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Claude Bartolone a-t-il le profil d’un bon Premier ministre?

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Selon le quotidien l’Opinion, l’actuel Premier ministre pourrait être remplacé par le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, afin de créer un choc psychologique et remobiliser l’électorat de gauche avant les municipales. Si l’information n’a été ni confirmée ni démentie par les principaux intéressés, il n’est pas interdit de nous intéresser au parcours, au profil et au réseau de cet éventuel prétendent à Matignon.

JOL Press : Quels sont les atouts de Claude Bartolone ?

Gérard Leclerc : Claude Bartolone est avant tout un homme de gauche  qui connaît très bien le parti socialiste. Son histoire est un exemple de méritocratie républicaine : c’est grâce à l’école qu’il a acquis des diplômes et fait sa carrière politique au sein du PS. Il a longtemps été le fidèle de Laurent Fabius et fait partie de ceux qui ont beaucoup œuvré pour l’implantation des socialistes en Seine-Saint-Denis, en récupérant les villes les unes après les autres aux mains des communistes pour arriver au Conseil général dont il a été le président avant d’arriver à l’Assemblée.

C’est un homme politique efficace qui a de l’autorité et qui, tout en étant socialiste, sait être consensuel. Les députés sont dans leur ensemble d’accord pour dire qu’à l’Assemblée il laisse toute sa place à l’opposition.

JOL Press : Certains lui reprochent d’être trop ambitieux. Qu’en est-il ?

Gérard Leclerc : Il est certain que c’est un homme ambitieux mais quand vous faîtes de la politique à ce niveau-là, en général, vous l’êtes. Il est ambitieux et ne s’en cache pas, il fait partie de ceux qui n’ont pas peur de dire qu’ils seraient heureux d’arriver un jour à Matignon, et ce malgré son peu d’expérience ministérielle. Il a été un temps ministre de la Ville, sous Lionel Jospin, mais n’a jamais été à la tête de grand ministère. Cela ne lui empêche pas de croire qu’il a les compétences et les capacités pour être un bon Premier ministre.

Il a été pendant longtemps un « porte-flingue » de Laurent Fabius, l’organisateur du courant de Laurent Fabius, puis il a décidé de voler de ses propres ailes et a pris des distances avec son mentor pour gagner en autonomie.

JOL Press : Quels sont ses amis ou ses fidèles au sein du PS ?

Gérard Leclerc : Il n’a pas véritablement de courant au Parti socialiste, il a des amis, des réseaux, il connaît beaucoup de gens. Quand vous êtres président de l’Assemblée nationale, vous avez des liens directs avec un grand nombre d’élus. Mais sa principale force de frappe, il la puise en Seine-Saint-Denis où il a lancé la plupart des jeunes élus qui sont allés gagner des mairies communistes.

Au départ, c’est lui qui a mis en œuvre une vraie stratégie de conquête de ce département qui appartenait à la « ceinture rouge ». Il a commencé par la mairie des Lilas, puis il a lancé, de façon très organisée, ses « jeunes pousses » dans les villes mais aussi dans les circonscriptions de Seine-Saint-Denis. Il a, par exemple, fait battre Patrick Braouezec, député-maire communiste de Saint-Denis, qui était une figure locale.

JOL Press : On l’a vu s’opposer à la publication du patrimoine des élus ou rappeler à la gauche ses valeurs dans l’affaire Leonarda. Est-il assez lisse et docile pour être un bon Premier ministre ?

Gérard Leclerc : C’est une vraie interrogation. Il a, en effet, sur la transparence pris la défense des parlementaires en disant qu’il craignait que cette loi entraîne des suspicions ou du voyeurisme, et on peut imaginer que son opposition a pu agacer François Hollande qui était à l’origine du projet de loi. Mais dans le sens inverse, on peut aussi penser que sa prise de position l’a distingué car il a dit tout haut ce que pensait un grand nombre de députés de la majorité comme de l’opposition. Il a donc consolidé sa popularité et la confiance que les élus peuvent avoir en lui.

Quand, en avril 2013, il appelait à la « confrontation » avec Angela Merkel, estimant que la politique de rigueur européenne faisait le lit du populisme, il ne cadrait pas avec la politique du gouvernement mais là encore son intervention avait été saluée par un grand nombre de parlementaires à gauche qui s’inquiétaient des effets d’une rigueur trop forte en France.

En se positionnant sur ces sujets, il renforce sa position, sa popularité et l’idée qu’il sait se démarquer vis-à-vis du gouvernement mais il prend aussi le risque de mettre en difficulté le gouvernement et le chef de l’Etat.

JOL Press : Quel est aujourd’hui l’état des relations qu’il a avec François Hollande ?

Gérard Leclerc : Les temps sont très durs pour les socialistes donc personne n’a intérêt à creuser les divisions. Le poste de président de l’Assemblée est un poste très important, Claude Bartolone fait donc partie du petit groupe – avec le président du groupe socialiste, Bruno Le Roux, et le président du Sénat, Jean-Pierre Bel – qui voit le président de la République régulièrement.

Claude Bartolone n’est pas un hollandais comme peut l’être Jean-Yves Le Drian, Michel Sapin ou Stéphane Le Foll, il était au départ fabiusien puis il a été membre de l’équipe du « Pacte Présidentiel » de la campagne de Ségolène Royal en 2007 et l’un des principaux soutiens de la candidature de Martine Aubry en 2008. Il a malgré tout fait campagne au côté de François Hollande pendant la présidentielle. Si les deux hommes ne sont pas très proches, il est malgré tout une pièce maîtresse dans la majorité.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Gérard Leclerc, rédacteur en chef à France 3, est l’auteur, notamment, de La Guerre des deux roses (La Table ronde, 2006), ainsi que d’un livre d’entretien avec Claude Bartolone : Une élection imperdable (L’Archipel – juin 2007).

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