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Croissance en hausse : se dirige-t-on vers une vraie reprise?

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Sur l’ensemble de l’année 2013, le pays a affiché une croissance de 0,3%, selon l’Insee (Crédit : shutterstock.com) 

La croissance économique en France a été de 0,3% en 2013, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques. L’Insee prévoyait en décembre une croissance moyenne du produit intérieur brut l’an dernier de 0,2% mais a revu en hausse l’évolution du PIB aux premier et troisième trimestres, passant d’une baisse de 0,1% à une stagnation. En revanche, la croissance a été plus faible qu’attendu au quatrième trimestre (0,3% au lieu de 0,4%).

Analyse de ces chiffres avec avec Christophe Blot, directeur adjoint au Département analyse et prévision à l’OFCE. Entretien.

JOL Press : Sur l’ensemble de l’année 2013, la France affiche une croissance de 0,3%, selon l’Insee. Pouvait-on s’y attendre ?

Christophe Blot : Cette croissance positive confirme l’idée que l’économie française est sortie de la récession et qu’elle emprunte un chemin de reprise. Ce chiffre n’est pas forcément une grande surprise car un certain nombre d’indicateurs, qui cherchent à prévoir, à court terme, les évolutions de croissance, avaient annoncé cette embellie pour septembre et octobre 2013.

JOL Press : Qu’est-ce qui a pu encourager cette croissance ?

Christophe Blot : Quand on regarde les composantes de cette croissance, on voit que la consommation des ménages a été relativement dynamique puisqu’elle a crû de 0,5% sur ce trimestre mais ce qui plus important encore, c’est l’investissement. Jusqu’ici l’investissement des entreprises avait été fortement négatif, pendant plusieurs trimestres, et nous constatons aujourd’hui un rebond de l’investissement des sociétés non financières. C’est un élément assez important puisque la panne de l’investissement était assez importante dans cette phase de stagnation et de récession de l’économie française. La reprise de l’investissement, qui est pour le coup un peu plus rapide que celle que nous avions anticipée, peut être considérée comme un facteur de bonnes nouvelles.

JOL Press : Comment peut-on expliquer ce regain d’investissement des entreprises ?

Christophe Blot : Les taux d’utilisation des capacités de production (machines et équipements) étant assez bas, les entreprises peuvent être incitées à renouveler un certain nombre de capacités de production. La demande mondiale a pu être un peu plus dynamique que prévu et a pu entraîner un cercle vertueux. Les entreprises ont pu investir et ainsi stimuler la croissance.

JOL Press : La politique plus généreuse à l’égard des entreprises mise en place par le gouvernement a-t-elle porté ses fruits ?

Christophe Blot : Il est probablement encore un peu tôt pour évaluer ces effets-là. Ce ne sont pour le moment que des effets d’annonce qui visent à réduire le coût du travail sur les charges sociales. On attend, de ce côté, davantage d’effets sur la compétitivité des entreprises qui peut effectivement les inciter à investir mais il est trop tôt pour considérer que l’annonce du pacte de responsabilité, par exemple, a eu un impact dès le quatrième trimestre.

JOL Press : Comment peut-on expliquer le rebond de la consommation des ménages ?

Christophe Blot : Il faudrait voir dans le détail ce qu’il y a derrière cette consommation des ménages, nous n’avons pas encore les composantes précises pour comprendre. Un élément moteur peut être l’anticipation de la hausse de la TVA qui a pu pousser les ménages à faire un certain nombre d’achats. On peut aussi mettre ce rebond sur le compte d’une augmentation de la consommation énergétique en cette fin d’année.

JOL Press : Cette croissance est-elle vouée à se prolonger ou est-elle conjoncturelle ?

Christophe Blot : Il semble que ce mouvement de reprise va se confirmer au cours de l’année 2014 à un rythme assez modéré. Avec ce 0,3% de croissance, on est probablement dans la zone de croissance qu’on anticipe pour 2014.

JOL Press : Que faire aujourd’hui pour consolider cette croissance ?

Christophe Blot : Un élément assez important a pesé sur la croissance depuis 2011 : la politique budgétaire d’austérité menée dans l’ensemble de la zone euro. Cette austérité a tendance à s’atténuer mais elle est toujours présente. Pour éviter d’étouffer la croissance, il ne faut pas renforcer l’austérité au cas où les cibles de déficits budgétaires ne seraient pas atteintes. Par ailleurs, il faut, dans le contexte européen, un soutien de la politique monétaire plus franc, plus massif qui permettrait d’améliorer les perspectives de croissance en France et dans l’ensemble de la zone euro.

JOL Press : Quand peut-on espérer un vrai retour de la croissance ?

Christophe Blot : C’est la grande question. On n’entrevoit pas encore de vrai retour à la croissance. Elle va revenir mais elle encore trop modérée pour espérer une vraie reprise dynamique qui débouche sur une baisse du chômage massive. Nos rythmes de croissance sont encore trop faibles pour pouvoir vraiment accélérer la baisse du chômage qui est l’élément fondamental pour que l’on puisse avoir une vraie reprise.

JOL Press : Comment se matérialiserait une vraie reprise ?

Christophe Blot : Il faudrait une croissance à 1,5% sur l’année pour considérer que la croissance est vraiment de retour. On n’est pas loin mais on n’y est pas encore. Ce n’est que passé ce seuil que nous aurons une baisse rapide du chômage.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Christophe Blot est directeur adjoint au Département analyse et prévision à l’OFCE. Ses thèmes de recherche actuels touchent au commerce extérieur, à la crise financière et à la politique monétaire.

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