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La Chine, nid à milliardaires: qui sont les nababs rouges?

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JOL Press : La Chine compte 358 milliardaires en dollars, selon une étude de l’institut de recherche Hurun, basé à Shanghai. Le pays est deuxième derrière les États-Unis qui en dénombrent 481. Et la République populaire a connu la seconde progression la plus forte avec 41 milliardaires supplémentaires en 2013. Comment expliquer ces chiffres?

Jean-Luc Domenach, sinologue : Il y a trois raisons à cela. Tout d’abord, pour qu’il y ait des milliardaires il faut qu’il y ait de la production de richesses. Or, depuis plus de 30 ans, l’économie chinoise progresse entre 7 et 12 % chaque année. Deuxième raison : la Chine a complètement changé d’idéologie. Sous Mao Zedong, elle était gouvernée par l’idée qu’il ne fallait pas accumuler de richesses privées. Aujourd’hui, cette idéologie s’est inversée.

Enfin, la richesse est captée avec une efficacité incroyable par une couche sociale très particulière, composée de ceux qu’on appelle les taizi, les «fils de princes». Ils sont entre 5 000 et 300 000, selon les modes de calcul. Mais leur nombre exact n’a pas vraiment d’importance, car même s’ils n’étaient «que» 5 000, cela resterait important. En Chine, il est presque impossible d’obtenir quoi que ce soit sans passer par cette caste… et sans lui laisser son obole.

JOL Press : Qui sont ces ultra-riches chinois? Comment devient-on milliardaire en Chine?

Jean-Luc Domenach, sinologue : Il existe plusieurs sortes de nababs rouges. La première appartient à la catégorie historique et politique. Il s’agit des fils des grands hommes qui sont placés au bon endroit et rendus indispensables par leur position. La famille de l’ancien Premier ministre Li Peng s’est par exemple spécialisée dans la production et la vente d’électricité. Et je peux vous garantir qu’ils sont efficaces en la matière!

La deuxième catégorie concerne les fils de plus petits dirigeants et qui ont su tirer profit de leur poste de travail. Des maires de petites villes ou des responsables de petits districts ont ainsi fait des opérations immobilières extrêmement juteuses. L’effet boule de neige a ensuite fait de ces gens-là des magnats de l’immobilier.

Et puis il y a les petits génies qui sortent de la glèbe. C’est par exemple le cas de M. Ma, le patron de la filière Alibaba. Il est issu d’une famille urbaine, composée tout de même de petits cadres, mais il s’est fait tout seul. Il ne profite pas du système bureaucratique chinois, il profite simplement de la nouvelle idéologie du pays, de l’ouverture des frontières et du fait qu’actuellement, en Chine, personne ne résiste à l’attrait de l’argent. Résultat, même si M. Ma n’est pas un grand de la Chine, tout le monde s’est courbé devant lui après ses premières grandes opérations.

JOL Press : Les yuans accumulés sont-ils forcément liés à la corruption? Dans quelles proportions?

Jean-Luc Domenach, sinologue : Le constat est simple : il n’y a aucun homme politique chinois qui n’ait pas beaucoup d’argent. Et on ne peut pas imaginer que ces personnalités ne rendent pas de services sans toucher des sommes importantes. Les leaders de l’Empire du Milieu baignent dans la corruption. C’est la raison pour laquelle les plus grandes craintes peuvent être émises à propos de l’avenir de l’économie du pays. C’est aussi pour cela que tant de très riches chinois envoient leur argent à l’étranger : selon les documents recueillis par le Consortium international de journalistes d’investigation (ICIJ), plus de 20 000 clients originaires de Chine ou de Hongkong seraient liés à des compagnies offshore situées dans des paradis fiscaux.

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