Depuis les années 1970, les comportements infidèles sont de plus en plus courants chez les Français. C’est en tout cas ce que révèle une récente étude de l’Ifop, selon laquelle un homme sur deux (55%) et près d’une femme sur trois (32%) admettent y avoir déjà succombé. Comment expliquer cette progression constante de l’infidélité depuis 40 ans? Éclaircissements de François de Singly, professeur de sociologie à l’université Paris Descartes, spécialisé en sociologie de la famille et de la vie privée.
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JOL Press : Un baiser, un regard… A partir de quand peut-on parler d’infidélité ?
François de Singly : Il existe plusieurs formes d’infidélités, au moins dans les couples hétérosexuels, qui ne peuvent pas être confondues. Schématiquement l’infidélité passagère sans établissement d’une relation ; l’infidélité relationnelle avec l’établissement d’une relation parallèle durable.
JOL Press : Selon les derniers chiffres publiés, l’infidélité serait en progression depuis les années 1970. Comment cela s’explique-t-il ?
François de Singly : Ce qui augmente, c’est la tolérance vis-à-vis de l’infidélité passagère. La fidélité comme valeur c’est la fiabilité d’un engagement entier et durable. Avec les années, les conjoints peuvent fermer les yeux sur un accident, mais n’acceptent pas – sauf accord préalable, qui reste rare – l’engagement dans une relation parallèle. C’est cette modalité qui est un peu mieux tolérée et qui traduit sans doute une légère augmentation.
JOL Press : Peut-on parler d’une « infidélité générationnelle » ? La génération Y est souvent qualifiée de génération zapping : ce phénomène transparait-il dans les relations sentimentales et sexuelles des 18-35 ans ?
François de Singly : C’est une erreur. Les recherches actuelles sur les jeunes couples démontrent que les femmes, surtout, ne veulent pas d’infidélité de leur compagnon. Au contraire lorsque la vie conjugale a duré un certain temps, que certaines routines se sont installées, l’accident infidèle est mieux accepté. Il n’y a pas de génération zapping lorsque le couple s’est déclaré, cela n’interdit pas dans les périodes hors couples d’être totalement zappeur !
JOL Press : Assiste-t-on à une banalisation de l’infidélité avec la multiplication des sites de rencontres extra-conjugales ?
François de Singly : Le commerce de ces sites veut créer un nouveau besoin, et mêle toutes les formes d’infidélité pour nous faire croire que nous changeons de logiciel. Pour l’instant, c’est faux. On le voit avec le Président de la République, avoir une longue relation choque, la plupart des gens pensent qu’il doit rompre. La situation de deux relations menées en parallèle n’est pas du tout idéalisée.
JOL Press: Les hommes et les femmes appréhendent-ils l’infidélité différemment ?
François de Singly : Le refus de la double relation est une norme plus féminine que masculine, mais les hommes n’osent pas en tous cas le dire trop ouvertement à leur conjoint. Les hommes en sont restés à la conception du mariage bourgeois qui tolérait l’infidélité pour les hommes.
JOL Press : Qu’est-ce qui nous pousse à être infidèle ?
François de Singly : La sensation de se sentir libre, le plaisir d’une nouvelle conquête, le goût renouvelé pour le sexe, la satisfaction d’être reconnu encore et encore.
JOL Press : Faut-il avouer son infidélité à son partenaire ?
François de Singly : Ce qui a changé depuis les années post 68, c’est le refus de la transparence si l’infidélité est accidentelle. En revanche, avoir une seconde « vraie » relation n’est pas possible trop longtemps – au-delà d’une période de doute, de bilan -… L’amour exige de l’authenticité.