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90 ans avant Sotchi, les premiers JO d’hiver s’ouvraient à Chamonix

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Extraits de De Chamonix à Sotchi, un siècle d’olympisme en hiver de Eric Monnin (éditions Désiris, novembre 2013) :

« Lors de la semaine internationale des sports d’hiver, présidée par Pierre de Coubertin, Président du CIO, assisté du président du Comité national olympique français, le Comte Justinien de Clary, 258 athlètes dont 247 hommes et 11 femmes, représentant au total 16 nations, sont engagés. L’ouverture de ces Jeux est alors proclamée par le ministre de la République Gaston Vidal, sous-secrétaire d’État à l’enseignement technique, et le serment est prêté par le skieur Camille Mandrillon qui a également l’honneur de porter le drapeau français. Lors des douze jours de compétition, seize épreuves seront disputées, représentant six sports. Au total, quarante-trois médailles seront décernées devant près de 33 000 spectateurs.

Enfin, voici les premiers Jeux olympiques d’hiver… Néanmoins, il faudra attendre le 27 mai 1925 et le congrès de Prague pour que le CIO officialise la Semaine internationale des sports d’hiver comme Jeux d’hiver. À ce congrès, le CIO adopte également la charte des Jeux d’hiver. Celle-ci donne la priorité à la ville détentrice des Jeux d’été pour organiser également ceux d’hiver, à condition évidemment d’en avoir les moyens. À Chamonix, cette règle est déjà adoptée. En effet, Paris organisera du 5 mai au 27 juillet les VIIes Jeux olympiques. Le CIO ne veut en aucun cas rivaliser avec ses amis finlandais, suédois, norvégiens, qui organisent déjà les Jeux du Nord. De plus, depuis 1907, pour ne pas gêner ces Jeux, le CIO a inséré dans les Jeux d’été le hockey sur glace et le patinage. Le succès est considérable…

Pourtant, la veille tout semblait gâché. Le dégel avait transformé la patinoire en un immense lac. Mais, durant la nuit, la météorologie changea et, le lendemain, tout était en état de fonctionner. Roger Frison-Roche, secrétaire au Comité des sports de Chamonix, raconte que lors de la cérémonie d’ouverture, « il n’y eut ni flamme, ni vasque olympique. Car officiellement Chamonix organisait une Semaine internationale des sports d’hiver donnée à l’occasion des VIIes Jeux olympiques de Paris ». « Ce fut une cérémonie très simple mais pleine de solennité. » La cérémonie débuta l’après-midi du vendredi 25 janvier dans un froid ensoleillé.

Toutes les nations défilèrent dans le stade, au rythme de la fanfare des chasseurs alpins du 6e BCA, dans l’ordre des épreuves en commençant par les patineurs de vitesse et de figure. Les équipes de curling furent très remarquées, avec leurs balais, enfin ce fut l’arrivée des dernières équipes représentant l’épreuve du bobsleigh. À la suite des athlètes, ce fut tout Chamonix qui défila à son tour : guides de haute montagne, pompiers, anciens combattants, écoliers, etc. Quant à la délégation française, elle est la plus importante avec ces 46 représentants. La délégation de la Grande- Bretagne est composée de 35 athlètes, celle de la Norvège de 16 athlètes seulement.

Lors de cette cérémonie, pour la première fois, 294 athlètes de 16 nations sont réunis pour concourir ensemble. Ce constat sera repris par tous les journaux, par tous les correspondants présents à Chamonix. À cette occasion, le producteur français Jean de Rovera réalise le premier film de l’histoire des Jeux olympiques d’hiver. La Norvège peut apparaître comme diminuée, mais c’est sans compter avec le « roi Norvégien du ski ». Dès le début des Jeux, Thoreig Haug impressionne tous les concurrents et les spectateurs. Il va tout simplement surclasser tous ses adversaires dans chaque course. […] De retour dans son pays, son village natal lui érigera une statue de son vivant. Plus de quarante ans après sa mort, suite à une erreur de calcul, sa médaille de bronze, gagnée au grand saut, lui sera retirée. 

[…]

[image:2,l]L’épreuve de patinage artistique se déroule sur une patinoire de 36 000 m2. Celle-ci peut accueillir 45 000 spectateurs et c’est une des plus grandes patinoires naturelles. Depuis 1908, le patinage est présent aux Jeux olympiques où les Anglaises réussissent à obtenir deux médailles. Une fois de plus, elles sont attendues. Tout le monde se souvient de Maede Syers qui concourt avec les hommes au Championnat du monde, en 1902, et qui se classe seconde ! Mais seule Ethel Muckelt réussit à se placer troisième. Les lauriers olympiques reviennent à une jeune Autrichienne de vingt-deux ans qui se distingue en patinant avec une jupe courte. Herma von Szabo-Planck réussit à se classer première à l’issue des figures libres et imposées.

Cet exploit sera réédité en 1968, lors des Jeux de Grenoble, par Peggy Fleming, représentante des États-Unis. Szabo-Planck est la nouvelle reine du patinage, mais déjà les spectateurs et les spécialistes du patinage ont repéré une toute jeune fille de onze ans. La plus jeune de toutes les compétitions. Elle s’appelle Sonja Henie, elle se classera dernière de l’épreuve et seule représentante d’un pays du Nord, la Norvège. Trois années plus tard, elle passera de la dernière place à Chamonix à la première au Championnat du monde. Devant le succès remporté par Szabo-Planck, une « petite reine » naissait, Sonja Henie.

À l’issue de la Semaine internationale des sports d’hiver, la Norvège trône à la première place du classement officieux des nations avec dix-sept médailles dont quatre d’or, sept d’argent et six de bronze. Elle est suivie par la Finlande (dix médailles) et l’Autriche (trois médailles). Lors de ces premiers Jeux d’hiver, la France prouve qu’elle est une grande nation de neige tout comme la Norvège, la Finlande et la Suède. Pour que le reste du monde soit conquis par l’événement, le Comité olympique français n’hésite pas à sélectionner des athlètes qui n’ont pas eu une préparation suffisante pour participer à ces Jeux. Ainsi, la France se présente avec plus d’une quarantaine d’athlètes, mais seul le couple Joly et Brunet parvient à décrocher une médaille.

Devant le succès remporté par cette Semaine internationale des sports d’hiver, le CIO, quelques mois après, à Prague, officialisera cette semaine comme premiers Jeux olympiques d’hiver. Les pays du Nord se rangèrent derrière l’avis du CIO et de son président, Pierre de Coubertin. Ils venaient, il est vrai, de remporter un vif succès en se classant aux trois premières places des nations. Ces Jeux sont une grande victoire pour les sports d’hiver et pour leur reconnaissance sur la scène internationale. C’est la même année que la Fédération internationale de ski (FIS) est créée.

Grande victoire pour les sports d’hiver, mais également pour Chamonix qui a prouvé sa capacité d’accueil, de moyens et d’enneigement, et qui peut ainsi rivaliser avec les autres grandes stations de montagne, comme Saint-Moritz. Cependant, c’est avec l’abandon des Jeux du Nord, en 1926, que la reconnaissance aura véritablement lieu. »

Extraits publiés avec l’autorisation des Editions Désiris

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Eric Monnin est maître de conférences à l’Université de Franche-Comté, docteur en sociologie, agrégé d’éducation physique et ancien judoka. Il est l’auteur de De Chamonix à Sotchi, un siècle d’olympisme en hiver, Éditions Désiris, 2013. Il a reçu en 2013 la médaille Pierre de Coubertin des mains de Jacques Rogge, président du Comité International olympique (CIO).

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