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Excision: «Des conséquences sur tous les aspects de la féminité»

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JOL Press : Combien de femmes sont concernées par l’excision dans le monde? Dans quels pays la situation est-elle la plus préoccupante ?  
 

Pierre Foldes : Effectivement, l’excision est toujours pratiquée, même si ces mutilations commencent à diminuer dans certaines zones. C’est un sujet toujours actuel pour lequel nous sommes en lutte. Environ 140 millions de femmes sont concernées dans 70 pays du monde. Certains pays affichent des chiffres effrayants de cas d’excisions comme l’Egypte, le Soudan, la Somalie, l’Erythrée, ainsi que des pays de l’Afrique de l’Ouest mais également l’Indonésie, du centre de l’Inde, des pays de l’Amérique centrale et des pays d’immigration en Europe et aux Etats-Unis.  

JOL Press : L’excision est-elle encore un sujet tabou ? Est-ce que les mentalités changent concernant l’excision ?
 

Frédérique Martz :  Lorsqu’on parle de la mentalité au niveau d’un pays dans sa globalité, il existe beaucoup d’enjeux : qu’il s’agisse du système de prévention, d’éducation, de sensibilisation, voire de politique du pays. Aujourd’hui ce n’est pas un sujet tabou, car de nombreuses conférences sont organisées, même en France, mais c’est surtout la manière dont chacun appréhende l’excision qui doit être observée.  

Aujourd’hui lorsque les Européens pensent àl’excision, il y a une confusion terrible : ils l’envisagent comme quelque chose de très curieux, comme une pratique liée à la religion. Lorsque vous parlez de l’excision à un Africain, c’est quelque chose que l’on ne peut pas aborder comme une chose à bannir, sans y réfléchir, car il y a quelque chose de noble derrière. Pierre Foldes remet la médecine au centre de cette discussion en disant que cela ne peut pas être tabou car la médecine à bien prouvé que cette pratique était dangereuse pour la santé.

JOL Press : En France, y-a-t-il des excisions clandestines ? Quelles sont les sanctions ?  
 

Pierre Foldes : La criminalisation et l’action militante contre l’excision ont permis de faire reculer le nombre d’excisions en France, mais il reste du chemin à parcourir.

JOL Press : Comment expliquer la confusion qui existe entre l’excision et la religion ? 
 

Frédérique Martz : Il y a un amalgame complet qui ressort de façon majoritaire. Quelqu’un qui ignore ce qu’est l’excision, pense que c’est une pratique religieuse et généralement musulmane. Mais les Africaines expliquent de façon très claire, que l’excision n’est d’abord pas répandue dans tous les pays d’Afrique, et qu’elle n’est pas pratiquée par une religion mais par toutes les religions. Ces mutilations sexuelles sont liées à des pratiques géo localisées, mais jamais religieuses. Ces femmes sont stigmatisées par la présence de mouvements religieux, mais cela n’a rien avoir avec la pratique religieuse elle-même. Il est important de lutter contre ce regard stigmatisant de l’Africaine excisée.

JOL Press : Faut-il permettre la transition vers des formes plus « modérées » de mutilations génitales  ?
 

Pierre Foldes : Absolument pas. Même l’acte symbolique induit des impacts tout à fait délétères sur la santé de la femme. On ne doit pas toucher au sexe de la femme, un point c’est tout.

JOL Press: Quel est l’impact de ces pratiques sur la santé physique et psychologique des femmes mutilées  ?
 

Frédérique Martz : La science aujourd’hui a fait avancer les lignes sur le sujet car elle a pu apporter des nouvelles données et a pu prouver que la reconstruction avait un impact sur la femme. Il y a une vraie fragilité et vulnérabilité chez les femmes excisées: elles sont dans la quête d’un organe à retrouver et à remettre en place, sans savoir finalement si cet organe est essentiel. Après l’opération, elles ont une révélation et découvrent ce qu’est le plaisir sexuel.

L’intervention qui consiste à remettre le clitoris à la bonne place n’est pas liée nécessairement à cette quête de plaisir. Généralement, elles expriment la volonté d’ « être entière »… C’est un terme assez fort : c’est un peu comme un membre fantôme, comme lorsque quelqu’un a été amputé. Elles ont ce même sentiment.

Pierre Foldes : Ces femmes peuvent souffrir de dégâts psychologiques très importants. Il y a bien sûr l’aspect sexuel car elles peuvent être amputées de toutes possibilités de plaisir, et sont confrontées a une impossibilité d’atteindre l’orgasme. La fermeture de la vulve peut rendre les rapports problématiques voire douloureux, et entraine des conséquences sur l’obstétrique en rendant l’accouchement plus difficile. Les conséquences sont donc nombreuses et touchent pratiquement tous les aspects de la féminité.

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