Site icon La Revue Internationale

Les émeutes au Venezuela pourraient-elles conduire à un coup d’Etat?

[image:1,l]

Des milliers d’étudiants et de militants de l’opposition sont descendus mercredi dans les rues de Caracas et d’autres villes du Venezuela pour protester contre la vie chère et l’insécurité. (Crédit : Shutterstock)

Dans les rues de plusieurs villes du Venezuela, les manifestants sont descendus en masse pour dénoncer la politique économique du gouvernement de Nicolas Maduro. Quelles sont ces difficultés qu’affronte le pays actuellement ?
 

Mila Ivanovic : L’appel à la manifestation a été lancé sur la base de la « Journée de la Jeunesse » et favorisé par l’arrestation de plusieurs manifestants étudiants au cours des derniers jours. A cela s’ajoute évidemment les conditions économiques actuelles difficiles que connaît le pays, les problèmes d’approvisionnement et de distribution, l’inflation galopante.

Mais un des détonateurs principaux a été l’appel à occuper la rue, sous le slogan « qu’ils s’en aillent tous », lancé par les secteurs les plus radicaux de l’opposition représentés par Leopoldo Lopez et Corina Machado. 

Les manifestants dénoncent également un climat d’insécurité dans le pays. Ce fléau a été le cheval de bataille de Nicolas Maduro pendant sa campagne électorale. Pourquoi le Venezuela est-il à ce point en proie à la violence et à la criminalité ?
 

Mila Ivanovic : Cette question mériterait un livre entier ! Enormément d’éléments d’interprétation peuvent y répondre. En vrac : la culture pétrolière et la pénétration de capital et d’une culture productive différente à partir des années 40, une urbanisation fulgurante et non planifiée entre les années 60 et 80, la proximité d’un conflit armé qui dépasse largement les frontières colombiennes, l’absence de politiques sociales durant les années 90, la marginalisation des espaces urbains populaires.

Cette situation ne s’est pas inversée durant les quatorze années de gouvernement chaviste, malgré l’amélioration des conditions de vie des secteurs populaires. La réforme policière s’est faite attendre, jusqu’en 2011, moment où se met en place une nouvelle politique policière dont il est encore difficile de percevoir les résultats concrets. 

Maintenant que Nicolas Maduro a succédé à Hugo Chavez, l’opposition semble avoir pris plus de place sur la scène internationale. Est-ce le cas ?
 

Mila Ivanovic : Le problème principal est de savoir comment l’opposition va affronter l’après-Chavez en l’interne. Tout porte à croire que l’« unité » va être difficile à maintenir, les uns appelant à une résolution pacifique de la crise, les autres arguant d’un déficit institutionnel, voire d’une dictature, et d’une situation économique catastrophique pour se poser comme « résistant » au régime en place.

Par ailleurs, il a toujours été question de relations étroites entre l’opposition et des organisations ou agences internationales, nord-américaines en particulier. 

Si l’opposition se mobilise, les manifestants pro-gouvernementaux semblent également descendre dans les rues pour défendre le régime. Estimez-vous que la société vénézuélienne soit davantage polarisée aujourd’hui que durant les années Chavez ?
 

Mila Ivanovic : La société n’est pas polarisée mais plutôt politisée, et sans aucun doute bien plus qu’en 2002-2004, durant les moments les plus critiques de la confrontation politique. Autour du thème de la « guerre économique » les rangs se resserrent, une partie pensant être victime de la mauvaise gestion du gouvernement et de lois liberticides, l’autre considérant que l’important est le projet politique du socialisme du XXIème siècle et que les difficultés économiques sont le fait d’une alliance impérialiste. Il n’en demeure pas moins que chacun cherche à réunir les mécontentements et à les orienter.

Dans une allocution aux radios et télévisions du pays, Nicolas Maduro a affirmé qu’il n’y aurait pas de « coup d’Etat au Venezuela ». La situation au Venezuela pourrait-elle dégénérer à ce point ?
 

Mila Ivanovic : Il est en ce moment question de rumeurs de coup d’Etat, mais rien n’est corroboré. Qu’il y ait une tentative de déstabilisation est indubitable, dans la mesure où les trois décès de mercredi sont le fait d’affrontements entre civils et non de victimes de violences policières. L’important sur ce point est d’analyser la situation dans les casernes, pour l’instant rien ne confirme qu’il y ait un secteur militaire enclin à la dissidence.

Propos recueillis par Sybille de Larocque

Quitter la version mobile