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Vincent Peillon veut remplacer les ZEP: changement sémantique ou réel?

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Les ZEP sont mortes, vivent les REP ! Vincent Peillon a détaillé l’institution des Réseaux d’éducation prioritaires, soit les regroupements d’établissements ZEP. Le ministre de l’Éducation nationale a justifié ce projet par les échecs des politiques antérieures, ainsi qu’une volonté de mettre en place de nouvelles conditions de travail pour les professeurs. Travail en équipe, encadrement des jeunes diplômés, suppression des internats d’excellence…

Qu’en est-il réellement ?

JOL Press : Vincent Peillon a présenté plusieurs aspects de sa réforme touchant aux zones d’éducation prioritaire (ZEP). Au-delà de la nouvelle terminologie (on parlera maintenant de Réseaux d’éducation prioritaire), quels changements va-t-elle induire ? Part-elle d’un constat d’échec du programme ZEP ?

Marc Douaire : La nouvelle positive est que l’éducation prioritaire est de nouveau une question primordiale aux yeux du gouvernement.

Au sein de ce projet figurent un certain nombre de mesures qui font écho à la loi de juillet 2013 sur la reconversion de l’école. Elles doivent répondre à un certain nombre de défis posés par les résultats défavorables de l’Education Nationale.

En premier lieu, cette réforme concerne logiquement les élèves. Renforcer la scolarisation des enfants de moins de trois ans – mesure déjà en vigueur à la rentrée 2013 – est l’un des premiers objectifs.

Néanmoins, la mesure la plus conséquente touche aux équipes pédagogiques, avec cette double exigence : reconnaître, pour la première fois dans l’Histoire de l’éducation, que leurs objectifs ne sont pas uniquement de préparer et faire des cours, ou corriger des copies ; mais également travailler en équipe, rencontrer les familles, suivre individuellement les élèves… Des fonctions qui jusqu’ici n’étaient pas attribuées aux professeurs mais dépendaient plutôt du volontariat.

JOL Press : Dans cette logique, le ministre de l’Éducation nationale souhaite mettre en place des équipes de spécialistes qui aideront les professeurs. Ne serait-ce pas plus utile de former les professeurs eux-mêmes, et arrêter de les envoyer fraîchement diplômés en ZEP, plutôt que de créer une nouvelle catégorie de fonctionnaires ?

Marc Douaire : Ce n’est pas exactement ça. L’idée est plutôt de faire assister les jeunes professeurs par des plus anciens, des sortes de tuteurs. En outre, qu’il y ait un accompagnement précis des professeurs par des censeurs, des inspecteurs de terrain. Il faut absolument que les jeunes professeurs arrivant dans ces zones bénéficient de temps pour travailler en équipe.

Le problème est que personne ne veut prendre ces postes. On peut toujours rêver qu’un enseignant, à quarante ans, ait une illumination et veuille aller dans une zone d’éducation prioritaire, mais ce n’est qu’un rêve.

Enfin, au-delà de cette dimension « travail en équipe », il y a la nécessité d’élaborer des projets de « réseaux » pour quatre ans, assortis des moyens correspondant, en fonction du repérage de pratiques qui ont marché avec les élèves.

JOL Press : On peut quand même reconnaître ce qui n’a pas fonctionné dans les réformes de l’éducation. La redéfinition des territoires d’éducation prioritaire suggère-t-elle leur insuccès ?

Marc Douaire : Le problème est que sur 30 ans, le pilotage effectif de ces programmes a été effectif, réellement, sur 7 ou 8 ans. Pour une raison bien simple : durant ce laps de temps, les majorités politiques, de droite comme de gauche, n’ont pas su suivre ce qu’avaient fait leurs prédécesseurs…

JOL Press : …Ce que s’apprête justement à faire Vincent Peillon, qui annonce vouloir faire « l’inverse de ce qui avait cours, et dont les résultats ont montré que la logique précédente a dramatiquement échoué ». Il évoque notamment l’échec des internats d’excellence mis en place par le gouvernement de Nicolas Sarkozy.

Marc Douaire : L’idée de base était bonne, à savoir « l’internat de proximité » (« excellence » ne veut rien dire), mais elle a coûté un argent fou aux finances publiques.

Il faut revenir à ce projet d’internats de proximité. Je ne pense pas que Vincent Peillon veuille tout bouleverser : la carte des territoires d’éducation prioritaire n’est pas modifiée. Les 254 Réseaux Ambition Réussite (RAR) se retrouvent dans les quelque 350 Réseaux d’éducation prioritaire évoqués ce jeudi par Vincent Peillon.

Il faut ainsi souhaiter que les moyens soient donnés à ces ambitions, aujourd’hui bien sûr, mais également qu’en 2018 le travail entrepris ne soit pas défait. On ne peut plus se permettre d’avancer en « On/Off », à savoir qu’un cabinet ministériel fasse table rase des œuvres de son prédécesseur et décide de passer à autre chose.

JOL Press : Quand Vincent Peillon annonce vouloir réduire les écarts de performance scolaire entre les élèves ZEP et les autres, ainsi que parvenir à moins de 25 % d’élèves « laissés sur le carreau », est-on dans l’utopie ou le réalisable ?

Marc Douaire : L’ambition est de répondre aux objectifs de PISA 2012 (ndlr : l’enquête PISA, réalisée par l’OCDE en 2012, faisait état d’une situation alarmante pour la France en matière d’éducation). Concrètement, cette enquête a consacré la France comme le système éducatif le plus inégalitaire de l’OCDE. Si on se résigne à ça, autant annoncer la mort du service public éducatif.

JOL Press : Ces projets de refonte vont-ils coûter cher aux finances publiques (et donc au contribuable) ?

Marc Douaire : Globalement, les programmes liés aux zones d’éducation prioritaire coûtent moins cher que les autres. Néanmoins, si c’était le cas, il ne tiendrait qu’au ministère de faire des coupes budgétaires au sein des autres systèmes, à commencer par les prépas ou autres institutions élitistes.

Propos recueillis par Romain de Lacoste pour JOL Press

Marc Douaire a enseigné durant plus de trente ans, et notamment dans des lycées placés en Zones d’éducation prioritaire. Il est aujourd’hui Président de l’Observatoire des zones prioritaires.

 

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