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En Argentine, une prison où mères et enfants cohabitent

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En Argentine, depuis une dizaine d’années, les femmes peuvent purger leurs peines en compagnie de leurs enfants de moins de quatre ans. (Crédit : Shutterstock)

Créée en 1999, l’unité de Los Hornos, a été aménagée pour permettre l’accueil de ces enfants, mais les conditions de vie restent celles d’une prison, qu’a pu visiter Jean-Jérôme Destouches, photo-reporter et journaliste qui livre son expérience entre ces murs dans un reportage publié sur TV5 Monde.

Une prison pour mères et enfants

Dans cette prison, plus d’enfants que de détenues puisque 45 mères sont entourées de leurs 51 enfants. Parmi elles, la moitié attendent également un bébé. Si ces enfants vivent chaque journée dans cette prison, certains voient parfois la lumière du monde extérieur et peuvent quitter leur environnement le temps d’un week end ou de quelques jours.

Malgré ce régime de semi-liberté, les enfants qui sortent de l’univers carcéral, au terme de plusieurs années passées entre quatre murs, témoignent souvent d’un retard psychologique qui a alerté Jean-Jérôme Destouches.

« La plupart des enfants ne connaissent rien du monde extérieur. Rares sont ceux qui ont la chance de se rendre les week-ends dans la maison d’un membre de leur famille », explique ainsi le journaliste dans son reportage. « Ils développent ainsi de sérieux problèmes de retard mental, souffrent d’une perception de la vie extérieure très limitée et développent un langage inadapté et incompréhensible à l’extérieur ».

Ce dialecte porte même un nom : « Tumbero », ce qui signifie « la tombe ». « Ainsi, la nourriture se dit « rancho » (gamelle), les sacs de vêtements s’appellent « mono » (singe) », raconte Jean-Jérôme Destouches.

Un désir d’enfants

Dans l’unité 33, les enfants servent également de rempart à l’angoisse. « Si la loi argentine les autorise à emmener jusqu’à trois de leurs enfants en cas d’incarcération, elle leur permet aussi d’avoir des relations sexuelles à l’intérieur de la prison », raconte le journaliste.

« Le sentiment de solitude, le désir de compagnie lié à l’enfermement et la recherche d’un sens dans leur vie carcérale, poussent beaucoup d’entre elles à désirer un enfant », note-t-il encore, se souvenant du cas de Monica, 20 ans, « incarcérée depuis un an dans l’attente d’un procès pour vol à main armée », qui témoigne de l’importance que revêt sa maternité pour supporter la prison. « Mon fils m’a fait oublier la tôle, c’est mon compagnon. Il est tout pour moi ».

Après leurs quatre ans, les enfants doivent quitter les murs de cette prison, même si leur mère doit encore purger quelques mois ou quelques années. Jean-Jérôme Destouches cite le cas de Paula, 35 ans, qui témoigne de ses difficultés à laisser partir son enfant.

« Le plus compliqué, a été pour mon bébé », raconte-t-elle. « Elle avait l’habitude de dormir avec moi dans le même lit. Nous n’avions jamais été séparées plus d’un week-end ».

Que deviennent ces enfants ?

Pour le journaliste observateur de cette vie entre quelques murs, de nombreuses questions restent encore en suspens.

« Ce qui m’a interpellé lors de mon enquête, c’est que je me suis rendu compte qu’après avoir fêté leurs 4 ans, quand les enfants sortent, on ne sait absolument pas ce qu’il advient d’eux », témoigne-t-il pour TV5 Monde. « On ne sait pas comment ils évoluent et on ne sait pas quel type d’adolescents et d’adultes ils seront demain ».

Désormais, Jean-Jérôme Destouches va tenter de poursuivre son enquête sur le terrain, et dans les bidonvilles dont sont issues la plupart de ces mères, afin de pouvoir répondre à cette question.

> Lu sur TV5 Monde

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