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«Facebook a montré sa capacité à exploiter sa base de données»

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JOL Press : Facebook pèse aujourd’hui plus de 150 milliards de dollars. D’où viennent la majorité des revenus de l’entreprise ?
 

Alexandre des Isnards : Facebook a plusieurs sources de revenus, mais la principale est liée à une sorte de péage des applications hébergées sur Facebook, comme Farmville. La publicité ciblée qui apparaît sur la colonne de droite de notre profil ou de notre fil d’actualité est également une source de revenus importante. Les marques y ont recours car les internautes donnent leur avis, fournissent leurs données personnelles qui seront récupérées et qui permettront à Facebook de proposer très facilement une publicité ciblée.

Les bannières publicitaires, moins ciblées, sont quant à elles présentes sur les portails éditoriaux. Elles peuvent être liées à un achat à la performance : on achète un certain nombre de « like », ou à l’achat au nombre d’impression , c’est à dire l’apparition de la publicité sur le site: tant qu’il n’y a pas eu un certain nombre de clics, la publicité continue à apparaître, ce qui est très avantageux pour les annonceurs.

JOL Press : Quelle est la force de Facebook ?
 

Alexandre des Isnards : La force de Facebook, c’est d’abord cette capacité à cibler. Facebook est le plus gros CRM (Customers Relationship Management): c’est un outil de base de données. Les utilisateurs donnent d’eux-mêmes  des informations personnelles, de façon volontaire. Le génie de Mark Zuckerberg a été d’avoir su installer d’abord cette ambiance « entre soi » sans publicité sur le réseau social de 2004 à 2007, puis d’introduire progressivement des publicités sur le site de manière non intrusive en accompagnant les gens.

La plupart des marques présentes sur Facebook sont des marques récréatives : les pages qui rencontrent le plus grand succès en France, sont « Oasis », « Monoprix », « Crêpes Nutella », et non de « Gan assurance ». Animées par des community manager, ces pages s’insèrent très bien sur ce réseau social. Les gens sont tout à fait enclins à avoir des marques qu’ils apprécient autour d’eux : on affiche ses goûts pour une marque autant que pour une série télévisée ou que pour un homme politique.  La force du réseau social est de respecter l’accord de l’internaute et de lui permettre d’avoir le dernier geste.

JOL Press: Quelles sont les limites du business model de Facebook ?
 

Alexandre des Isnards :  A force de rechercher du « like », cela peut engendrer un effet de manipulation : les gens savent que les « like » sont très importants et sont devenus des sortes d’indicateurs de bonne santé, et par conséquent n’y croient plus vraiment. Les « like » vont perdre en qualité et en authenticité, surtout qu’il existe de plus en plus de techniques pour booster le nombre de « like », les marques ont la possibilité d’acheter des « like » pour favoriser leur exposition. Les internautes vont sûrement se dire que tout cela n’est qu’une vaste opération marketing. Cela se voit déjà entre les gens sur Facebook : nous devenons des « traders de like » : il y a un phénomène de  transactions de reconnaissance sur le réseau social : « tu me likes, donc je te like ». 

JOL Press : Le phishing et le caractère intrusif des publicités ne risquent-ils pas de faire fuir les utilisateurs ?
 

Alexandre des Isnards : Il me semble que Mark Zuckerberg a réussi pendant longtemps à mettre la publicité en périphérie sur Facebook. Récemment, on aperçoit que de plus en plus de pubs ou des liens liés à la marque qui s’intercalent dans le fil d’actualité. Cette intrusion sur le fil d’actualité et la multiplication des spams sont également un signe de faiblesse de Facebook et risquent d’agacer les membres.

N’est-il pas en train de tuer de ce qu’il avait réussi à préserver jusque-là ? De 2004 à 2007, il n’y avait en effet aucune publicité sur le site. Le pari et le génie de Marck Zuckerberg étaient de résister au tour de force des investisseurs en installant une ambiance dans un endroit « cool », sans publicité. Les investisseurs se demandaient d’ailleurs à l’époque quand est-ce qu’il allait commencer à monétiser cette audience ! Mais s’il avait rentabilisé dès le départ son réseau social, les gens n’auraient pas ce sentiment d’« entre-soi » –  sans être espionné par les marques – qui est à la racine du succès de Facebook. 

JOL Press: L’introduction en Bourse de Facebook en mai 2012 a tourné au désastre. Comment l’entreprise américaine at-elle surmonté cette entrée en bourse catastrophique ?
 

Alexandre des Isnards : Facebook a su montrer sa capacité à exploiter sa base de données. Le défi n’était pas uniquement de récolter de la data, mais également de savoir ce qu’il fallait en faire. Depuis l’introduction en bourse de Facebook, on sait que cette data vaut chère. Aujourd’hui, la matière première du réseau social c’est la base de données.

Il y a longtemps eu cette impression que Facebook était fondé sur du vent: à l’époque, les gens n’étaient pas persuadés qu’on pouvait tirer quelque chose de cette immense base de données qui était comme un espèce de magma dont on ne savait pas quoi faire. Depuis, des progrès ont été faits sur le big data

JOL Press : Au départ réservé aux informations intimes des membres, Facebook a progressivement développé des pages pour les personnalités, entreprises, ou associations. Pour continuer à exister, le réseau social doit-il encore évoluer ?
 

Alexandre des Isnards : La prochaine étape de cette « mutation » du réseau social pourrait porter sur sa transformation en un immense annuaire téléphonique mais sans numéros de téléphone. Facebook prospecterait avec les compagnies téléphoniques, pour que les utilisateurs n’aient plus qu’à cliquer sur le nom ou la photo de leurs amis sur leur smartphone pour leur téléphoner.  

Cette hypothèse a en tout cas été longtemps évoquée. Facebook essaie également d’intégrer dans sa galaxie les différentes propositions de réseaux sociaux : dès qu’un réseau social novateur fait son apparition sur la toile, il essaie de l’acheter. Snapchat a récemment refuser les milliards de dollars proposés par Facebook. 

Propos recueillis par Louise Michel D. pour JOL Press

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