Site icon La Revue Internationale

François Hollande au Nigeria: un pas vers l’Afrique anglophone?

[image:1,l]

JOL Press : François Hollande est en visite au Nigeria pour deux jours. C’est la deuxième fois seulement qu’un président français se rend dans ce pays. Que révèle cette visite de la politique africaine que veut mener le président français ?
 

Roland Marchal : Par certains aspects, cette visite indique que la politique africaine de François Hollande est sans doute plus réaliste que celle de certains de ses précédesseurs. La France a de nombreux et importants intérêts  au Nigéria, en tout premier lieu dans le domaine pétrolier.

Ce pays est également très influent au niveau régional et de ce point de vue, cette visite est incontestablement une bonne initiative.

JOL Press : Au niveau régional, le Nigeria est un pays véritablement central. La France a-t-elle tout intérêt à s’en faire un solide allié ?
 

Roland Marchal : Le Nigéria a un marché intérieur sans commune mesure avec les pays qui l’entourent. Sa population – bien qu’aucun chiffre ne soit diffusé officiellement – est d’environ 170 millions d’habitants, par sa puissance économique le Nigéria génère également toute une série d’influences dans la région. Dans le débat continental, le Nigéria est un pays qui compte. C’est un pays dont la voix ne ploie pas face à l’Afrique du Sud par exemple.Pour toutes ces raisons, il est bienvenu de se rendre sur place et d’essayer d’entretenir des relations avec les Nigérians. 

Certes, le Nigéria est également une source de troubles dans la région, notamment à cause des attaques menées par la secte islamique Boko Haram au nord du pays et qui ont des répercussions sur les pays voisins. Ce pays n’a pas non plus un régime idéal et il y a sans doute de nombreux problèmes de gouvernance à soulever au Nigéria. Malgré tout, il s’agit d’un très grand pays d’Afrique, une grande puissance.

Cette visite permet également aux Français de sortir de leur pré carré africain. Pour des raisons qui sont moins liées au président français qu’à l’histoire et aux milieux d’affaires français, la France peine à sortir de son périmètre colonial. Il est évidement positif de voir que les choses changent.

Le Nigéria et la France ont également des problèmes en commun. Les Nigérians se battent contre la secte islamiste Boko Haram. Pensez-vous que la France et le Nigéria aurait intérêt à davantage unir leurs forces pour combattre le terrorisme dans la région ?
 

Roland Marchal : La France ne serait certainement pas le premier pays à faire une offre de services. Le Nigéria est un pays extrêmement nationaliste. Les Etats-Unis ont eux-mêmes déjà émis des offres de services, mais à plusieurs reprises celles-ci ont tourné court car  les Nigérians ont considéré qu’il s’agissait  pour eux d’une ingérence dans des affaires intérieures. Dès que les Américains se sont montrés un peu trop critiques ou directifs, certains programmes de coopération militaire ou anti-terroriste ont été interrompus.

Les Français tenteront évidemment leur chance mais ils ne se font sans doute pas beaucoup d’illusions sur leurs capacités à supplanter les acteurs de coopération sécuritaires traditionnels que sont les Américains en premier lieu et également les Britanniques.

JOL Press : Le Nigeria est une puissance économique incontestable. Doit-on s’attendre à de nouveaux partenariats franco-nigérians ?
 

Roland Marchal : Les investissements français réalisés au Nigéria sont avant tout pétroliers. Sur place, la France fait face à une concurrence rude, notamment de pays émergents tels que la Chine ou l’Inde. Les Français essaient bien entendu de conquérir des parts de ce marché gigantesque mais il est peu envisageable que des avancées substantielles se fassent rapidement, lors d’un voyage présidentiel surtout.

Cependant, comme dans tout grand pays pétrolier, la polarisation des revenus est très importante. Des classes moyennes et supérieures sont attirées par des biens de consommation de qualité d’un coût significatif. Dans ce secteur la France a véritablement des cartes à jouer. Ce voyage permet aussi de souligner un certain dynamisme des milieux d’affaires français. Une dynamique qui concerne plutôt les grandes entreprises que les moyennes ou petites. Elles cherchent toutes à se tourner davantage vers ces pays.

Cette démarche  des entreprises n’est pas nouvelle mais d’une certaine façon, ce voyage confirme le vif intérêt porté par les acteurs économiques français les plus significatifs vers un pays qui, malgré ses crises internes, reste très attractif. 

Propos recueillis par Sybille de Larocque

Quitter la version mobile