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Chine: la pollution atmosphérique, un «facteur de tension socio-politique»

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JOL Press : En Chine, un citoyen a saisi la justice pour ne pas avoir fait diminuer le taux de pollution atmosphérique. Est-ce que cela reflète une prise de conscience de la population ?
 

Jean-Philippe Béja : Cela fait plusieurs années que la question de la pollution est préoccupante en Chine. Dans beaucoup d’endroits du pays, l’eau et les terres sont extrêmement polluées. Les Chinois sont confrontés au problème de la pollution atmosphérique depuis une quinzaine, voir une vingtaine d’années. Mais depuis l’année dernière, lorsqu’il y a eu ce pic de pollution extrême en Chine, le gouvernement s’est trouvé dans l’obligation de donner davantage d’informations à la population. Les gens sont depuis beaucoup plus au courant des risques qu’implique la pollution atmosphérique pour leur santé et sont conscients que ce n’est pas qu’un inconvénient.

Comme il y aussi énormément de problèmes concernant la sécurité alimentaire, tout ce qui fait partie de l’environnement devient aujourd’hui un problème très sérieux en Chine.

JOL Press : Vous vivez en Chine, à Pékin. Pouvez-vous décrire la situation sur place ?
 

Jean-Philippe Béja : La situation est absolument atroce depuis ces six derniers jours. Il y a eu cette réaction ridicule de la télévision centrale a dit que la pollution développait le « sens de l’humour » des Chinois. Cela a provoqué un tollé sur la toile. Une pétition circule pour exhorter la distribution de masques aux travailleurs de l’extérieur, qui sont en dehors de Pékin.

JOL Press : La pollution est-elle devenue un enjeu politique en Chine aujourd’hui ?
 

Jean-Philippe Béja :  L’enjeu politique de la pollution ne date pas d’hier, lorsqu’on a vu les paysans se soulever contre la pollution des eaux et des terres. La pollution est aujourd’hui devenue une question centrale. C’est d’autant plus grave que dans une semaine se tiendra la réunion des deux assemblées : l’assemblée nationale populaire et l’assemblée consultative du peuple. Sans faire de mauvaise plaisanterie, le rêve chinois est largement « pollué ». Les autorités s’inquiètent parce que la pollution est un problème qui touche toutes les catégories sociales : cela affecte aujourd’hui les paysans, les ouvriers, mais aussi les classes moyennes et supérieures.  Les autorités n’arrivent pas à résoudre le problème, qui est devenu aujourd’hui un facteur de tension socio-politique.

JOL Press : Comment les Chinois font face à ces pics de pollution ?
 

Jean-Philippe Béja : Il y a toujours eu toujours des ventes de masques à Pékin, pour faire face aux tempêtes de sable. Mais aujourd’hui, les Chinois achètent des masques filtrants pour ne pas respirer l’air pollué. De plus en plus de personnes en portent dans la rue. Les Chinois ont aussi recours aux purificateurs d’air: mais ces appareils qui coûtent chers – autour de 200 euros – , donc tout le monde ne peut pas se le permette.

JOL Press :  Les Chinois ne sont donc pas tous égaux face à cet « airpocalypse » ?
 

Jean-Philippe Béja : En effet, la pollution est devenue un facteur d’inégalités.  Les gens qui ont les moyens peuvent respirer un air meilleur contrairement à ceux qui doivent travailler à l’extérieur. C’est une cause de récrimination dans la population. Mercredi 26 février, les citoyens ont eu beaucoup de mal à trouver des masques filtrants dans les pharmacies. Aujourd’hui, la situation c’est un peu améliorée mais cela va recommencer, tout le monde le sait.

JOL Press : Comment peut-on expliquer l’ampleur de la pollution en Chine ? Est-elle uniquement liée à l’industrialisation massive ?
 

Jean-Philippe Béja : Oui l’industrialisation, mais aussi le chauffage et les voitures…tout un ensemble de facteurs. On a délocalisé toutes les grosses usines polluantes qui étaient à Pékin, et malgré cela, un tiers de la Chine était sous une épaisse couche de pollution insuppportable. L’industrialisation est en effet largement responsable, mais la solution n’est pas simple à trouver…

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