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Accord de défense franco-malien: du néo-colonialisme en règle?

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Le 20 janvier dernier, un accord de défense franco-malien aurait pu être signé entre les deux pays. En effet, le président Ibrahim Boubacar Keita et les autorités françaises s’étaient mises d’accord pour parvenir à la conclusion d’un partenariat de défense, un an quasiment jour pour jour après le début de l’Opération Serval au Mali.

Ibrahim Boubacar Keita revient sur la signature de l’accord

C’est dans le silence le plus total que les termes de cet accord ont été conclus. Pourtant, ce 20 janvier aucun partenariat n’a finalement été signé et face à la pression populaire, le président malien a été obligé de reporter la date de cette cérémonie.

En fait, depuis l’annonce de cette signature, les organisations de la société civile et politique n’ont pas cessé de dénoncer cette initiative du gouvernement qu’elles considèrent comme étant une prérogative du Parlement.

Mais derrière cette formalité, qui devrait être réglée dans la mesure où le report de cette date devrait permettre aux élus maliens de se pencher sur la question, c’est le contenu même de cet accord qui n’est pas digéré par la population malienne.

« Paris agira selon ses besoins »

Dans une tribune parue sur Slate Afrique, l’écrivain Boubacar Boris Diop se fait le témoin ce ce mécontentement. Selon lui, cet accord franco-malien marque tout simplement un « grave retour en arrière sur le plan de l’indépendance et de la souveraineté maliennes ».

En effet, selon les termes de cet accord, dont certains aspects ont été retranscrits dans le quotidien Le Monde, le partenariat de défense entre les deux pays permettrait à la France d’agir selon son bon vouloir sur le sol malien.

« Paris agira selon ses besoins », peut-on lire dans Le Monde. « S’il s’agit officiellement de mieux échanger le renseignement, cela n’ira pas jusqu’à informer au préalable les autorités maliennes des actions entreprises ».

Du néo-colonialisme en règle pour Boubacar Boris Diop qui dénonce un texte indigne et qui s’interroge « de voir un Etat comme la France, donneur de leçons récurrentes de ‘bonne gouvernance’ à la fragile démocratie malienne, faire signer un accord aussi important sans que le Parlement français ne soit consulté ».

« Ironie de l’Histoire, rappelle encore Boubacar Boris Diop, le 20 janvier, date à laquelle devait être signé cet accord, correspond à la commémoration de la journée de l’année 1961 au cours de laquelle le président Modibo Keïta du Mali indépendant avait formellement demandé à la France d’évacuer les bases militaires de Bamako, Kati, Gao et Tessalit. Ce qu’elle a fait, pour mieux revenir 54 ans plus tard ».

Pourquoi les Français sont les seuls à agir ainsi ?

Interrogé à l’occasion du premier anniversaire de l’Opération Serval, Boubacar Boris Diop dénonçait déjà une nouvelle forme de néo-colonialisme « par la force ».

Dans La Gloire des Imposteurs, ouvrage paru à cette occasion, cet écrivain sénégalais interrogeais alors la société française. « J’aimerais que la société française se pose quelques questions sur le fait suivant : jamais l’Angleterre n’est intervenue au Kenya, au Nigeria, au Zimbabwe depuis les indépendances, pas plus que le Portugal dans ses anciennes colonies. La France, avec l’opération Sangaris (en Centrafrique, ndlr), mène sa cinquantième intervention ».

« Il est temps pour les Français de se demander pourquoi ils sont les seuls à agir ainsi », déclarait encore Boubacar Boris Diop. « Il est également temps que la politique africaine de la France devienne un sujet de politique intérieure. Tout le monde se raconte une sorte de fable de la générosité, mais en fait tout ça ne sent que l’uranium et le pétrole ».

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