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Affaire des faux tracts à Hénin-Beaumont: FN 1 – Mélenchon 0?

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Marine Le Pen est citée à comparaître pour « manœuvre frauduleuse » et publication d’un montage sans le consentement de l’intéressé, des délits passibles d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende, ainsi que d’une peine complémentaire de privation des droits civiques, autrement dit d’inéligibilité. A l’origine de l’affaire : la diffusion de deux tracts anonymes visant Jean-Luc Mélenchon, candidat aux législatives dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais, en mai 2012.

JOL Press : Racontez-nous cette affaire des faux tracts, vous qui l’avez révélé au grand jour…

Octave Nitkowski : J’ai reçu l’un de ces tracts un soir, à Hénin-Beaumont, dans ma boîte aux lettres et ce tract m’a immédiatement interpellé parce que, jusque-là, la campagne qui opposait Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, n’était pas encore partie. J’ai donc fait un article sur mon blog le 28 mai 2012. Cette affaire des faux tracts a véritablement lancé la campagne des législatives, a cristallisé les tensions entre les deux camps et a conduit la campagne au paroxysme de la violence, dans les mots et les images.

Sur le tract on pouvait lire une phrase tirée de son discours de Marseille du 14 avril 2012 : « Il n’y a pas d’avenir pour la France sans les Arabes et les Berbères du Maghreb ». Et en dessous : « Votons Mélenchon ! » en français et en arabe. Aux premiers abords, ce papier avait des allures de vrai tract mais, sur la photo, Jean-Luc Mélenchon n’était pas mis en valeur et il paraissait peu probable que le patron du Parti de Gauche utilise des slogans en arabe. Par ailleurs, il n’y avait ni adresse d’imprimerie, ne de logo d’un quelconque parti politique.

JOL Press : Quelle a été, à cette époque, la réaction du Front de gauche et en particulier de Jean-Luc Mélenchon ?

Octave Nitkowski : Le Front de gauche a immédiatement démenti être à l’origine de ce tract et a annoncé qu’il porterait plainte. Mais il faut comprendre que ce tract a provoqué la confusion à Hénin-Beaumont. Beaucoup de gens ont vraiment cru qu’il s’agissait d’un tract de Jean-Luc Mélenchon. Quand, dans mon livre, je parle d’une droite prolétarienne, je dis clairement que la gauche apparait à Hénin-Beaumont comme tellement notabilisé, tellement clientéliste que Marine Le Pen semble la seule à même de représenter le vote ouvrier. Avec ce tract, elle a même réussi à faire passer Jean-Luc Mélenchon pour le candidat du communautarisme et des immigrés et cela n’a pas plu à Hénin-Beaumont.

Jean-Luc Mélenchon ne s’attendait pas à être reçu avec une telle violence, il ne s’imaginait encore moins être évincé dès le premier tour. Pour lui, Hénin-Beaumont reste une défaite psychologique, il se souvient de cette élection avec une amertume profonde. Si au soir de sa défaite au premier tour, il assurait qu’il ne lâcherait rien, aujourd’hui il n’envisage plus jamais revenir à Hénin-Beaumont.

Le bassin minier c’est le bastion du communisme. Quand Jean-Luc Mélenchon a annoncé sa candidature, le Parti communiste n’y était pas favorable parce que, selon eux, venant du PS il n’était pas assez acquis au communisme. Sa défaite au premier tour a provoqué une défaite symbolique des communistes qui ne veulent plus entendre parler de lui.

JOL Press : Quel a été l’impact de ce tract dans les élections ?

Octave Nitkowski : Cette affaire a porté un coup dur à Jean-Luc Mélenchon parce que les habitants d’Hénin-Beaumont qui ne lisent pas la presse, qui ne sont pas forcément des citoyens alertés, n’ont pas perçu la supercherie, même si Marine Le Pen a reconnu, par la suite, l’implication du Front national  dans cette affaire. Il faut reconnaître que d’un point de vue stratégique, le FN a très bien manœuvré.

JOL Press : Le FN assume-t-il toute cette affaire ?

Octave Nitkowski : C’est un peu compliqué. Au début, Steeve Briois déclarait qu’il « ne voyait pas qui avait l’intérêt de faire ce genre de tract », et quelques jours plus tard, le FN avait reconnu en être à l’origine et Marine Le Pen avait dit l’assumer « totalement ».

Si d’un point de vue juridique, cette affaire peut lui nuire, il est clair que d’un point de vue stratégique, l’affaire a été bénéfique. Comme les propos qui apparaissaient sur le tract ont vraiment été tenus par Jean-Luc Mélenchon, Le FN se sent protégé mais le Jean-Luc Mélenchon dénonce un mensonge car il n’est pas l’auteur du tract.

Mais si le FN perd le procès, il restera gagnant dans cette affaire parce que Jean-Luc Mélenchon ne reviendra plus à Hénin-Beaumont. Le traumatisme est trop profond.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

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