugent-ils leur Président ?

Bruno Jeanbar Les Français analysent plusieurs critères : l’action menée, le résultat positif ou négatif de cette action, la capacité du Président à habiter la fonction, à correspondre à l’image qu’on se fait du bon Président, sa capacité à prendre des décisions, l’incarnation de la France, sa capacité à représenter la France à l’étranger. C’est un mixte entre l’image qu’on se fait d’un Président et la satisfaction à l’égard de son action.

JOL Press : Peut-on résumer la popularité d’un Président à une affaire de communication ?

Bruno Jeanbar On ne peut pas résumer la popularité à la communication parce qu’on ne peut pas séparer, en politique, la communication et l’action. Toute action d’un homme politique va être interprétée et donc est assimilable à de la communication. Quand François Bayrou gifle un jeune garçon en 2002, il pose un acte spontané mais envoie aussi un message aux Français. Dans la plupart des cas, on ne peut pas faire de distinction. Il n’y a pas de bonne politique sans bonne communication et inversement. 

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Quitter la version mobile