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Le Nigeria, nouvel ami douteux de François Hollande

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Le président nigérian est touché par un scandale de corruption touchant le secteur du pétrole. (Crédit : Shutterstock)

François Hollande entame son deuxième jour de visite au Nigéria. Un voyage inédit puisque c’est seulement la deuxième fois qu’un président français se rend dans ce pays. Auparavant, seul Jacques Chirac avait mis les pieds au Nigeria, en 1999. Tous les yeux sont alors rivés sur ce pays, peut-être le plus riche d’Afrique, qui fait figure de nouvel allié fort dans la région. Un allié qui a de nombreux défauts que la France ne tolère pourtant pas ailleurs.

L’homosexualité punie par l’emprisonnement

Le 13 janvier 2014, le Nigeria a promulgué une loi interdisant les unions entre personnes de même sexe et restreignant les droits des homosexuels.

Condamnée par la communauté internationale, largement soutenue au Nigeria, cette loi interdit également les « relations amoureuses » entre personnes de même sexe et l’appartenance à des groupes de défense homosexuels. Un mariage homosexuel est désormais puni de 14 ans de prison, les personnes affichant publiquement leur relation homosexuelle encourent quant à elles 10 ans de prison.

Quelques semaines plus tôt, l’ONG Amnesty International avait estimé que si cette loi était adoptée, elle ferait du Nigeria « une des sociétés les moins tolérantes au monde ».

Le Premier ministre David Cameron avait pour sa part menacé le gouvernement nigérian d’une restriction des aides britanniques, tout comme pour les autres pays qui ne veulent pas aligner les droits des homosexuels à ceux des hétérosexuels.

Les Etats-Unis, par la voix du secrétaire d’Etat John Kerry, avaient critiqué une loi restreignant « dangereusement la liberté d’association, de rassemblement et d’expression des Nigérians ». Selon le secrétaire d’Etat, ce texte « contredit les engagements légaux du Nigeria au niveau international et mine les réformes démocratiques et les protections en matière de droits de l’homme inscrites dans sa constitution de 1999 ».

Etat des lieux de la liberté de la presse

Si le Nigeria fait figure de mauvais élève pour le respect des droits de l’homme, il en est de même en termes de liberté de la presse. Le pays arrive en 115ème position sur 179 selon le dernier classement de l’ONG Reporters sans frontières.

L’association n’a pas hésité à affirmer que ce pays était « l’un des plus dangereux d’Afrique pour les journalistes ».

Selon une enquête menée entre le 24 décembre 2011 et le 24 mars 2012, Reporters sans frontières a mis en évidence « le caractère quasi-quotidien des interpellations de journalistes, agressions de reporters, et blocages dans l’accès et la circulation de l’information ».

Cette étude « témoigne du climat exécrable dans lequel les journalistes exercent leur profession », a encore indiqué l’ONG.

Sur cette période donnée, Reporter sans frontières a recensé «  un meurtre de journaliste, un autre assassinat dont on ne peut établir avec certitude le lien avec la profession de la victime, 9 agressions, 7 arrestations, 3 cas de menaces, 4 cas de confiscation de matériel ou d’effacement de données, 3 cas de blocages dans l’accès à l’information, 3 procédures judiciaires intentées contre des journalistes et médias, une fermeture de centre de presse et un média vandalisé ».

Les forces de l’ordre accusées d’exactions

L’ONG Amnesty International s’en est également pris au Nigeria dans le cadre de sa lutte contre la secte islamiste Boko Haram. Alors que ces terroristes sèment la terreur dans le nord musulman du pays, les forces nigérianes ont été accusées, dans un rapport publié en novembre 2012, d’exactions à l’encontre de la population civile.

Francis Perrin, porte-parole d’Amnesty International France, avait estimé à la sortie de ce rapport que les forces de l’ordre du Nigeria étaient « responsables d’actes de torture, d’exécutions extrajudiciaires, d’incendies volontaires de maisons, de détentions sans procès et de disparitions forcées ».

« Le gouvernement ferme les yeux sur la situation et affirme que face à Boko Haram, ses agents sont obligés ‘d’avoir la main lourde’, cet argument est bien connu mais toujours aussi faux », expliquait encore Francis Perrin.

Pour Amnesty International, le gouvernement fédéral est également responsable de ces exactions. « Il y a un vrai déficit dans l’encadrement des forces de l’ordre. Ces formes de sécurité sont également très peu équipées. Leurs moyens sont dérisoires […] Les policiers comme les militaires sont extrêmement mal payés, ce qui contribue à alimenter des comportements marqués par la corruption », condamnait encore l’ONG, appelant les autorités à « rompre avec la culture d’impunité qui règne et envoyer un message fort à ses agents ».

Scandale et corruption

La corruption au Nigeria a également valu au pays de se retrouver bien en bas de l’index annuel publié par l’ONG Transparency International dans son dernier rapport.

Selon ce classement, le Nigeria serait à la 139ème position sur 174. Un chiffre qui résonne alors même que le président Goodluck Jonathan est pris dans la tourmente à la suite d’un scandale de corruption qui touche le secteur clé du pétrole. La société pétrolière nationale est accusée d’avoir détourné 20 milliards de dollars. Le scandale a pris une tournure encore plus polémique lorsque le gouverneur de la banque centrale, Lamido Sanusi, a été suspendu après avoir commencé à demander des comptes sur ces 20 milliards disparus.

Dans un communiqué publié jeudi 27 février, l’ONG Transparency International a appelé les autorités à ne pas laisser ces actes de corruption impunis. « Pour vaincre la corruption, le Nigeria a besoin d’institutions efficaces et une grande fermeté contre la corruption. Des dispositions plus rigoureuses dans la très attendue nouvelle loi sur le pétrole doivent aider à mettre en place une meilleure transparence et responsabilisation dans le secteur pétrolier du Nigeria pour que les ressources du pays profitent à tous les citoyens ».

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